Marc Dos Santos est de retour au Canada, où il a passé les neuf derniers mois à bâtir la nouvelle équipe d'expansion de la NASL. La Presse a rencontré l'ancien entraîneur de l'Impact, qui a bien voulu parler du nouveau défi qui l'attend à Ottawa, des émotions que suscite son retour dans la métropole, sans oublier son séjour au Brésil.

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Des retrouvailles avec l'Impact?

Depuis son départ de l'Impact, en juin 2011, Marc Dos Santos n'a pas eu l'occasion de remettre les pieds au stade Saputo. Après cette séparation, les méandres de la vie l'ont conduit au Brésil, pendant 18 mois, puis à Ottawa où il bâtit actuellement une équipe d'expansion dans la NASL. Il n'a toutefois pas oublié sa période montréalaise au cours de laquelle il a remporté un championnat (2009).

Même son subconscient se charge de le ramener dans cet environnement. «En rêve, je me suis déjà vu sur le banc de gauche du stade Saputo, celui de l'équipe visiteuse, admet-il. Est-ce que cela arriver? On va voir.»

La réponse à cette interrogation surviendra le 30 avril, au terme d'un duel aller-retour contre le FC Edmonton dans le cadre du Championnat canadien. Le gagnant affrontera ensuite l'Impact dans le deuxième match programmé à Montréal, le 14 mai. La perspective d'affronter son ancienne équipe tiraille l'entraîneur qui fêtera bientôt ses 37 ans.

«Marc l'émotionnel, le poète et le passionné rêve à ce match, mais Marc le professionnel ne veut même pas y penser, explique-t-il. Contre Edmonton, cela va être une bataille, surtout qu'ils auront beaucoup de pression pour ne pas perdre contre une équipe d'expansion. Je crois beaucoup en nos chances de battre Edmonton, mais si je pense à l'Impact, je vais manquer certains détails.»

En plusieurs occasions, Dos Santos précise que la relation est bonne entre la haute direction de l'Impact et lui. Le récent prêt du milieu de terrain montréalais Zakaria Messoudi tend d'ailleurs à prouver que les deux camps pourraient souvent collaborer à l'avenir.

Il se rappelle tout de même que son départ de l'Impact a eu lieu dans des circonstances particulières. Au beau milieu de la saison 2011, le club cherchait l'entraîneur qui le guiderait pour sa première campagne dans la MLS. A-t-il perçu que sa candidature était étudiée sérieusement? «Tout le monde entrait dans l'inconnu et, dans la vie, on a tendance à penser que le gazon est un peu plus vert chez le voisin», illustre-t-il pour parler du processus qui a mené à l'embauche de Jesse Marsch.

«Mais c'est normal qu'il y ait eu des doutes car, pour toutes sortes de raisons, on n'avait pas de bons résultats dans la NASL. J'ai trouvé que personne n'était sûr et, là où j'ai été naïf, c'est quand j'ai commencé à moins me concentrer sur l'Impact et un peu plus sur mon avenir.»

Parce qu'il «n'était pas sûr que l'Impact (le) voulait» (Marsch avait eu une rencontre avec l'équipe dès le mois d'avril 2011), il avoue donc qu'il n'était pas impliqué émotionnellement à 100% au moment où l'équipe affichait un dossier de 2-7-3. Ce n'est que lors de sa parenthèse brésilienne qu'il a compris son erreur. Après avoir mis les bouchées triples à Primeira Camisa, il ajoute avoir eu cette révélation dans la foulée de sa victoire en Copa Brasil, avec les moins de 15 ans de Palmeiras.

«Après le tir au but décisif contre Vasco de Gama, la première chose que je me suis dit et Dieu est mon témoin: "Parce que tu as été fidèle avec le peu que je t'ai donné, voici ta récompense." Là, j'ai revu le film et j'ai compris que, en 2011, j'aurais dû être impliqué à 100%. J'étais encore jeune et le Marc de 32 ans, qui a gagné, et celui qui va bientôt avoir 37 ans sont complètement différents.»

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Créer un club en quatre étapes

En partant d'une page blanche, Marc Dos Santos a passé les neuf derniers mois à bâtir le Fury d'Ottawa, club d'expansion de la NASL. En entrevue avec La Presse, il a détaillé les grandes étapes de cette construction.

Bâtir une identité

Malgré la tâche colossale de monter un club de A à Z, Dos Santos a eu le privilège de pouvoir faire du recrutement en fonction de sa philosophie. De fait, sa première tâche, à Ottawa, a été de définir un modèle de jeu pour chacune des grandes phases du soccer. En vrac, il souhaite une défense compacte pratiquant la zone et une équipe qui gagne la bataille de la possession. À la récupération, il exige que ses hommes assurent la conservation du ballon plutôt que de jouer la contre-attaque. Sur le plan tactique, il a finalement jeté son dévolu sur un 4-3-3 avec une pointe basse en milieu de terrain. «Ça nous aide à maximiser notre modèle, notamment dans le pressing dans le tiers adverse, explique-t-il. En phase défensive, cela nous permet aussi d'avoir beaucoup de joueurs en couverture. Puis, en possession, cela donne beaucoup d'options avec des triangles et des losanges.»

Trouver les joueurs

En attendant des essais, au mois de juin, l'effectif du Fury se compose de 23 éléments. On y trouve des anciens de la MLS, des habitués des divisions inférieures, des produits locaux, ainsi que des joueurs recrutés à l'étranger. «Quand on a une idée de jeu définie, cela aide à limiter les erreurs de recrutement, indique Dos Santos. Mais si le Real fait des erreurs à 70 millions, il peut aussi y en avoir dans la NASL et dans la MLS.» Avec un budget dans la moyenne du championnat, le Fury a doublé tous les postes et acquis trois gardiens tout en conservant 16 000 $ en banque. «Je trouve que c'est difficile de faire aussi bien, étant donné la situation», ajoute-t-il. Les partisans de l'Impact connaissent bien Sinisa Ubiparipovic, Tony Donatelli ou Pierre-Rudolph Mayard. Dos Santos vante aussi les Brésiliens Maykon («le meilleur arrière gauche des cinq équipes canadiennes») et l'ailier Oliver Minatel.

L'importance du camp d'entraînement

Entre le premier jour du camp et le début de la saison, Dos Santos aura eu une quarantaine de jours pour enseigner ses principes et modifier les microcycles d'entraînement en fonction des performances. La première partie du camp s'est déroulée sur le terrain synthétique du complexe Branchaud-Brière, à Gatineau. Le 1er avril, le Fury a mis le cap sur la Floride afin de préparer le match d'ouverture à Fort Lauderdale. C'est dans ce cadre que les joueurs ont pu se découvrir grâce à des activités extra-sportives. «On sent que les gars grandissent ensemble, estime l'ancien entraîneur de l'Impact. Lors des quatre premières semaines, on a eu des repas d'équipe avec leur famille et, selon moi, on n'a pas l'air d'un club d'expansion.» L'une des grandes difficultés aura été d'avoir hérité de joueurs ayant des formes physiques différentes. Par exemple, certains n'ont rejoint l'équipe que le 27 mars. «On pense que tout le monde va être au mieux de sa forme à la huitième semaine, soit à la fin du mois d'avril.»

Créer un engouement local

Depuis ses débuts, le Fury s'est fait un point d'honneur d'intégrer le public dans le choix de son logo ou de ses maillots. Il était toutefois difficile de bâtir une relation forte avant l'arrivée des joueurs. «On sent un engouement parce que les joueurs ont commencé à visiter des écoles ou des hôpitaux. Maintenant, cet engouement va surtout grimper en flèche à notre premier match au TD Place, le 20 juillet», annonce Dos Santos. Avant de découvrir cette enceinte de 24 000 places totalement rénovée, le Fury disputera ses six premiers matchs locaux sur le rudimentaire terrain de l'Université Carleton. Sur le plan médiatique, l'équipe est très souvent présente dans les colonnes des journaux francophones et anglophones. «Je dis aux médias et aux gens d'Ottawa que l'on ne peut pas se comparer à l'Impact ou au TFC d'aujourd'hui. On est dans l'inconnu, mais pour notre première année, on est bien en avance par rapport à d'autres nouvelles équipes», souligne Dos Santos.

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Photo Patrick Woodbury, Le Droit

Une aventure brésilienne

Un homme aura été déterminant dans le voyage brésilien de Marc Dos Santos: Cesar Sampaio. C'est au fil des discussions avec l'ancien champion du monde que l'entraîneur québécois a emprunté la voie sud-américaine plutôt que d'opter pour un poste d'adjoint dans la MLS, à Vancouver. Entre janvier 2012 et juin 2013, Dos Santos a ainsi été employé par trois clubs différents, du modeste Primeira Camisa au riche Desportivo Brasil en passant par le prestigieux Palmeiras. Récits de voyage de celui qui était surnommé Le Portugais au pays de Neymar.

La réflexion

«Après l'Impact, c'était sûr que je voulais aller au Brésil et vivre une aventure à l'étranger. Ma femme était enceinte de jumeaux et j'hésitais entre le confort nord-américain et le risque brésilien. C'est elle qui m'a donné la force en me disant: "Si on le fait, c'est maintenant, pas quand les enfants auront 14 ou 15 ans." À partir de là, tous mes doutes se sont dissipés.»

L'annonce du départ

«Quand j'ai annoncé mon arrivée pour Primeira Camisa, je me souviens d'avoir lu certaines critiques sur ce choix. Aujourd'hui, je peux dire que j'y suis allé car, pendant ce temps, ils réglaient mes papiers pour que je reste au Brésil, avec le club de Palmeiras. Cesar Sampaio allait devenir directeur technique de Palmeiras et il est très ami avec Roque Júnior, président de Primeira Camisa. Mais, je ne pouvais pas dire aux médias que j'allais à Palmeiras, ce qui a été dur pour mon orgueil.»

Primeira Camisa FC

«J'ai eu la pire équipe de l'histoire du club. Je devais travailler un mois avec Primeira Camisa et, en arrivant pour mon premier entraînement, le gazon était super haut (il montre une hauteur d'environ 70 cm). Une fois, il y a un cheval qui est passé sur le terrain. Les lignes n'étaient même pas tracées. Finalement, on a atteint les huitièmes de finale de la Copa São Paulo.»

L'arrivée à Palmeiras

«Par peur de se faire tuer par les médias, la direction de Palmeiras ne voulait pas annoncer la nomination d'un entraîneur étranger avec l'équipe réserve. Je suis donc allé avec les moins de 15 ans où cela devait passer inaperçu. Le lendemain du premier entraînement, le journal Lance! a fait un texte sur Palmeiras avec un âne qui écrivait 2+2=3. Le titre était "Un entraîneur canadien pour s'occuper de l'Académie". L'âne, c'était moi.»

Le prestige de Palmeiras

«Pour moi, c'est un club de la valeur de Chelsea ou de Manchester United avec ses 15 millions de partisans. On ne le comprend que lorsqu'on travaille là-bas. Quand j'allais à l'entraînement avec le chandail de Palmeiras, c'était un poids inexplicable, presque spirituel. Je n'ai eu ce sentiment que dans ce club-là. On a été la première équipe junior de l'histoire du club à gagner la Copa Brasil sans perdre le moindre match.»

Le départ pour Desportivo Brasil

«J'allais disputer les quarts de finale du championnat paulista contre Corinthians, mais le groupe Traffic m'a demandé d'aller au Desportivo Brasil. Je ne pouvais pas quitter Palmeiras, mais ils m'ont dit: "Combien tu veux?" Là-bas, j'ai eu l'équipe la plus jeune de l'histoire du club. On a fini en tête de la phase de groupe de la Copa São Paulo, mais on a ensuite perdu contre une équipe de Palmeiras plus âgée (3 à 2).»

Le bilan

«J'ai appris à gérer des joueurs internationaux. Certains des moins de 15 ans gagnaient 10 000 $ par mois grâce à des commanditaires. Ils étaient plus difficiles à gérer que des Roberto Brown ou Ali Gerba. J'ai aussi appris à ne penser qu'au prochain match grâce à Luis Felipe Scolari. Là-bas, j'ai amélioré mon modèle de jeu et ma méthodologie d'entraînement. Ma réputation est très bonne au Brésil. Si j'y retourne demain, certains clubs comme les moins de 20 ans de Corinthians ou de Flamengo vont peut-être vouloir m'engager.»