Joseph Blatter, président de la FIFA, s'est prononcé pour une introduction de la technologie limitée, sur la ligne de but, mais a dénoncé la triple peine dans l'arbitrage, dans un entretien exclusif à l'AFP.

«Nous commençons (avec la technologie sur la ligne de but) à la Coupe du monde des clubs (cet hiver), à la Coupe des Confédérations (été prochain), puis à la Coupe du monde en 2014, mais je ne pense pas que c'est une révolution. C'est une aide à l'arbitre», souligne le dirigeant suisse.

«J'ai changé mon attitude quand j'ai vu ce qui s'est passé en 2010 au Mondial (8e de finale avec un but valable refusé à l'Angleterre contre l'Allemagne), a-t-il confié. Comme président de la FIFA, j'ai vu et j'ai dit: maintenant pour la prochaine Coupe du monde, il ne peut pas nous arriver la même chose, sinon je peux aller me cacher, partir».

Il considère «qu'on a deux systèmes qui sont à 95 ou 98 % fiables. Et donc il faut l'introduire, mais seulement pour ceux qui le veulent».

Mais M. Blatter ne veut pas d'un arbitrage vidéo global sur toutes les actions litigieuses: «non, ça s'arrête là, ça s'arrête à la ligne de but».

«C'est même la quadruple peine !»

«Le foot doit garder son visage humain, sinon tous les fans, vous en faites quoi ?», poursuit-il avant de livrer une anecdote: «tous ceux dans les tribunes sont arbitres, joueurs et entraîneurs, ils savent tout, y compris les politiciens. Le premier ministre d'un très grand pays --une femme (Angela Merkel, ndlr) l'an passé à la Coupe du monde féminine en Allemagne -- elle était assise à côté de moi et elle crie tout d'un coup "il y avait une faute !", elle me regarde, j'ai dit "bien sûr, il y avait faute" (rires)».

Blatter insiste en revanche sur une chose à abolir: la triple peine. «Carton rouge, expulsion, penalty et suspension, c'est même la quadruple peine !», dénonce-t-il. C'est au Board, instance garante des lois du jeu, qui a ouvert le dossier, d'en décider ou pas.

Les fautes «sont les mêmes sur toute la surface du jeu: s'il y a une faute dans les 16 mètres, si ça vaut jaune, l'arbitre doit donner jaune, pas rouge», enchaîne-t-il.

«Rouge c'est pour la violence ou quand on enlève une opportunité de donner but; quand le gardien plonge loin du but et touche le joueur, c'est jaune, pas rouge, il n'y a pas cette triple ou quadruple peine», martèle-t-il.

Blatter est favorable en revanche à plus de pédagogie arbitrale: «Aujourd'hui pour donner un carton jaune les arbitres courent après le joueur et "bam" (il fait le geste de brandir un carton). Arrêtez de faire ça ! Il faut dire aux joueurs "je dois faire ça, ce sont les lois du jeu"».

Il prône également une plus grande professionnalisation des arbitres: «un arbitre professionnel n'est pas meilleur, mais il y a un côté psychologique, si un arbitre est professionnel, il l'est comme le joueur, l'entraîneur, ce n'est pas "un envoyé du Bon Dieu", qui peut, un jour, ne plus être arbitre».

Le Mondial-2014 «ça marche», plus de rappel à l'ordre

«Les Brésiliens, on ne les rappelle plus à l'ordre, non, ça marche», a assuré Joseph Blatter, alors que l'instance avait dans un passé récent fustigé les retards brésiliens en vue du Mondial-2014.

«Les Brésiliens, on ne les rappelle plus à l'ordre, non ça marche. Ce qui a fondamentalement changé, c'est l'introduction d'un membre du gouvernement dans le comité local. On ne peut pas faire une organisation comme la Coupe du monde sans représentant du gouvernement, pour la sécurité, la télécommunication, les satellites, les infrastructures, les routes, trains, avions. Or le comité d'organisation avait dit non jusque-là», a-t-il détaillé.

«Ca marche, j'ai vu le rapport technique: il n'y a plus rien dans le rouge, il y a très peu de jaune, beaucoup de vert, ils ont compris qu'ils devaient y aller, a-t-il poursuivi. Mais ils auront des problèmes internes: des gens travaillent beaucoup, ça va coûter plus cher que prévu, Mais ce sera terminé, vous imaginez ça, la Coupe du monde de foot au Brésil !».

«Malheureusement, il n'y aura pas assez de places pour tout le monde, a-t-il encore glissé. Romario (ancienne vedette de la Seleçao), que j'ai reçu, voulait que tous les Brésiliens aient la chance d'avoir un billet, mais il y a 200 millions d'habitants au Brésil et on a 3 millions de tickets ! Il a dû remettre les choses en place».

«Romario, il a vu (compris) que les 3 millions de places c'est aussi pour la famille du foot (tous les pays), c'est une question de solidarité, a encore souligné le dirigeant suisse. Pour faire comprendre la solidarité au Brésil, puissance économique numéro 6 dans le monde, ce n'est pas facile, mais ça ira bien. Vous imaginez, le pays du foot, c'est merveilleux, tous ceux qui ont le coeur qui bat pour le foot, veulent aller là bas», a-t-il estimé.

Le foot aux JO est important pour les non Européens

«Le foot aux jeux olympiques, c'est important pour les nations non européennes», a expliqué Joseph Blatter.

«À la Coupe du monde, il y a 13 équipes européennes. C'est la loi des grands nombres, il est impossible d'éviter des Européens en demi-finale ou en finale. Par contre là, l'Europe n'a que 4 équipes sur 16 aux JO. Tout à coup, il n'y a plus de différences de qualité», a-t-il insisté.

«Regardez le palmarès des derniers JO: 1996 Nigéria, 2000 Cameroun, 2004 Argentine, 2008, Argentine, 2012 finale Mexique-Brésil (victoire du Mexique), a-t-il égrené. Et pourtant, l'équipe d'Espagne s'était préparée. L'Uruguay avait aussi arrêté son championnat pour se préparer et a été battu par le Sénégal», a-t-il mis en exergue.

«L'Angleterre est un pays qui est vraiment gâté par le foot de clubs, a-t-il ensuite commenté de façon générale à propos des derniers JO. Mais la réponse des spectateurs (a été excellente) on a fait 2,2 millions de spectateurs dont 600 000 pour les femmes ! Un seul match à Glasgow pour les femmes n'a pas beaucoup attiré, mais Glasgow n'aimait pas l'identification "London 2012" qui était dans tout le stade, ce n'était pas malin (sourires)».

«Laissez-moi finir mon dernier mandat»

«Laissez-moi finir mon dernier mandat», a lancé Joseph Blatter alors que ces derniers mois de nouvelles voix, notamment en Allemagne, se sont élevées pour réclamer son départ, sur fond d'affaires en tout genre.

À la question de l'AFP, «Est-ce vraiment votre dernier mandat?», le dirigeant suisse a répondu: «Oui je l'ai dit. Mais laissez-moi finir mon dernier mandat ! J'aimerais bien finir mon travail à la FIFA, qui n'est pas aussi mauvaise qu'elle n'est présentée dans certains médias et certaines régions du monde.»

Depuis sa réélection en juin 2011, alors que la FIFA baignait dans une atmosphère de scandales et affaires en tout genre, une vaste politique de réforme et de transparence est mené au sein de la Fédération internationale de football.

«Si je ne remets pas la FIFA sur les bons rails, alors j'aurais failli. Mais je suis certain que j'y arriverai», a d'ailleurs insisté M. Blatter.

Pour la suite, en 2015, il voit en Michel Platini, actuel président de l'UEFA, «un bon successeur possible».