Il fallait s'y attendre. Une nouvelle victoire spectaculaire et la frénésie s'est emparée des partisans montréalais. Le calendrier déséquilibré de la ligue majeure en amène plusieurs à faire des calculs sur les chances réelles de l'Impact d'atteindre les séries. C'est curieux, ça me rappelle une époque où nos Z'Amours s'approchaient à trois matchs des Cards ou des Pirates...

Chose certaine, les joueurs et le personnel d'entraîneurs ne se perdent pas en conjectures. Mieux vaut laisser ça à ceux du Crew ou de DC United. Un match à la fois, diront Jesse Marsch et sa bande. Préparez-vous à l'entendre longtemps, celle-là.

Malgré l'effervescence du moment, les 11 victoires cette saison et le refus perpétuel de la direction de se considérer comme une équipe d'expansion, il reste encore beaucoup à accomplir pour que l'Impact se hisse dans l'élite du circuit Garber. Cela m'amène à vous parler d'un des artisans moins visibles de l'édifice montréalais: Matt Jordan, directeur des opérations soccer.

Une transition sans heurt

Premier arrivé sur le terrain, dernier à partir. Vous connaissez? J'ai eu le plaisir de côtoyer plusieurs joueurs travaillants durant ma carrière, mais s'il y en a un à qui cette étiquette colle mieux qu'aux autres, c'est bien Matt Jordan.

À l'aube de la saison 2011, il a troqué sa case dans le vestiaire pour un bureau au stade Saputo, sans toutefois diminuer son ardeur au travail ni vivre une grande appréhension devant cette transition. «J'ai joué dans plusieurs équipes de la MLS depuis la création de la ligue. J'ai joué en Europe, dans la NASL. Je connais bien la ville. Je pense que j'avais tout le bagage nécessaire pour faire ce travail.»

Séparer le bon grain de l'ivraie au travers d'innombrables conversations avec des dizaines d'agents de joueurs, faire l'intermédiaire avec la ligue au sujet des contrats de joueurs montréalais, tout en tenant compte du plafond salarial, préparer le recrutement des meilleurs espoirs au niveau collégial américain, sans oublier de bien analyser le potentiel qui croît à l'Académie. Jordan passe dorénavant plus de temps à sa table de travail qu'il n'en passait au gymnase à faire ses étirements.

Véritable éminence grise du directeur technique Nick De Santis depuis sa retraite comme joueur, Jordan n'est pas du genre à chercher les feux de la rampe. L'ancien gardien semble être une sorte de liant entre les vétérans de l'organisation, comme De Santis ou Mauro Biello, et le personnel d'entraîneurs américains mis en place depuis le passage en MLS.

«Matt est très prudent quand vient le temps de prendre une décision entourant l'effectif de l'Impact.» Biello considère son ex-coéquipier comme un bon contrepoids et une présence apaisante devant les courants impulsifs qui peuvent survenir lors des réunions de l'état-major de l'Impact.

«Je pense que Nick m'a engagé parce qu'il sent que l'on se complémente bien. On pense souvent la même chose, mais il y a des moments où mon rôle est d'apporter un angle différent», dit Jordan, apparemment satisfait de cette relation de travail et de tout ce que la direction technique a accompli depuis un an et demi.

Au sujet de ce qui se passe sur le terrain, le directeur des opérations partage le jugement des entraîneurs: l'Impact a rarement été déclassé durant cette saison inaugurale. «Mis à part deux ou trois matchs, l'équipe tient son bout. Sauf qu'il nous est souvent arrivé de trouver le moyen de perdre plutôt que de gagner.» C'est d'ailleurs ce qui rend les dernières victoires encore plus savoureuses.

Selon Jordan, l'Impact a renversé la tendance en soutirant les trois points lors de rencontres - comme à Boston - dans lesquelles le onze montréalais était loin de son meilleur niveau. «Résultat à l'arraché... Comme quand on jouait ensemble dans ce club!»

Sur ce, Jordan se permet un bref éclat de rire avant de se lever brusquement pour me serrer la main avec conviction, comme il a l'habitude de le faire. Il me salue et regagne son bureau d'un pas décidé.