Les quatre lettres de son nom sont devenues pour plusieurs synonymes de corruption. Elle est l'objet de scandales récurrents. Mais la FIFA, qui mène les destinées du sport le plus populaire de la planète, se voit offrir une chance historique de faire le ménage.

Le comité de direction de la Fédération internationale de football association doit recevoir demain un rapport «draconien» de 15 pages contre la corruption. Les 24 membres du comité de direction de l'organisme devront approuver ou rejeter les recommandations contenues dans cette feuille de route pour la transparence.

«Ça va être difficile. Plusieurs points vont exiger d'intenses négociations, mais s'ils sont intelligents, ils vont retenir la plupart de ceux qui leur sont proposés, déclarait cette semaine l'auteur du rapport, Mark Pieth. Je pense qu'ils savent qu'ils ont actuellement une horrible réputation.»

Ce professeur de droit à l'Université de Bâle a été nommé par le président Sepp Blatter en novembre dernier à la tête du nouveau comité indépendant de gouvernance de la FIFA. L'organisation était alors en pleine tourmente et Pieth, qui préside depuis 22 ans le groupe anticorruption de l'OCDE, a été appelé à la rescousse.

Car, les scandales se sont multipliés à la FIFA depuis 2010. Cette année-là, les membres du comité de direction ont octroyé les Coupes du monde 2018 et 2022 à la Russie et au Qatar. Huit d'entre eux ont été accusés d'avoir touché des pots-de-vin. Le secrétaire général de la Fédération écrivait même dans un mémo interne - qui a été ébruité dans les médias - que le Qatar avait «acheté» sa Coupe du monde.

Puis, les élections de mai 2011 ont tourné au fiasco. Le seul opposant du président sortant Sepp Blatter, le Qatari Mohammed Bin Hammam, a été contraint de se retirer après avoir été accusé d'acheter des votes. Blatter, 76 ans et à la tête de l'organisation depuis 1998, a donc été réélu par défaut.

Lui-même s'est vu pointé du doigt par le représentant de la FIFA de Trinité-et-Tobago, qui a affirmé l'été dernier que Blatter avait monnayé son soutien lors de l'élection à la présidence en lui octroyant pour un prix ridicule les droits de télédiffusion des Coupes du monde pour l'État insulaire.

Et la liste continue... Mark Pieth a accepté son mandat dans cette atmosphère délétère. Il a d'abord été accueilli avec méfiance par plusieurs observateurs soucieux de l'éthique, qui notaient avec agacement qu'il avait été mis en poste par Blatter lui-même, que les deux étaient Suisses allemands et que l'expert anticorruption recevrait plus de 130 000 $ pour ses services.

Pieth a aussi été très clair quant à la portée de son mandat: il n'est pas intéressé aux dérapages passés. Pas question, donc, de partir à la traque d'officiels ayant commis des actes répréhensibles dans les dernières années.

Les suggestions de Pieth

Sa tâche consiste plutôt à mettre en place des balises à la gouvernance; déjà une révolution pour l'organisation basée à Zurich. Pieth veut notamment convaincre la FIFA de nommer un procureur indépendant capable de lancer des enquêtes et forcer les officiels de l'organisation à dévoiler leur salaire [les employés clés de la Fédération recevraient des salaires annuels avoisinant le million, selon Pieth].

Le comité de direction de la FIFA devra donc se pencher sur ces suggestions sans précédent. Sepp Blatter pourrait même en être l'un des plus tenaces partisans. À 76 ans, le président pourrait avoir envie de laisser l'héritage d'un gestionnaire éclairé.

L'enjeu est de taille. L'organisation est l'une des plus riches du sport professionnel. Elle a passé en 2011 la barre du milliard de revenus et son événement phare, la Coupe du monde de soccer, n'a jamais été aussi populaire.

«Je suis plutôt optimiste pour l'instant. Mais tout peut arriver. Si ça fonctionne, je recevrai une tape dans le dos. Si ça échoue, on me traitera d'idiot, note Mark Pieth. On devrait savoir à la mi-avril si la FIFA est sérieuse.»

________________________________________________

Avec Associated Press et le Financial Times