Le projet d'Académie de l'Impact fait des remous à Montréal-Nord. Après les professeurs et les élèves du cégep Marie-Victorin, c'est au tour d'intervenants engagés auprès des jeunes de s'y opposer. Ils craignent de perdre des terrains de soccer au profit du club professionnel et redoutent même que des jeunes du quartier se sentent floués et vandalisent les installations de l'équipe.

Si Québec donne le dernier feu vert, le centre de formation de l'Impact verra le jour en 2013 sur le site du cégep Marie-Victorin. Il y a à l'heure actuelle cinq terrains de soccer extérieurs disponibles pour la communauté, mais à l'issue des travaux, il n'en restera que deux.

«Ça fait 35 ans qu'on utilise ces terrains-là, explique la présidente du Club de soccer de Montréal-Nord, Estelle Saccomani. Je manque déjà de place, j'ai besoin de terrains pour mes joueurs!»

L'organisation de Mme Saccomani regroupe 700 amateurs, pour la plupart des jeunes du quartier. Elle se demande où ils joueront lorsque l'Académie de l'Impact et ses joueurs d'élite auront pris possession de certains terrains.

«Je n'ai pas parlé du projet de l'Impact aux parents et aux jeunes du club, raconte Mme Saccomani à La Presse. Je ne voulais pas jeter de l'huile sur le feu. Mais quand les jeunes l'ont appris ailleurs, ça a fait tout un scandale.

«On est dans la communauté de Montréal-Nord, que pensez-vous que nos jeunes vont penser de ça? Que les jeunes de l'Académie ont le droit de se servir de ces terrains, mais pas eux? demande-t-elle. Ça va faire un scandale à Montréal-Nord. Ça va encore faire des émeutes, c'est sûr. Ces terrains-là vont toujours être vandalisés.»

Il y a, à l'heure actuelle, trois terrains de 11 contre 11 et deux terrains de 7 contre 7, tous de gazon naturel, sur le campus du cégep. Le projet d'Académie prévoit que deux des grands terrains passeront à l'usage exclusif de l'Impact, que les deux plus petits seront détruits pour faire place aux bureaux du centre de développement de l'équipe, mais qu'un tout nouveau terrain synthétique verra le jour qui sera offert en location à la communauté le soir et la fin de semaine.

Selon des calculs du syndicat des enseignants du cégep, les jeunes du quartier seront donc privés de 761 heures de jeu sur les terrains de Marie-Victorin.

Pour Oscar Elimby, président de l'organisme Mener autrement, le projet de l'Impact est mal avisé à l'heure où «tout le monde parle d'insécurité» à Montréal-Nord. «Il ne faut pas une boule de cristal pour savoir ce qui va se passer, lâche-t-il. Les jeunes qui ne peuvent plus aller jouer sur ces terrains vont traîner ailleurs. On va être pris avec eux, dans les couloirs, sous les cages d'escalier, entre les immeubles, parce qu'il faut qu'ils aillent quelque part.»

Le projet de l'Impact, plutôt que de créer une plus-value pour la communauté, vient selon lui hypothéquer ses maigres ressources. «On manque déjà d'équipements», dit-il.

«Un projet porteur»

Les voix de ces deux intervenants s'ajoutent à celles des professeurs et des étudiants du cégep, qui s'opposent au projet par le truchement de leurs associations respectives.

Une centaine de personnes ont d'ailleurs assisté au dernier conseil d'administration du cégep, dont plusieurs opposants. Dans un document obtenu par La Presse, la direction de Marie-Victorin reconnaît même que le projet «a créé un profond malaise» dans la communauté collégiale.

Mais l'établissement d'enseignement est déterminé à aller de l'avant. L'Académie de l'Impact devra verser 160 000$ par année en loyer au cégep. Le bail de 25 ans prévoit donc des revenus de 4 millions, qui serviront à construire un nouveau pavillon pour les étudiants.

«On pense que c'est un projet qui est porteur, tant pour le cégep que pour la communauté, explique la directrice générale du cégep Marie-Victorin, Nicole Rouillier. On subit des compressions importantes dans le réseau collégial, alors c'est une occasion qui nous permet d'améliorer la qualité de l'enseignement.»

Mme Rouillier soutient par ailleurs que la communauté ne perdra pas d'heures de jeu, car le nouveau terrain synthétique, qui doit être muni d'un système d'éclairage, sera accessible plus tard le soir et plus tôt dans la saison. Mais la direction admet ne pas avoir pris en compte dans le calcul les deux plus petits terrains qui disparaîtront aussi, «car ils ne sont pas beaucoup utilisés».

L'arrondissement de Montréal-Nord, qui soutient aussi le projet, rappelle que deux nouveaux petits terrains de soccer seront disponibles non loin, à l'école secondaire Calixa-Lavallée. L'Académie «est un projet intéressant pour le développement du soccer à Montréal», juge un porte-parole de l'arrondissement, Michel Lemay.

Rappelons que l'Impact évoluera en Major League Soccer (MLS) dès le printemps prochain. La MLS exige que chaque équipe dispose d'un centre de formation des jeunes talents. L'Académie de l'Impact doit accueillir des joueurs de 13 à 21 ans.

Le projet d'Académie à Montréal-Nord devrait coûter 8 millions, pour remettre en état deux terrains naturels existants, construire le nouveau terrain synthétique et bâtir le pavillon du centre de formation. Les travaux doivent commencer au printemps prochain.

Le cégep a fait une demande de subvention dans le cadre du programme de financement des installations sportives du ministère de l'Éducation. On demande à Québec de payer la moitié - 4 millions - des coûts reliés à l'Académie de l'Impact. La décision du ministère doit être connue en décembre.

«Il faut arrêter d'avoir peur d'avoir peur. C'est un projet extraordinaire pour les jeunes du Québec et du quartier, croit le vice-président de l'Impact, Richard Legendre. On dit tout le temps qu'il manque de joueurs québécois en MLS. Là, une équipe, grâce à une académie, va investir dans les infrastructures, pour ses jeunes mais aussi pour la communauté locale. Comment n'est-ce pas positif?»