Le titre de champion d'Amérique du Sud conquis par l'Uruguay dimanche face au Paraguay (3-0), après la bonne campagne au Mondial 2010 (4e), couronne le «processus» initié en 2006 avec l'arrivée aux commandes du sélectionneur Oscar Tabarez, un «Maestro» très méthodique.

En novembre 2005, la Celeste perd son barrage face à l'Australie et manque le Mondial 2006. Après quelques mois d'atermoiements du côté de la Fédération (AUF), Tabarez est nommé à la tête de la Celeste. Il arrive sous deux conditions: les pleins pouvoirs, et du temps.

Le Maestro, surnom provenant de son passé de professeur après une modeste carrière de joueur, met alors en oeuvre son fameux «processus», raccourci pour «Institutionnalisation des processus des sélections et de formation de ses joueurs».

Il s'agit d'harmoniser les pratiques pour les sélections nationales de toutes les classes d'âge, sous sa supervision. Et de travailler dans la continuité, puisque dix entraîneurs (dont l'un deux fois) se sont succédé depuis son dernier passage à la tête de la Celeste, lorsqu'il avait hissé l'équipe en huitièmes de finale du Mondial 1990.

Samedi, il a dit s'être inspiré de la méthode mise en place par Jose Pekerman et Hugo Tocalli, naguère en charge des sélections de jeunes en Argentine, bardées de trophées sous leur égide (notamment les Mondiaux des moins de 20 ans en 1995, 1997 et 2001).

«Il y a des cycles, les générations peuvent être prodigues ou moins brillantes, ça arrive dans tous les pays, mais c'est justement à cause de ça qu'il faut avoir de la continuité dans le travail auprès des jeunes, a expliqué Tabarez. Cela permet de mieux détecter les jeunes qui peuvent intégrer la sélection A».

Même s'il admet qu'il n'y a «pas de relation univoque entre travail et résultat», les performances ont suivi. Entre autres, cette année, la qualification des Espoirs pour les JO pour la première fois depuis 1984, ou la place de finaliste obtenue au Mondial des moins de 17 ans.

Adhésion des joueurs

«On essaie de s'adapter à la réalité du foot moderne en restant fidèle à notre identité», avance aussi Tabarez.

Identité: la célèbre «garra charrua», cette agressivité constante, incarnée par un Diego Perez, et la priorité dévolue au bloc défensif. «Comme si jouer derrière et défendre était un délit!», ironise le Maestro. Et inscription dans une histoire nationale: les posters des grands moments de la sélection sont accrochés dans un couloir du nouveau centre technique national, le «complexe Celeste».

Côté moderne, le recours à un programme informatique pour analyser les matches produits ou ceux de l'adversaire, et pour déterminer un «profil psychophysique» de joueur.

À son arrivée, Tabarez fait le ménage. Exit la génération Recoba-Montero, place à la bande à Forlan. Le Maestro s'appuie sur une poignée de cadres: Lugano, Scotti, Eguren, Abreu, Forlan.

Et la confiance se tisse dans la douleur des qualifications à la Coupe du monde: en 2009, son capitaine Lugano vient le voir, et lui dit en substance: J'ai parlé avec les joueurs et tous disent que les choses ont été bien menées, et je vous dis qu'on va se qualifier.

Philosophe, Tabarez estime que «la récompense, c'est le chemin, et pas seulement le résultat final». Alors il ne faut pas s'étonner quand on lui demande si cette génération a besoin d'un titre et qu'il répond: «Dans l'absolu, non. Si on perd, cela voudra dire que ce qu'on a fait ne valait rien? Je ne le crois pas».

Dimanche, il a dédié le 15e titre uruguayen aux quatorze générations victorieuses précédentes. Une leçon d'histoire, aussi.