La Coupe du monde féminine, pour laquelle plus de 700 000 billets ont déjà été vendus, constituera un important succès d'estime pour le soccer féminin. Elle ne réussira pas pour autant à faire oublier longtemps les difficultés de croissance d'un sport qui peine, dans bien des pays, à trouver son public.

La problématique est éloquemment illustrée par la situation de la Women's Professional Soccer League, aux États-Unis, dans laquelle évoluent plusieurs des meilleures joueuses du monde, dont la Brésilienne Marta et l'attaquante canadienne Christine Sinclair.

La journaliste américaine Jenna Pel, qui tient un blogue consacré au soccer féminin, relève en entrevue que trois équipes ont dû cesser leurs opérations et qu'une autre a déménagé depuis la création de la ligue en 2009. Le nombre de spectateurs a chuté à près de 2000 personnes par match au cours de la dernière saison.

«C'est un peu déconcertant puisque ces résultats sont loin de ce qu'ils devraient être pour permettre aux équipes de rester à flot», dit-elle.

Baisse d'enthousiasme

L'enthousiasme soulevé dans le pays par la victoire historique de l'équipe nationale américaine à la Coupe du monde féminine de 1999 n'a été finalement que de courte durée, souligne Mme Pel. L'équipe nationale actuelle, même si elle est classée première au monde devant l'Allemagne, n'attire qu'environ 5000 personnes lors de ses sorties.

«L'équipe n'a plus le pouvoir d'attraction commerciale qu'elle avait par le passé et ne le retrouvera peut-être jamais», souligne la spécialiste, qui insiste sur la difficulté de «vendre» les sports féminins sur le marché américain.

Outre-Atlantique, dans des pays où le soccer fait depuis longtemps figure d'obsession, le volet féminin est aussi marginalisé.

L'équipe féminine de Lyon a récemment remporté la Ligue des champions, devenant le meilleur club d'Europe, sans susciter d'attention soutenue de la part des grands médias français. Plusieurs se sont faits discrets aussi sur les succès de l'équipe nationale à l'approche de la Coupe du monde.

Une organisation féministe française, Femmes solidaires, a lancé récemment une pétition pour dénoncer le fait que la compétition ne figure pas parmi les grands événements sportifs devant obligatoirement être télédiffusés dans le pays.

L'Allemagne est souvent citée par les aficionados du soccer féminin comme un modèle de référence en matière de développement professionnel. La Bundesliga, dans sa version féminine, demeure cependant une entreprise de taille modeste, les équipes attirant en moyenne des foules de 1000 personnes. La plupart des joueuses travaillent en parallèle avec leurs activités sportives.

Garçons manqués ou cover-girls?

Maike Schulz, qui travaille pour la revue de soccer féminin 11 Freundinnen (11 amies) relève que nombre d'Allemands ont une piètre estime de ce sport et de ses adeptes. «Beaucoup de gens pensent que le jeu est trop lent, inintéressant, et pratiqué par des femmes costaudes et lesbiennes qui sont pires que des garçons manqués», déplore la journaliste.

C'est dans le but déclaré de briser ces stéréotypes qu'une demi-douzaine de joueuses allemandes de haut niveau ont accepté peu avant la Coupe du monde de poser en petite tenue pour la revue Playboy, soulevant la controverse.

«Ça renvoie l'image qu'il faut regarder le soccer féminin parce que les filles sont de jolies poupées et non parce que le niveau de jeu est intéressant», critique Bernd Schröder, qui entraîne depuis des décennies l'équipe de Potsdam, l'une des meilleures de la ligue.

«Le plus gros problème, c'est que le soccer féminin n'a toujours pas trouvé une manière efficace de se vendre. C'est peut-être pour ça que l'on voit encore des coups de marketing de ce type», dit Jenna Pel.