Joseph Blatter, 75 ans, inébranlable, se dirige vers un quatrième et dernier mandat à la présidence de la FIFA, seul candidat mercredi à sa succession, alors que l'instance du football mondial est cernée par les accusations de corruption et minée par des enquêtes internes.

Alors que lundi soir, devant la presse, Blatter avait lancé bravache «la crise? quelle crise?», il a fini par reconnaître la gravité de la situation mardi soir dans son discours inaugural du 61e congrès, à la veille de l'élection.

«J'en étais persuadé mais je n'en suis plus sûr du tout: le foot devait jouer un rôle de coordinateur, de rassembleur, a-t-il déclaré. Je croyais que nous étions dans le monde du fair-play et de la discipline, ce n'est pas le cas, ce n'est plus le cas, la pyramide de la FIFA est en train de vaciller sur ses bases.»

Jusqu'ici, l'élection de mercredi a été maintenue contre vents et marées. Blatter, en habile politique, tente de tirer partie des affaires en ne manquant jamais une occasion de présenter les grandes lignes de son programme «tolérance zéro» contre la corruption.

«Danger en la demeure»

«Il y a danger en la demeure, j'aurai l'occasion demain (mercredi, lors du congrès électif) de vous parler de ce danger en la demeure, de la façon dont nous pouvons lutter, nous assurer que le foot, notre jeu, peut jouer son rôle de rassembleur au futur», a-t-il conclu sur ce sujet, tenter de renvoyer l'image de celui qui est enfin prêt à faire le grand ménage.

Mardi matin, la Fédération anglaise, suivie par l'Ecosse, a demandé le report de l'élection. Oeil pour oeil, dent pour dent, puisque Blatter, la veille, a classé sans suite une enquête parlementaire britannique sur les conditions d'attribution du Mondial-2022 au Qatar.

Blatter avait indiqué lundi soir devant la presse: «seuls les membres du congrès (208 membres) peuvent décider de reporter l'élection si une majorité change l'agenda au début de la réunion», ajoutant «mais je suis sûr que la FIFA peut régler les problèmes en interne».

Son seul adversaire à l'élection est hors course. Mohammed Bin Hammam, homme d'affaires du Qatar, 62 ans, président de la Confédération asiatique, a retiré sa candidature dans la nuit de samedi à dimanche, avant d'être suspendu le temps d'une enquête interne de la FIFA sur une fraude présumée liée au scrutin.

Bin Hammam veut faire appel, mais une source proche du dossier a précisé à l'AFP qu'il ne pourrait le faire avant d'avoir reçu les motivations de sa suspension, ce qui va prendre du temps. L'appel n'aurait pas été suspensif de toute façon.

Les commanditaires émus par le climat délétère

Les commanditaires de la FIFA - Coca Cola, Adidas, Visa, pour ne citer qu'eux - se sont émus de l'image renvoyée actuellement. Sans toutefois annoncer leur retrait.

Les attaques les plus virulentes viennent en réalité de l'intérieur de la FIFA, de Jack Warner, vice-président de la FIFA, qui purge également une suspension dans la même affaire que Bin Hammam depuis dimanche.

Warner a affirmé que Blatter aurait fait un «don» d'un million de dollars à la CONCACAF le 3 mai. Le président de la FIFA a trouvé la parade en évoquant deux programmes «goal» (développement d'infrastructures liées au football) de 500 000 $ chacun.

En revanche, Warner a créé un peu plus de troubles en révélant un email privé échangé avec le secrétaire général de la FIFA, Jérôme Valcke, où ce dernier lançait à propos de Bin Hammam: «Peut-être qu'il pensait qu'il pouvait acheter la FIFA comme ils (les Qataris) ont acheté le Mondial (2022)».

Valcke a reconnu lundi l'email en question mais a avancé qu'il avait utilisé un «ton plus léger», «moins formel», parlant de la «puissance financière» du Qatar, «pas d'achat de voix».

Le congrès suit donc son cours prévu: ouverture mardi soir avec les habituels cérémonie et banquet puis élection proprement dite mercredi.