Pas facile de succéder au premier de la classe. Encore plus délicat quand ce dernier, qui s'est auto-affublé du surnom «The Special One», a réussi un incroyable triplé Ligue des champions-Championnat-Coupe d'Italie.

C'est pourtant le défi quotidien auquel est confronté Rafael Benitez depuis qu'il a remplacé José Mourinho à la barre de l'Inter Milan à l'été.

Même après une dizaine de matchs officiels, une seule défaite en championnat et une position de tête en Ligue des champions, il ne passe pas une journée sans que la presse italienne ne l'interroge sur cette épineuse succession. Pas une journée ne passe sans que les observateurs ne se demandent ce que Mourinho aurait fait ou dit à la place de l'Espagnol.

Il faut dire que Mourinho n'a pas facilité cette transition. Comme il l'a fait après son départ de Chelsea en 2007, le Portugais a déjà tenu à revendiquer la paternité des futurs succès de l'Inter en éliminant toute marge de manoeuvre pour son ex-rival de Liverpool. «Une chose est sûre: Benitez ne pourra pas faire mieux que moi. C'est impossible, a indiqué Mourinho en août. J'espère qu'il réussira. Pas parce que je l'aime bien, mais parce qu'il entraîne mon équipe, l'Inter est mon équipe.»

La meilleure façon de faire oublier Mourinho et de mettre fin aux comparaisons reste évidemment la victoire. À Chelsea, il a fallu attendre l'arrivée de Carlo Ancelotti et le titre obtenu la saison passée pour y parvenir. Cette année, Benitez peut difficilement faire mieux que l'Inter version 2009-2010. Il peut par contre se démarquer sur le plan de la communication et de ses choix tactiques.

Après les phrases assassines et les états d'âme de Mourinho face au soccer italien, Benitez se pose en homme italophile et modeste devant chaque succès de son équipe. Un exemple? «Si nous jouons bien, ce n'est pas grâce à moi, mais parce que nous avons des joueurs de très grande qualité, a-t-il dit récemment. C'est la moindre des choses de bien jouer avec Sneijder, Milito, Eto'o ou Maicon.»

Mine de rien, cette déclaration constitue une petite droite au menton de Mourinho et de ses tactiques parfois frileuses, à l'image du déplacement à Barcelone en demi-finale de la Ligue des Champions. Benitez, lui, a rapidement promis un peu plus de panache dans le jeu.

L'illustration parfaite de changement est Samuel Eto'o, ex-attaquant axial du FC Barcelone qui a passé la saison dernière sur le côté gauche du dispositif milanais. Mais ses tâches défensives étaient telles que certains sont allés jusqu'à le décrire comme un second arrière gauche.

Cette année, par contre, le Camerounais jouit d'une plus grande liberté avec la possibilité de quitter plus souvent son aile pour s'approcher du but. En l'absence de l'attaquant Diego Milito, il a même été aligné - avec réussite - en pointe.

«L'année dernière, je jouais pratiquement défenseur avec Mourinho, mais c'était pour le bien de l'équipe et nous avons tout gagné», a souligné Eto'o la semaine dernière après son triplé contre le Werder Brême en Ligue des champions.

«Cette année, je joue plus comme un attaquant et on gagne aussi. L'Inter de Mourinho était bâti pour la contre-attaque. Avec Benitez, on se préoccupe plus de la possession de balle et on est plus tournés vers l'attaque. Pour nous, les attaquants, c'est mieux.»

Au retour au jeu de Milito, Benitez aura alors l'option de briser le schéma de prédilection de l'Inter sous Mourinho. Le 4-2-3-1 - que l'Espagnol utilise par ailleurs depuis son passage à Valence - se muerait alors en 4-3-1-2 avec Sneijder en soutien des deux attaquants.

Voilà déjà un premier pas pour sortir de l'ombre du «Special One».