Le rêve du Ghana était à portée de main. Et c'est une main, justement, qui l'a réduit à néant. Celle de Dieu, encore?

Si Luis Suarez, campé sur la ligne du but de l'Uruguay, n'avait pas stoppé de sa paume la frappe de Dominic Adiyiah dans les dernières secondes de temps supplémentaire, le Ghana aurait l'honneur d'être le premier pays africain de l'histoire à atteindre la demi-finale de la Coupe du monde.Si Asamoah Gyan, au lieu d'envoyer son tir sur la barre horizontale, avait converti le penalty accordé au Ghana quand Suarez a écopé de son carton rouge, les Black Stars se prépareraient à affronter les Pays-Bas mardi au Cap au lieu de faire leurs bagages pour Accra.

Et si le gardien uruguayen Fernando Muslera n'avait pas stoppé deux des tirs de barrage du Ghana, tout un continent rallié derrière l'étoile noire ghanéenne aurait continué à espérer.

Malheureusement, avec des si...

Quelle fin de match complètement folle! Je pensais avoir tout vu lors de la finale de la Coupe Grey gagnée par les Alouettes sur le tout dernier jeu du match, l'automne dernier...

Je me trompais.

Tombeur des Bafana Bafana au premier tour, l'Uruguay a brisé le coeur des Sud-Africains une deuxième fois en sortant les Black Stars, adoptés non seulement par le pays hôte, mais par tous les Africains.

Vainqueurs 4-2 aux penaltys après avoir fait jeu égal (1-1) pendant 120 minutes, les Uruguayens ne l'ont pas eu facile, dans un stade bondé où la foule de 84 017 spectateurs penchait presque entièrement du côté du Ghana. Chaque joueur uruguayen qui s'est avancé pour tirer son penalty - Forlan, Victorino, Scotti, Pereira, Abreu - a été copieusement hué. Mais quatre des cinq ont battu le gardien Richard Kingson, tandis que John Mensah et Adiyiah ont vu leurs efforts bloqués par Muslera, après des réussites de Gyan et de Stephen Appiah.

Pour un peu, on se serait cru en 1950, l'année où l'Uruguay a fait fi d'une foule de plus de 200 000 personnes au mythique stade Maracana de Rio de Janeiro pour vaincre le Brésil en finale de la Coupe du monde. Soixante ans plus tard, la Celeste a une fois de plus triomphé en dépit d'une foule entièrement conquise à son adversaire.

«Les gens qui croient à la destinée ont sans doute une explication pour ce qui s'est passé aujourd'hui, mais moi je n'en ai pas, a dit le sélectionneur uruguayen, Oscar Tabarez. C'était un match très dur. Nous avons encaissé un but en fin de première mi-temps (Sulley Muntari, d'une frappe d'au moins 35 mètres) et on nous a sifflé un penalty à la dernière seconde. Nous n'avons peut-être pas très bien joué, mais nous nous en sommes sortis avec les tripes.»

Dommage pour le Ghana, qui pouvait humer la victoire. Quelques centimètres plus bas et Gyan scellait son statut de héros national. Les buts de l'attaquant de Rennes, qui a eu le cran d'aller tirer - avec succès cette fois - le premier penalty des siens après la fin de la prolongation, avaient déjà donné au Ghana une victoire contre la Serbie, un nul contre l'Australie et une victoire en prolongation contre les États-Unis.

«Le football est comme ça, c'est tout ce que je peux vous dire, a commenté l'entraîneur du Ghana, Milovan Rajevac, les yeux rougis. C'était un match très difficile pour nous, parce que nous avions déjà joué 120 minutes contre les États-Unis en huitièmes. En fin de match, nous avons eu l'occasion d'entrer dans l'histoire avec ce penalty. Il faut être fier de ce que nous avons accompli. C'est le sport et le résultat est juste. La chance a souri à l'Uruguay.»

Résultat: l'Uruguay, 40 ans après sa dernière participation à la demi-finale du Mondial, est de retour dans le dernier carré, où l'attendent les Néerlandais, vainqueurs d'un Brésil qui a montré sa vulnérabilité. «Nous avons énormément souffert, mais qu'importe!» a dit le joueur du match, l'attaquant Diego Forlan, auteur du but de l'Uruguay sur un coup franc. «Ce soir, nous faisons partie des quatre meilleures équipes du monde!» Pour un pays d'à peine 3,5 millions d'habitants, l'exploit n'est franchement pas banal.

Des voix s'élevaient hier soir contre Luis Suarez, dénonçant le cynisme de sa faute de main. Pas d'accord. S'il n'avait rien fait, c'était 2-1 Ghana et l'Uruguay n'avait plus le temps de répliquer. Suarez a fait ce qu'il avait à faire. L'Uruguay a été puni par le penalty accordé au Ghana. Et Asamoah Gyan a raté son coup. Fin de la discussion. C'est triste pour le Ghana, mais c'est comme ça.