«Nothing but gold.» L'or et rien d'autre. La devise de l'Association des amateurs de sports du Ghana ne manque décidément pas d'ambition.

Gold. Comme dans Gold Coast, le nom que portait le Ghana avant que le petit État anglophone ne devienne le premier pays de l'Afrique subsaharienne à obtenir son indépendance, en 1957. Et comme le métal dont est fait le trophée remis au gagnant de la Coupe du monde de la FIFA.

«Nous y croyons. Nous n'avons peur de personne», m'a assuré hier Isaac Arthur, président de l'Association, un groupe de supporters ghanéens qui vivent en Afrique du Sud.

J'ai rencontré M. Arthur et quelques-uns de ses amis à la terrasse du Times Square Café, une institution de Yeoville, quartier cosmopolite et un peu rock and roll de Johannesburg où vivent des Africains de tous les coins du continent.

Quelques milliers de Ghanéens habitent apparemment la région. Mais l'appui aux Black Stars, qui affrontent aujourd'hui l'Uruguay en quarts de finale du Mondial, à Soccer City, dépasse largement les frontières de cette petite communauté d'expatriés.

Les Sud-Africains se sont rangés en masse derrière la seule équipe du continent toujours en lice. Les journaux locaux sont pleins d'appel à la solidarité panafricaine. L'ex-président du pays. Thabo Mbeki, a suggéré que l'équipe ghanéenne, surnommée les Black Stars, soit rebaptisée Black Stars of Africa. Un défilé d'appui aura lieu dans Yeoville aujourd'hui, avec «Bafana BaGhana» pour slogan. Et depuis quelques jours, les vendeurs de pacotille qui écoulent leur marchandise aux intersections de Johannesburg n'agitent plus le drapeau de l'Afrique du Sud pour attirer les automobilistes, mais bien l'étendard rouge, or et vert, avec une étoile noire en plein centre, du Ghana.

Ce ralliement à la cause ghanéenne aurait sûrement plu à Kwame Nkrumah, premier président du pays après son émancipation. Nkrumah était non seulement un fervent adhérent à la doctrine du panafricanisme, il croyait aussi «en la capacité (du soccer) de transcender les barrières ethniques, linguistiques, régionales, religieuses et générationnelles «, a écrit l'historien Peter Alegi, dans African Soccerscapes, un ouvrage récent sur le soccer en Afrique.

Le Ghana a rapidement connu beaucoup de succès, participant à quatre finales consécutives de la Coupe d'Afrique des nations (CAN) et remportant le tournoi biennal en 1963 et 1965. D'autres succès ont suivi en 1978 et 1982. Mais si bon soit-il sur la scène africaine, le Ghana n'avait jamais réussi, avant tout récemment, à se distinguer sur la scène internationale. Il lui a fallu attendre 2006 pour participer à sa première Coupe du monde.

En Allemagne, les Black Stars avaient notamment battu la République tchèque et les États-Unis avant d'être éliminés en huitièmes de finale (0-2) par l'Italie, le futur champion. Une performance plus qu'honorable pour ce baptême du Mondial.

Épidémie de blessures

Premier pays africain à obtenir sa qualification pour la Coupe du monde 2010, le Ghana était sur un nuage, l'an dernier. Et puis le coeur de l'équipe, le milieu de terrain Michael Essien, a subi une grave blessure à un genou, dès le début de la CAN, en Angola, cet hiver. D'autres joueurs clés les milieux Stephen Appiah et Sulley Muntari et les défenseurs John Pantsil et John Mensah sont aussi tombés au combat pendant ce tournoi.

Pourtant, à la surprise générale, le Ghana a atteint la finale, remportée 1-0 par l'Égypte.

«Les attentes n'étaient pas très élevées, a reconnu Abu Mumuni, 32 ans, un entraîneur de soccer d'origine ghanéenne établi à Johannesburg. Mais ils nous ont donné tort et maintenant, tout le monde est derrière eux. Ils pourraient faire l'histoire.»

Après avoir égalé la performance du Cameroun (1990) et du Sénégal (2002) en atteignant les quarts, le Ghana, s'il bat l'Uruguay, deviendrait le premier pays africain à se qualifier pour la demifinale de la Coupe du monde. «C'est important pour le soccer africain, a dit Mumuni. Les Européens et les Sud- Américains ont toujours dit qu'on n'y arriverait pas parce que nous ne sommes pas assez disciplinés et que nous n'avons pas d'assez bons joueurs. Nous allons leur prouver qu'ils ont tort.»

Essien ne s'est pas remis à temps et a déclaré forfait pour la Coupe du monde.

Mais même sans le joueur de Chelsea, une victoire contre l'Uruguay n'a rien d'impensable. Les nombreuses blessures l'hiver dernier ont forcé le sélectionneur serbe Milovan Rajevac, en poste depuis 2008, à intégrer plusieurs jeunes joueurs ayant participé à la conquête par le Ghana de la Coupe du monde U-20, à l'automne 2009. Il en est ressorti un collectif vraiment soudé.

«Les choix tactiques et la forme physique sont très importants, mais la psychologie l'est aussi, a dit Rajevac, hier. Je voulais que mes joueurs jouent comme un groupe, pas comme une collection d'individus.

C'est ça qui nous a permis d'être le premier pays africain à se qualifier pour la Coupe du monde, d'atteindre la finale de la CAN et maintenant d'être le seul pays africain toujours dans la course. Je suis vraiment fier de mes gars.» Un sentiment partagé par tout un continent.