Je n'avais pas à écrire, car La Presse ne paraissait pas hier. J'étais claqué après avoir passé la moitié de la journée au volant, entre Bloemfontein et Pretoria. Et j'avais envie de regarder le match Angleterre-Slovénie. Mercredi soir, j'ai songé sérieusement à renoncer à mon billet pour l'affrontement États-Unis-Algérie.

Mais comme chaque fois que la paresse me guette, je me suis répété la phrase d'un collègue: il n'arrive que de bonnes choses à ceux qui vont sur le terrain. La preuve en a été faite une fois de plus. Car ces sacrés Américains, en arrachant à la 92e minute la victoire de 1-0 qui les a qualifiés pour un duel avec les Ghanéens en ronde des 16, ont signé un des moments forts du Mondial 2010.

On peut aimer ou non les États-Unis et ce qu'ils représentent: le commercialisme débridé, l'idéalisme naïf de sa population et le cynisme de ses élus, l'impérialisme économique, le manque de curiosité, alouette. Mais on ne peut pas ne pas aimer la belle équipe qui représente les États-Unis à cette Coupe du monde.

C'est la première fois depuis 1930 que les États-Unis finissent premiers de leur groupe. Mais la route a été longue et ardue.

Ils sont revenus de l'arrière et ont fait 1-1 avec les Anglais après avoir encaissé un but dès la quatrième minute.

Ils ont comblé un retard de deux buts et se sont inexplicablement fait refuser le but qui leur aurait donné la victoire contre les Slovènes.

Et mercredi, contre les Algériens, ils se sont fait voler une fois de plus, les officiels voyant un hors-jeu imaginaire sur un but de Clint Dempsey qui les auraient lancés en avant à la 20e minute.

Ils auraient pu s'écraser, blâmer l'arbitrage (franchement pourri) et rentrer chez eux en maugréant contre le mauvais sort. Mais non. Sous le regard de Bill Clinton, qui assistait au match en compagnie du président de la FIFA, Sepp Blatter, ils n'ont jamais cessé d'attaquer, l'entraîneur Bob Bradley dépeuplant sa ligne arrière et jetant tous ses atouts offensifs dans la mêlée dans l'espoir d'aller chercher le but qui permettrait à Team USA de survivre.

Après d'innombrables occasions manquées, ses voeux ont finalement été exaucés à la 92e minute, gracieuseté de - qui d'autre? - Landon Donovan. Le sextuple joueur américain de l'année a complété la contre-attaque qu'il avait lui-même orchestrée. Après une course parfaitement synchronisée, il n'a eu qu'à pousser dans le filet le retour d'un tir à bout portant de Dempsey, qui avait reçu un centre de Jozy Altidore.

Le stade est entré en éruption dans un délire de drapeaux étoilés, pendant que Donovan, qui avait poursuivi sa course jusqu'au coin du terrain, était enseveli sous ses coéquipiers. Et les collègues algériens qui avaient passé le match à applaudir chaque bon coup des Fennecs - «No cheering in the press box» est un dicton qui n'a visiblement pas cours dans le Maghreb - ont baissé la tête, résignés.

La rédemption

Pour Donovan, l'année 2010 est celle de la rédemption. Il y a quatre ans, en Allemagne, les Américains avaient été éliminés au premier tour. La vedette du Galaxy de Los Angeles avait été vertement critiquée pour son jeu peu inspiré. Mais cette année, le général de l'attaque américaine semble au sommet de sa forme, après avoir brillé cet hiver pour Everton, le club de la Premier League anglaise auquel il avait été prêté.

Après le match, mercredi, Donovan, dont c'était le deuxième but du tournoi, avait du mal à réprimer ses larmes. «Je suis passé à travers bien des choses depuis quatre ans», a-t-il dit, faisant allusion non seulement aux flèches reçues en 2006, mais aussi à son divorce, l'été dernier. «Je suis tellement content que ça culmine comme ça. Ça me donne à penser qu'il y a une justice dans la vie. Quand tu fais les choses comme il faut, c'est bien de voir tes efforts récompensés.»

À 28 ans, Donovan en est déjà à sa troisième Coupe du monde. Enfant prodige du soccer - il a été choisi le joueur le plus utile de la Coupe du monde U-17, en 1999 -, il est reconnu comme l'un des meilleurs joueurs que les États-Unis aient produits. Mais des séjours plus ou moins fructueux en Allemagne, avec le Bayer Leverkusen et le Bayern Munich, ont soulevé des doutes quant à sa capacité de briller sur la scène internationale.

Les doutes ont disparu. «Landon a tellement grandi. Après avoir atteint le fond à la suite de la Coupe du monde de 2006, il a dû occuper un plus grand rôle dans l'équipe et devenir un leader plus responsable, a dit l'entraîneur Bradley. Ces défis sont arrivés au bon moment et il les a pris de front. C'est un sentiment particulier que de jouer pour une équipe qui dépend vraiment de toi et de ton caractère. Certains joueurs passent toute leur carrière sans jamais vivre ça.»

Dans la détermination manifestée par son équipe, Donovan voit la manifestation d'un certain «esprit américain», une fortitude morale qui empêche d'imaginer l'échec. «Nous avons eu un but refusé (contre la Slovénie). Nous avons eu un autre but refusé injustement ce soir. Mais nous n'avons pas lâché. Je pense que c'est pour ça que les gens admirent tellement les Américains.»

Les Américains, je ne sais pas. Mais c'est certainement pour cela que les gens admirent l'équipe américaine de soccer.