La salle étriquée du stade Loftus Versfeld était déjà pleine à craquer, une demi-heure avant le début de la conférence de presse. Une bonne vingtaine de caméras étaient braquées sur l'estrade vide, coincées entre deux colonnes qui obstruaient la vue de la moitié des journalistes. Ne manquait plus que la star du spectacle.

À bientôt 50 ans, et 13 ans après avoir disputé le dernier match de son illustre carrière, Diego Maradona continue de faire courir les foules. Il est le sélectionneur de l'Argentine, un des pays favoris pour remporter la Coupe du monde, le 11 juillet prochain. Et il reste aussi divertissant en dehors du terrain qu'il l'était autrefois, ballon au pied. Il n'a pas déçu, hier, chantant «Joyeux anniversaire» à un journaliste et se lançant dans une querelle de mots avec deux autres légendes du soccer, Pelé et Michel Platini.

Pelé l'a accusé cette semaine d'avoir accepté son poste d'entraîneur strictement pour l'argent. Réponse de Maradona au Brésilien, avec qui il partage le titre de joueur du XXe siècle de la FIFA ? «Que Pelé retourne au musée.»

Quant à Platini, il a dit récemment de Maradona qu'il était plus un joueur qu'un entraîneur. La remarque de l'ancien meneur de jeu des Bleus, aujourd'hui président de l'UEFA, n'a évidemment pas plu à Maradona. «On sait comment sont les Français et Platini est français. Il se croit toujours meilleur que les autres.» Et vlan!

Platini n'a pourtant pas tout à fait tort. On peut sortir Maradona de l'alignement, mais on ne peut sortir le joueur de Maradona. Il suffisait de le voir sur la ligne de touche lors de la victoire de 1-0 de l'Argentine contre le Nigeria, samedi.

À l'étroit dans un complet qui semblait avoir été taillé à l'époque où, un tantinet plus svelte, il remplissait les buts adverses à Napoli, Maradona n'a pu s'empêcher de jouer avec le ballon chaque fois qu'il a roulé en sa direction, faisant même à un moment un petit numéro de «keepie-uppie».

Quand le match s'est terminé, il est allé enlacer ses joueurs un par un sur le terrain, comme s'il était encore un des boys. «Je me sens entraîneur», dit pourtant Maradona, qui n'avait que deux brèves expériences de coach avec des clubs argentins, au milieu des années 90, avant de prendre la responsabilité de l'équipe nationale, en octobre 2008. «Un vrai entraîneur. Je crois avoir les capacités pour enseigner à mes joueurs. J'ai appris beaucoup de mes entraîneurs, mais cette fois-ci, c'est ma responsabilité.»

Charismatique

Barbe poivre et sel qui tranche avec sa chevelure toujours noire, diamants (ça en a l'air, en tout cas) incrustés dans les deux oreilles, regard charbon, Maradona demeure une figure charismatique, en dépit - ou peut-être en raison ? - de toutes les péripéties qu'il a vécues : abus d'alcool, surdose de cocaïne, crise cardiaque, opération à l'estomac, etc.

Bon motivateur, on le dit apprécié de ses joueurs, même si sa tendance déstabilisante à remanier constamment son alignement a été mise en évidence dans la difficile campagne de qualification de l'Argentine pour le Mondial. Une qualification obtenue d'extrême justesse : avec huit victoires, six défaites (y compris une raclée de 6-1 en Bolivie) et quatre matchs nuls, les Albicelestes ont dû attendre leur tout dernier match pour obtenir leur laissez-passer.

Mais tout ça, c'est du passé. L'Argentine a commencé le tournoi du bon pied avec sa victoire contre le Nigeria. Elle a livré une performance à la hauteur du talent incroyable dont dispose Maradona, avec les Mascherano, Tevez, Higuain et surtout, surtout, Lionel Messi - la plus proche approximation de Maradona depuis... Maradona.

Tellement calme et serein

Le temps d'un match, le prodige du FC Barcelone a fait taire ceux qui l'accusent d'être incapable de reproduire pour les Albicelestes les performances sublimes auxquelles il a habitué les fans du Barça. Contre le Nigeria, Messi a été une menace constante, multipliant les courses avec le ballon et décochant huit tirs, la moitié cadrés, tout en alimentant à profusion ses coéquipiers. Avec un peu plus de précision, et sans le travail remarquable du gardien nigérian, ses complices et lui auraient marqué quatre ou cinq fois.

«Il est tellement calme, tellement serein, tellement mature. Ça me rassure, a dit Maradona au sujet de Messi. Il avait besoin d'un match comme celui-là, d'être le leader, d'être charismatique avec ses coéquipiers. Ce sont des choses qu'on n'avait pas vues depuis un bon moment. Peut-être avec Barcelone, où il peut compter sur plusieurs autres joueurs, mais pas (en sélection).»

Une victoire contre la Corée du Sud, aujourd'hui, à Soccer City, et Maradona et son équipe pourraient s'assurer d'un passage en ronde des 16. Le succès n'est pas garanti. La Corée, qui offre un jeu très organisé, a triomphé facilement de la Grèce, 2-0, en lever de rideau.

Mais ce n'est pas comme ça qu'El Diego voit les choses. «En tout respect, la Corée n'a pas de Messi. Son jeu est basé sur le collectif très fort et très rapide. C'est une excellente équipe et il faut la respecter. Mais nous allons gagner ce match.»

Maradona n'a jamais pratiqué la langue de bois. Ce n'est pas aujourd'hui qu'il va commencer.