Quand on aime le soccer, il est difficile de ne pas aimer les Néerlandais. Des beaux jours de Johan Cruyff, il y a 35 ans, à ceux du quartet offensif actuel, qualifié sans fausse modestie de «Big Four» par l'attaquant Robin Van Persie, ils ont toujours pratiqué un football d'attaque qui plaît aux esthètes, tout en mouvement et en fluidité.

En plus, les sympathiques partisans des Oranjes nous rappellent immanquablement qu'il est possible de porter la couleur des Flyers de Philadelphie sans se transformer en homme de Cro-Magnon.

Le partisan moyen des Flyers ne peut en dire autant.

Mais comme tous les amateurs de beau football, les milliers de supporteurs néerlandais présents hier à Soccer City pour la victoire de 2-0 des Pays-Bas sur le Danemark - y compris un groupe de joyeux drilles qui font du camping près de Pretoria! - ont dû rester un peu sur leur faim, malgré le résultat favorable.

Une victoire ou à tout le moins un match nul était pratiquement une certitude. Les Néerlendais n'ont pas perdu un match d'ouverture à leurs sept dernières participations au Mondial. Ce n'est pas hier, contre des Danois éprouvés par les blessures, qu'ils allaient commencer. La Dynamite danoise est allergique à l'orange: sa dernière victoire contre les Pays-Bas, mis à part un gain en tirs de barrage en demi-finale de l'Euro 1992, remonte à... 1967!

Ajoutez à ça le fait que les Néerlendais surfent sur une impressionnante séquence de 19 (maintenant 20) matchs sans défaite et les fans danois, pas mal moins visibles dans le stade, devaient être tentés de noyer leur peine dans un six-pack de Tuborg avant même que le match commence.

Mais les Hollandais ont été incapables d'exercer le genre de domination que les Allemands, convaincants vainqueurs des Australiens dimanche, ont été les seuls à démontrer depuis l'ouverture du tournoi. Pire, selon leurs exigeants standards stylistiques: avec leur complicité de leurs adversaires, ils se sont rendus coupables d'une première demie franchement ennuyeuse.

Il faut dire que les Danois, pas fous, jouaient de manière hyper-défensive et laissaient peu d'espace de travail à l'impressionnant appareil offensif néerlandais, qui comprend, outre van Persie, Wesley Sneijder, Dirk Kuyt et Rafael van der Vaart, remplaçant sur l'aile gauche de la vedette du Bayern Munich, Arjen Robben, pas encore tout à fait remis d'une récente blessure à la jambe.

Le hasard - ou plutôt une gaffe du défenseur Simon Poulsen - a donné aux Hollandais le coup de pouce dont ils avaient besoin, dès la première minute de la seconde demie. L'arrière de la Juventus a redirigé de la tête un centre de van Persie dans le dos de son coéquipier Daniel Agger et le ballon s'est retrouvé au fond du filet danois sans que le gardien Thomas Sorensen puisse faire quoi que ce soit. Ce but «à peine croyable» (dixit le sélectionneur danois Morten Olsen) était tout ce qu'il fallait pour faire sauter le verrou danois.

«Nous ne pouvions rêver mieux, a dit l'entraîneur des Pays-Bas, Bert van Marvijk. Ç'a obligé les Danois à ouvrir le jeu et à nous laisser des espaces, après quoi nous avons contrôlé le ballon sans rien laisser passer ou presque.»

Sneijder, qui a frappé la barre transversale à la 82e minute, a été choisi le joueur du match, mais la révélation a été Eljero Elia, entré en remplacement de van der Vaart à la 67e minute. Rapide, incisif, l'attaquant de 23 ans s'est régulièrement moqué de son couvreur et a été à l'origine du but d'assurance de Kuyt, qui n'a eu qu'à pousser le ballon derrière la ligne après qu'Elia eut touché le poteau. Mention spéciale au jeune arrière-droit Gregory van der Wiel, qui a une fois de plus démontré une réjouissante capacité à attaquer le filet adverse.

Des performances qui n'auront pas manquer de réjouir les partisans néerlandais. Ils pourront continuer la fête samedi, à Durban, contre le Japon, auteur contre le Cameroun d'une victoire étonnante, sa première en Coupe du monde à l'extérieur de son territoire.

Car même si le spectacle n'a pas été aussi fabuleux qu'on aurait pu l'espérer, les Néerlendais demeurent de sérieux aspirants à un premier titre. Certes, les Pays-Bas se sont forgé une réputation de perdants (séduisants, mais perdants quand même) en s'inclinant en finale de la Coupe du monde en 1974 et 1978, puis en demi-finale en 1998. (Leur seule victoire dans un grand tournoi remonte à l'Euro 1988.)

Mais les Pays-Bas version 2010 ne sont pas seulement une puissance offensive. Ils sont extrêmement chiches en défense, la ligne menée par le vétéran capitaine Giovanni van Bronckhorst n'ayant accordé que deux buts en huit matchs de qualification pour le Mondial, le plus faible total des 13 pays européens ayant obtenu leur laissez-passer pour l'Afrique du Sud.

Attaque canon, défense solide, les Pays-Bas ne devraient pas avoir trop de mal à dominer le groupe E et à se frayer un chemin au moins jusqu'en quarts de finale, où, si la logique est respectée, un duel avec le Brésil est dans les cartes... On salive déjà.