N'eût été le bourdonnement des vuvuzelas, on aurait presque pu entendre les mouches voler dans les cafés de la Petite Italie, hier après-midi. Pas que les supporteurs manquaient à l'appel, mais l'enjeu était de taille pour les fans des champions du monde en titre qui affrontaient hier le Paraguay pour leur premier match en Afrique du Sud.

«On dirait qu'ils sont à la messe», soufflait Jean-Marc Charbonneau. Ce Montréalais, «touriste» du soccer selon sa propre expression, désignait le public captif qui, silencieusement, avait le regard tourné dans la même direction: l'écran géant installé au fond du Bar Sportivo, une institution du boulevard Saint-Laurent.

Non loin de là, Italo Baranchini placotait avec deux hommes à l'extérieur du San Simeon, rue Dante. À l'intérieur, les mines étaient sévères. Quand le Paraguay a marqué un but à la 32e minute, un murmure d'indignation s'est élevé, avant de retomber aussitôt. «Ils sont malades du foot», s'est amusé Italo Baranchini.

Assis sur la terrasse du Caffe Epoca, un homme entouré de ses deux fils ne pouvait pas parler, de crainte de détourner les yeux de l'écran installé à l'extérieur. La concentration manifeste des spectateurs ne les empêchait toutefois pas de commander pizzas, salades et cafés. D'autres en profitaient pour faire des affaires.

Perruque mohawk aux couleurs de l'Italie sur la tête, Raffaella Tropea, 29 ans, a apporté avec elle un paquet de ces produits qu'elle a conçus: des mohawks aux couleurs de six pays. Son succès reste le mohawk italien. «Les gens qui soutiennent l'Italie sont fanatiques, même s'ils ne gagnent pas, ils achètent», a-t-elle expliqué.

Le quartier entier est réputé pour sa ferveur. Augustis Mantelis et Liliane Marini ont préféré regarder la rencontre dans leur studio photo de la Petite Italie, habituellement fermé le lundi, plutôt que dans le confort de leur salon. «C'est toujours spécial ici et nous, on veut être avec tout le monde», a dit Liliane Marini.

En 2006, le couple a même laissé la télé diffuser, de la vitrine, le match pour les spectateurs qui n'avaient pas pu avoir un siège dans les cafés voisins. «Chaque fois qu'on a gagné, j'ai pris des photos du monde dans la rue», a dit M. Mantelis. Dans le magasin, un petit ballon aux couleurs de l'Italie et une réplique de la Coupe attendent patiemment le jour de gloire. «Tout est prêt», a dit Mme Marini.

Silencieux, l'amateur de foot italien ne se laisse pas abattre par l'adversité. À l'extérieur d'un café du boulevard Saint-Laurent, Carmen d'Onofrio prévoyait pour l'issue du match ni une défaite ni une victoire, mais une égalité.

«L'Italie se révèle dans l'adversité: c'est la mentalité», a expliqué le jeune homme d'affaires de Vancouver, avant de prédire à l'Italie une ascension jusqu'en finale. Cette certitude ne l'empêche pas d'adopter la mine concentrée des autres supporteurs.

«Le match, ce n'est jamais seulement le résultat: il y a toujours quelque chose à voir dans le jeu. Ce qu'on recherche, c'est le drame, le jeu dans le jeu. Les Italiens aiment analyser tout ça, a-t-il dit. On ne pense jamais qu'on va gagner, mais on s'attend quand même à gagner.»