Vendredi au Cap, face à l'Uruguay, Raymond Domenech entamera pour la seconde fois une Coupe du monde à la tête de l'équipe de France, quatre ans après la finale perdue à Berlin, deux ans après le fiasco de l'Euro 2008; un bien long chemin de croix pour les Bleus.

Le 9 juillet 2006, à Berlin, c'est sur le coup de tête de Zinedine Zidane dans la poitrine de Marco Materazzi que le technicien national a vu cette Coupe du monde si proche - les Italiens semblaient à la peine physiquement - s'éloigner, hors de portée.

Le geste fou de «Zizou» éclipsa un temps des critiques qui ne tardèrent pas à retrouver leur cible préférée: Raymond Domenech, en poste depuis 2004. L'honneur des sentiers de la gloire des Bleus en 2006 lui fut retiré. L'opinion publique fit sienne l'idée que les cadres - Zidane, Vieira, Makelele, Sagnol, Thuram - avaient pris l'équipe en mains pour la mener au sommet.

Et le ballet des commentaires acides reprit. L'étiquette de celui qui n'a jamais rien gagné - hormis un anecdotique tournoi de Toulon - colla désormais à la peau de l'ex-entraîneur des Espoirs.

Demande en mariage à la télé

L'ancien défenseur rugueux à moustache n'était pas encore à l'époque l'homme que les Français adorent détester. Il l'est devenu le 17 juin 2008, quand, au soir d'une élimination au premier tour de l'Euro 2008 (1 nul, 2 défaites, 6 buts encaissés, 1 seul marqué), il sidéra en demandant la main de sa compagne en direct à la télévision, alors qu'un mea culpa était attendu.

La Fédération, ignorant la candidature spontanée de Didier Deschamps soutenu par les anciens de 1998, prit l'opinion à contre-pied en le maintenant à son poste.

Cet amateur de théâtre connu pour ses réparties (exemple: «on a raclé les fonds de tiroir» pour expliquer une sélection) fut sommé de se maîtriser, tandis que ses joueurs étaient priés de faire du mot «générosité» leur credo. La FFF s'était assise sur un baril de poudre.

Un premier retour de flamme eut lieu le 5 août 2008 quand Domenech déclara dans le quotidien L'Équipe: «Les gens qui pensent qu'un sélectionneur, un entraîneur, et moi en particulier, peut être mis sous tutelle, sont soit stupides, soit totalement privés de lucidité».

Guillotine et escabeaux

Et la FFF se retrouva au bord de l'explosion quand les Bleus s'écroulèrent (3-1) en Autriche pour leur premier match des qualifications au Mondial au mois de septembre suivant, Domenech glissant dans son analyse d'après-match qu'il aurait fallu des «escabeaux» face aux grands gabarits autrichiens...

Puis il choqua, en avançant que la presse avait dressé pour lui la «guillotine» et était alléchée par «l'odeur du sang». Son salut, et celui des Bleus dans ce parcours éliminatoire, vint de Gourcuff et Ribéry, qui égalisèrent en Roumanie alors que la France était menée 2 à 0 au bout de 17 minutes.

Domenech ne put même pas savourer la qualification le 18 novembre 2009, une main de Thierry Henry déclenchant une nouvelle tempête dans le ciel des Bleus.

Vendredi dernier, l'équipe de France est revenue au point de départ, comme au début des qualifications, avec une défaite en amical contre la Chine (1-0), classée au 84e rang mondial.

Ce revers, là encore, a privé le technicien de 58 ans d'un moment de bonheur: avec ce match contre les Chinois, Domenech, qui était déjà le premier sélectionneur français à se qualifier pour trois phases finales (un Euro, deux Coupes du monde), venait de battre le record de Michel Hidalgo (1976-1984), en s'asseyant pour la 76e fois sur le banc des Bleus.

Que fera-t-il après le Mondial? Consultant? Entraîneur? Sélectionneur d'une autre nation? Il faut s'attendre à tout avec cet expert du contre-pied.