Impossible de ne pas remarquer le moment exact où Matthew Booth entre sur un terrain de soccer. Grand (près de 2m), mince, il est le seul Blanc des Mamelodi Sundowns, une équipe de soccer locale, ainsi que de l'équipe nationale sud-africaine, les Bafana Bafana. Quand il touche le ballon, un immense «bouuuuh!» s'échappe immanquablement des gradins remplis de spectateurs noirs.

L'oreille novice pourrait penser que l'athlète se fait huer et que, 20 ans après la fin de l'apartheid, les Blancs ne sont pas les bienvenus dans les temples du ballon rond, où les fans chantent des chants africains, tapent sur leurs tambours et font retentir leurs vuvuzelas.

 

Mais détrompez-vous! «Matthew Booth est de loin notre joueur préféré. On crie son nom: Boooooth! Nous l'encensons, nous ne le huons pas», explique Godfrey Kutama, rencontré au match local entre les Mamelodi Sundowns et les Moroka Swallows.

Même s'il pleut à boire debout, des centaines de fans se sont entassés dans les gradins du Super Stadium d'Atteridgeville, un township tout près de la capitale de l'Afrique du Sud, Pretoria. «C'est vrai que le soccer est plus populaire auprès des Noirs de l'Afrique du Sud, alors que le rugby est le sport des Blancs et le cricket, celui des Blancs et des Indiens, mais ce pays n'est plus ce qu'il était il y a 20 ans. Moi, je ne vois pas de différence. Je vois de bons athlètes», ajoute celui qui se passionne pour le soccer depuis 1984.

Hors norme

S'il se dit flatté par l'affection que lui portent ses fans, Matthew Booth est le premier à admettre qu'il est gêné par l'attention que lui portent les médias étrangers à la veille de la Coupe du monde. «Je comprends que les médias étrangers s'intéressent à moi à cause de l'histoire de mon pays, mais je ne me vois pas du tout comme une icône pour la Coupe du monde. L'équipe est bourrée de talents, de joueurs très connus», s'empresse-t-il de dire lorsque nous le rencontrons à sa sortie du stade d'Atteridgeville.

Il refuse de se voir comme un héros qui a bravé l'apartheid avant l'heure. «Chester Williams (NDLR: le seul Noir de l'équipe de rugby lors de la Coupe du monde de 1995) a eu beaucoup plus d'embûches que moi. Le soccer est multiracial depuis 1971, dans les années les plus noires de l'apartheid. Notre sport peut se donner le crédit d'avoir brisé des barrières dans ce pays. J'ai été intégré très jeune dans des équipes dont les joueurs étaient de toutes les races», note-t-il.

Marié à une Noire mannequin et ancienne «miss», père de deux enfants mulâtres, il ne cesse pourtant de surprendre dans un pays où les relations interraciales restent compliquées. L'athlète de 32 ans n'hésite pas à critiquer certaines pratiques qui ne sont pas étrangères au passé ségrégationniste. «Les Blancs sud-africains aiment le soccer, mais ils aiment le soccer de l'Europe. Pas celui des équipes locales.» Il espère que la Coupe du monde va changer la donne en permettant à tous les mordus de ce sport de partager les gradins.

Que va changer la Coupe du monde? «J'espère que les investissements vont changer les choses à la base. Ce serait bien que les joueurs amateurs aient des installations décentes, comme dans les autres sports. Pour le moment, elles sont terribles», s'insurge l'athlète avant de prendre congé. L'autobus l'attend. Son pays aussi.

 

MATTHEWPAUL BOOTH

Date de naissance : 14 mars 1977

Lieu de naissance : Fish Hoek, Afrique du Sud

Taille : 1.99 m

Joueur : arrière-centre

Club :Mamelodi Sundowns

Numéro 77