Le dernier grand rendez-vous d'Alex Harvey ne s'est pas terminé avec le dénouement heureux espéré.

Il était là où il le voulait, au pied de la dernière bosse, côte à côte avec Martin Johnsrud Sundby. Les médailles d'or et d'argent étaient déjà jouées, il restait le bronze à disputer parmi une dizaine de costauds.

Les cuisses et les bras de Harvey chauffaient. Il appréhendait l'attaque de Sundby, ne savait juste pas à quel moment elle surviendrait, idéalement le plus tard possible. Mais le Norvégien n'a pas perdu de temps. Il a détalé, suivi de son compatriote Sjur Roethe.

À ce moment précis, Harvey a compris que sa dernière course à des Championnats du monde ne se terminerait pas comme il l'espérait.

«Je voyais le podium partir, c'est sûr. Il n'y a plus grand-chose que tu peux faire, tu as les deux jambes bien crampées, et tu es comme: argh...»

Comme le dira son coéquipier Len Valjas un peu plus tard, le champion en titre n'avait pas « son kick à la Alex Harvey, son kick de médaille d'or ».

Écarté du podium avant d'entrer dans le stade, Harvey a terminé 12e de ce 50 kilomètres style libre de Seefeld, épreuve ultime des Mondiaux qui se sont conclus hier après-midi en Autriche.

Il a fini à 1 min 10,5 s de son successeur, Hans Christer Holund, le Norvégien qu'on n'attendait pas, échappé en solitaire pendant plus de la moitié de la course.

«Effrayé à mort» par le retour irrésistible du Russe Alexander Bolshunov, Holund a pu conserver une priorité 27,8 s à la ligne, signant la première victoire de sa carrière à ce niveau, et complétant un balayage des médailles d'or de la Norvège en ski de fond masculin.

Coup fumant

Les Russes ont réussi un coup fumant en ne s'arrêtant pas pour un changement de skis avec 14 km à faire, comme tous leurs principaux rivaux. Remplaçant de dernière minute d'un coéquipier malade, Bolshunov en a profité pour filer seul, sur des skis apparemment mieux fartés que toute la concurrence. L'athlète de 22 ans a gagné l'argent, sa quatrième à Seefeld, après trois d'argent et une de bronze aux Jeux olympiques de PyeongChang.

Roethe et Sundby se sont livré un furieux sprint fratricide, à l'avantage du premier, médaillé d'or au skiathlon la semaine dernière.

Un peu plus tôt, avec cinq kilomètres à faire, Harvey, bien placé pendant toute la course, s'était positionné derrière Sundby et Roethe, qui chassaient Bolshunov. Plus le petit groupe d'une douzaine de fondeurs s'étirait, plus sa confiance gonflait.

Ce n'est qu'en arrivant au pied de l'ascension ultime, où il se savait vulnérable, que les choses se sont gâtées.

«Je me suis placé comme je vous avais dit, premier en bas de la bosse, mais je n'étais juste pas assez fort pour poursuivre le dernier kick, a-t-il admis. Je me suis fait battre par du monde plus fort que moi. La tactique, l'équipement, tout était bien. Je n'étais juste pas assez fort, that's it.»

Son dossard de champion mondial encore sur la poitrine, Harvey s'est fait arrêter par quelques stations de télévision. Les reporters sondaient ses émotions, voulaient connaître les états d'âme du futur retraité.

S'il était touché, l'athlète de 30 ans l'a bien camouflé. «C'est un peu différent qu'après le 50 des autres Championnats du monde, parce que je sais que c'était mon dernier, mais je ne suis pas trop émotionnel, je dirais. J'y pense un peu, mais il n'y a pas encore...»

Son entraîneur Louis Bouchard, qui lui a fait l'accolade après la course, était plus nostalgique. «J'ai eu la chance de le suivre pendant tellement d'années. Il y a tellement eu d'émotions, de hauts et de bas, tu les vis émotivement ces moments-là, les défaites comme les victoires.»

Il n'avait rien à redire de la prestation de son protégé, «dans le peloton de tête pendant toute la course». «C'est une bonne course au total, mais il n'était pas optimal. Ça arrive souvent dans les 50, où tellement de joueurs peuvent gagner. C'est sûr que ça aurait été le fun le top 5, un podium, mais je trouve que c'est une très belle course de fin de carrière.»

Dans le clan canadien, il n'y a pas eu de cérémonial pour ce chant du cygne en championnat du meilleur fondeur canadien de l'histoire, blanchi pour la première fois aux Mondiaux depuis ses premiers en 2009. Il a fini sixième du skiathlon, son meilleur résultat de la saison en distance, et 16e du sprint individuel.

Une façon de la conforter dans sa décision de se retirer à la fin de la saison? «Je suis moins bon qu'à mes autres Mondiaux, c'est évident, et oui [ça me conforte], mais la décision n'était pas basée que sur les résultats, a-t-il précisé. Le moment est opportun, finir à la maison, le timing est juste bon.»

Les camionnettes remplies de sacs et de skis, ils ont pris la route pour Munich, d'où ils s'envoleront aujourd'hui pour Oslo, en vue du 50 km classique d'Holmenkollen, samedi. Après un arrêt en Suède la semaine suivante, le circuit de la Coupe du monde se déplacera à Québec pour les finales du 22 au 24 mars, où Harvey, toujours «motivé», fera ses adieux à la compétition devant son public.