Le fondeur norvégien Petter Northug fils, double médaillé d'or aux Jeux olympiques de Vancouver et 13 fois champion du monde, a annoncé hier sa retraite à l'âge de 32 ans, après une tentative avortée de retour au plus haut niveau. Alex Harvey s'exprime sur l'héritage de l'enfant terrible du ski de fond.

Spectaculaire

«Il va nous manquer, c'est certain, a réagi Harvey, joint au téléphone en Suisse. Il a rendu le sport plus gros, plus excitant. Le ski de fond est un sport traditionnel. Si on prend les années où [Martin Johnsrud] Sundby prenait une minute d'avance dans les départs en groupe, tu savais un peu comment la course allait finir. Ce n'était pas la même chose à l'époque où Northug gagnait. Sa rivalité avec [le Suisse] Dario Cologna a aussi créé beaucoup d'intérêt en Europe.»

Impact inégalé

«Plus grand que nature», Northug fils est la plus grande personnalité que le ski de fond a connue, selon Harvey. «En matière de palmarès, je ne pense pas qu'il se situe parmi les plus grands. Bjørn Daehlie et même Cologna en ont des plus étoffés. Mais sur le plan de l'impact, c'est le numéro un. Toutes les controverses dans lesquelles il a été impliqué, son image, l'attention qu'il recevait, c'est inégalé à ce jour.»



Ensemble sur le podium

Harvey a partagé le podium avec Northug pour ses trois premières médailles aux Championnats du monde. À Oslo, en 2011, il avait coiffé Ola Vigen Hattesdad, partenaire de Northug, pour remporter l'or au sprint par équipes avec Devon Kershaw. À Val di Fiemme, en 2013, Harvey avait gagné le bronze au sprint individuel, tandis que Northug avait enlevé l'argent. À Falun, deux ans plus tard, les deux rivaux ont grimpé une marche de plus dans la même épreuve. «Il m'avait dit: à Lahti [en 2017], c'est toi qui gagnes.» Finalement, Harvey s'était imposé... au 50 km.

Innovateur

Dans les départs en groupe, Northug a révolutionné la façon de courir, patientant souvent jusque dans les derniers mètres pour exploiter sa pointe de vitesse phénoménale. «Il a rendu notre sport beaucoup plus excitant, juge Harvey. Il a changé un peu la façon dont le monde compétitionne. C'est beaucoup plus stratégique maintenant. Ce n'est pas comme en vélo sur route, parce qu'il n'y a pas autant d'effet d'aspiration, mais ça s'en approche. Northug était le meilleur au monde pour exploiter les autres autour. Il avait également le sens du spectacle. Jusqu'à 50 m de l'arrivée, tu ne savais pas s'il allait être capable de gagner et boum! il passait de 10e à premier.»

Fantasque

Fantasque au possible, Northug fils ne ratait jamais une occasion de narguer ses adversaires - en particulier les grands rivaux suédois - au fil d'arrivée. Au relais des Mondiaux de 2011, à Oslo, il avait freiné juste avant la ligne pour la traverser sous les yeux de Marcus Hellner. Un an plus tôt, aux finales de la Coupe du monde de Falun, son avance était telle qu'il avait tapé la main de presque tous les spectateurs le long de la balustrade avant d'attendre le Français Maurice Manificat et de le coiffer sur le fil.

Enfant terrible

En 2014, Northug avait commis un délit de fuite après avoir provoqué un accident de la route alors qu'il était en état d'ébriété. Il avait d'abord tenté de faire porter la responsabilité à un ami. Il avait reçu une amende et une sentence de 50 jours de prison. Cet épisode, qui a fait la manchette pendant des mois en Norvège, a contribué à alimenter sa réputation d'enfant terrible. Pendant des années, il a aussi évolué dans une structure privée à l'extérieur de l'équipe norvégienne, grâce à de généreux contrats de commandite. «Coop, son principal commanditaire, lui donnait à peu près 3 millions de dollars canadiens, indique Harvey. Aucun autre fondeur n'a été proche de faire ça.»

Introverti

Railleur et sarcastique en conférence de presse, Northug fils était beaucoup plus discret en privé. «Il avait deux personnalités vraiment différentes, note Harvey. Devant les médias, il était excentrique, frôlait parfois le manque de respect, tout en restant dans les limites de l'acceptable. Il aimait surtout faire rire les journalistes. En personne, il était toujours bien respectueux, très différent, introverti même. Il avait de la misère à regarder le monde dans les yeux.»

Inspiration

Dans ses vieux jours, Harvey pourra se vanter d'avoir inspiré Northug pour l'une de ses célébrations victorieuses. À la fin du relais aux Mondiaux de 2011, le Norvégien avait placé un doigt devant sa bouche, comme s'il avait réduit ses rivaux suédois au silence, imitant un geste fait par le Québécois quelques jours plus tôt au sprint par équipes.

Photo Frederik Sandberg, archives TT News

Alex Harvey, Petter Northug fils et Ola Vigen Hattestad à Falun en 2015.