Jeune, quand il arpentait les pistes du parc de la Gatineau, le fondeur Patrick Stewart-Jones n'aurait jamais pu imaginer voir un jour la planète ski de fond débarquer dans son coin de pays.

«De voir un événement comme ça, de cette ampleur-là, avec les meilleurs skieurs au monde juste à côté de chez moi, non, je n'aurais jamais cru ça possible», lâche le fondeur de 24 ans, formé au club Nakkertok.

Stewart-Jones, qui a grandi à Chelsea, est davantage habitué au circuit nord-américain. N'empêche, il prendra part aujourd'hui à sa cinquième épreuve à vie en Coupe du monde. À Gatineau, sur ce sprint style libre de 1,7 kilomètre, il se mesurera aux meilleurs de sa discipline: aux Norvégiens qui dominent le championnat tout comme à son compatriote Alex Harvey, qui cherche désespérément à finir sa saison sur une note positive.

La saison 2015-2016 de ski de fond tire à sa fin. Il ne reste que huit courses aux meneurs pour se départager les honneurs. Ces huit courses auront toutes lieu au pays: à Gatineau, Montréal, Québec et Canmore. Il s'agit d'une première pour ce sport habitué aux pistes de Scandinavie et d'Europe. En 2012, le circuit avait fait un passage plus modeste au pays, pour quatre courses à Canmore et à Québec.

«À Canmore en 2012, c'était en décembre, juste avant le Tour de ski. Plusieurs des meilleurs athlètes avaient fait l'impasse. Mais là, les meilleurs sont là. Tout le monde est là, en fait», explique le fondeur français Maurice Manificat.

Dans ces huit courses canadiennes, c'est la saison de plusieurs fondeurs qui va se jouer. Manificat en sait quelque chose, lui qui occupe la 3e place du classement de la Coupe du monde pour les épreuves de distance, derrière deux Norvégiens et devant trois autres Vikings qui aimeraient bien lui piquer sa place.

«Je pense que rien ne nous empêcherait de retenter une expérience nord-américaine de cette ampleur dans l'avenir. Peut-être pas à chaque saison, mais chaque deux ans par exemple, poursuit Manificat. C'est sûr qu'il faut placer ce voyage intelligemment, mais là, en fin de saison, je trouve que c'est pas mal. Le décalage horaire n'est pas grave, parce qu'on sait que la saison est terminée après. On peut vraiment se concentrer sur cet événement-là.»

Pour Harvey, tout est possible

Le sprint de 1,7 km sera disputé sur un circuit exigeant tracé sur le bord de la rivière des Outaouais. «Ça va être long comme sprint. Il n'y a pas de grande pente, alors il n'y a pas de descente, donc aucune récupération, explique Alex Harvey. Les dernières 30 secondes seront très exigeantes.»

Harvey termine une saison difficile au cours de laquelle il n'a - jusqu'à maintenant - signé qu'un seul podium. En sprint style libre, sa meilleure performance cette saison a été une 33e place. Sur papier, il sera donc beaucoup plus dangereux pour le 20 km classique demain sur le mont Royal, à Montréal. N'empêche, il maintient que tout est possible pour lui aujourd'hui.

«Ce n'est pas ma meilleure épreuve, mais c'est réaliste de penser que je peux finir sur le podium. J'ai déjà eu des podiums en sprint dans le passé, dont l'année dernière aux championnats du monde.»

Les fondeurs vont devoir participer à des courses éliminatoires tout au long de la journée pour obtenir une place en finale. Seuls les deux plus rapides de ces vagues comptant six coureurs passeront au tour suivant.

«Ce sont six coureurs à la fois sur un parcours étroit. Ça joue du coude. Il y a des chutes, des bris d'équipement, explique Harvey. Il va falloir rester bien positionné pour pouvoir finir parmi les deux premiers et accéder aux rondes suivantes.»

Le favori aujourd'hui sera l'Italien Federico Pellegrino, meneur au classement des sprinteurs, juste devant le Norvégien Petter Northug, skieur le plus décoré de l'histoire. «Pour rester premier et remporter le classement des sprinteurs, je dois seulement battre Northug. Ça devrait être facile... ou pas», s'est amusé Pellegrino dans un français aux accents transalpins.

Photo Petr David Josek, archives Associated Press

Maurice Manificat

Des réserves stratégiques de neige

L'organisateur des courses de Montréal et de Québec, Gestev, a des réserves stratégiques de neige dans chacune des villes pour parer à toute éventualité. À Montréal, ce sont 5000 m2 de neige qui sont stockés sur le mont Royal pour regarnir les pistes au besoin. «Je ne peux pas divulguer l'endroit exact où est stockée la neige, parce qu'on ne voudrait pas se la faire voler, dit le président de Gestev, Patrice Drouin. Je ne fais même pas de blague, c'est sérieux!»