Arrivé lundi à Falun en Suède, Alex Harvey a remarqué les nombreux autobus remplis de Norvégiens venus encourager leurs favoris en territoire ennemi. Plusieurs ont installé leurs campements sophistiqués en bordure de parcours. Ils ont accaparé 50 000 des 160 000 billets vendus pour les Championnats du monde de ski nordique, ont annoncé les organisateurs de l'événement qui s'ouvre aujourd'hui dans la commune suédoise.

Hier, le grand champion norvégien Petter Northug a pimenté une rivalité déjà intense en publiant une photo où il pose, l'air narquois, dans l'uniforme de l'équipe suédoise. Imaginez P.K. Subban dans un chandail des Bruins de Boston avant le début d'une série.

Comme aux Mondiaux d'Oslo, en 2011, l'atmosphère promet d'être électrique durant la quinzaine suédoise. Ce n'est pas Harvey qui va s'en plaindre.

«C'est vraiment trippant, j'aime ça quand il y a une bonne ambiance, s'enthousiasmait-il au téléphone, lundi. Quand le show est plus gros, la scène plus grande, tu as encore plus d'adrénaline.»

Si Harvey avait eu à déterminer le lieu où il disputera ses quatrièmes Mondiaux, Falun aurait été son premier choix.

L'endroit lui a toujours souri. En mars 2012, il y a décroché sa première victoire en Coupe du monde, comme son père Pierre 25 ans plus tôt. L'hiver dernier, il est monté deux fois sur le podium, incluant une première place au skiathlon, son premier succès sur le circuit dans une épreuve de distance.

Falun a l'habitude d'accueillir les finales de la saison, une période où l'athlète de Saint-Ferréol-les-Neiges excelle. Mais ses réussites là-bas s'expliquent aussi par les parcours, dont il apprécie particulièrement le terrain accidenté: de longs faux plats graduels, pas de pentes trop abruptes. La Mördarbacken (littéralement: colline du tueur) a même été aplanie au fil des années.

«Ce sont des parcours exigeants physiquement, avec peu de récupération, analyse Harvey. Mais ce n'est pas juste la forme physique qui compte. Il faut être bien appliqué techniquement, il faut bien glisser.»

Le leader de l'équipe canadienne doit s'aligner dans au moins quatre courses sur six: le sprint classique (demain), le skiathlon (samedi), le relais 4 x 10 km (27 février) et le traditionnel 50 km classique de clôture (1er mars).

Sa participation au sprint par équipes (dimanche) dépendra en grande partie de la prestation de son coéquipier Len Valjas à l'épreuve individuelle. «Je vais le faire si je sens qu'on a une chance de podium», précise-t-il.

Médaillé de bronze en sprint aux derniers Mondiaux de Val di Fiemme, Harvey vise encore un podium à Falun. «J'ai trois bonnes cartes à jouer, juge-t-il en pensant aux courses individuelles. Je le vois comme un avantage. Il faut juste que tout tombe en place la même journée.»

Sa forme est excellente. Le fondeur de 26 ans a surtout travaillé son endurance lors d'un stage en altitude de deux semaines en Italie. Ça ne l'a pas empêché de terminer deuxième au dernier sprint d'Östersund, samedi. Exactement comme en 2011, avant que Harvey ne décroche l'or avec Devon Kershaw au sprint par équipes d'Oslo.

«Il a l'air d'avoir retrouvé ce moment-là», confirme son entraîneur Louis Bouchard, qui contient son enthousiasme. Enrhumé, il est resté en quarantaine à Östersund avec Kershaw et trois autres athlètes de l'équipe affligés par la maladie.

«Pour autant qu'Alex ne tombe pas malade, que l'équipement soit bon, ça va bien», dit l'entraîneur en souriant. Le spectre de Sotchi est encore frais à sa mémoire.

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Cinq rivaux pour Alex Harvey

Voici les cinq principaux favoris des Mondiaux de ski de fond de Falun, tels que nommés et commentés par Alex Harvey.

Petter Northug fils (Norvège), 29 ans, 5es Mondiaux: 9 or, 2 argent

«Il est revenu assez proche du niveau où il était depuis cinq, six ans. Quand il met un dossard, il faut que tu le considères comme un favori, surtout dans les grands championnats. Sotchi a été un flop, mais c'est le seul depuis 2007. Les gens peuvent dire ce qu'ils veulent contre lui, quand c'est le temps de faire une course, il est fort dans la tête. Fort tactiquement aussi. C'est dur de le battre tactiquement.»

Marcus Hellner (Suède), 29 ans, 5es Mondiaux: 1 or, 3, argent, 1 bronze

«On est en Suède et lui, c'est vraiment un gars de championnats. Aux Jeux de Vancouver, il avait gagné le 30 km, et c'est pas mal grâce à lui que la Suède avait gagné le relais. À Oslo [en 2011], il a gagné le sprint et fini le relais [2e]. Il était un peu moins bien à Val di Fiemme [2013], mais il a quand même fini deuxième des deux relais et huitième du skiathlon. Il n'a pas sa meilleure saison, mais il a fini troisième à Ostersund [dimanche], il est motivé et il sait comment se préparer. À surveiller surtout en pas de patin et en duathlon [qui se finit en style libre].»

Dario Cologna (Suisse), 29 ans, 4es Mondiaux: 1 or, 1 argent

«Parce que c'est une machine. Ça lui a pris un peu de temps avant de se mettre en marche, mais il est maintenant toujours dans le top 10. Il a gagné la première étape du Tour de ski. Il est champion en titre au 30 kilomètres. À considérer parmi les favoris à toutes les épreuves à part le sprint.»

Martin Johnsrud Sundby (Norvège), 30 ans, 4es Mondiaux: 1 or, 1 argent, 1 bronze

«C'est le leader de la Coupe du monde et ce n'est pas pour rien. Sa meilleure chance de victoire est au 15 kilomètres libre. Je pense qu'il va se concentrer là-dessus. Il a fini 3e du skiathlon et 4e du 50 km à Sotchi, mais il n'a jamais gagné dans un départ groupé. Il n'est pas le meilleur sprinter. Si je me retrouve avec lui à la fin d'une course, j'ai assez confiance de pouvoir le dépasser. Quand j'ai gagné à Falun [en 2014], il avait d'ailleurs fini deuxième par quelques dixièmes.»

Daniel Richardsson (Suède), 32 ans, 4es Mondiaux: 2 argent

«Un autre Suédois. Super fort en classique, il fait souvent exploser le groupe, en relais ou au duathlon. Lors de ma victoire à Falun, c'est lui qui avait fait exploser le groupe et on s'était retrouvés trois ou quatre à l'avant. À Sotchi, il a gagné le relais 4 x 10 km, fini troisième au 15 km classique et huitième au 50 km classique.»

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Photo Alessandro Garofalo, Reuters

Petter Northug fils

Un Dustin Cook dans la salle?

L'équipe canadienne de ski de fond vise deux médailles à Falun, soit une de moins que le total du pays dans toute l'histoire des Championnats du monde. L'objectif est ambitieux, convient Alex Harvey, qui a participé aux deux tiers de la collection (1).

«Moi-même, c'est rare que je me fixe un objectif qui n'est pas ambitieux», rétorque Harvey, qui vise au moins un podium en Suède. Il refuse de penser que tous les espoirs reposent sur ses épaules. Il souligne la réémergence de Len Valjas, spécialiste du sprint classique, 13e samedi à Östersund, et la 4e place d'Ivan Babikov au 15 km libre des Mondiaux 2013.

«Ils peuvent être les Dustin Cook de Falun!», signale Harvey, en faisant allusion à la médaille d'argent surprise du skieur alpin de Lac-Sainte-Marie aux récents Mondiaux de Beaver Creek.

Quant à Devon Kershaw, le plus grand mystère plane sur sa méforme depuis deux ans. «L'été, c'est vraiment lui le leader à l'entraînement», rappelle Harvey au sujet de son partenaire pour le titre mondial à Oslo, en 2011. «Ça peut revenir vite, quand même. Le niveau est tellement relevé. Tu peux finir 35e et ne pas être si loin du podium.»

Grame Killick (distance) et Jess Cockney (sprint) complètent l'équipe masculine.

Avec les retraites de Chandra Crawford et Dasha Gaïazova, le groupe féminin est en reconstruction. À la peine avant Noël, la sprinteuse Perianne Jones, l'unique vétéran, a rebondi avec une 21e place samedi à Östersund. Emily Nishikawa, 25 ans, se consacrera aux épreuves de distance. À 22 ans, Olivia Bouffard-Nesbitt, de Morin-Heights, découvrira les Mondiaux seniors après avoir brillé chez les U23 au Kazakhstan (12e du skiathlon).

(1) Sara Renner a gagné le bronze en sprint en 2005.

Photo Jeff McIntosh, archives PC

Len Valjas