Valérie Grenier a subi une terrible blessure aux Championnats du monde d'Åre la semaine dernière. À son retour au pays, elle en raconte les détails à La Presse et se promet de revenir encore plus forte.

Jusqu'à la dernière fraction de seconde, Valérie Grenier a pensé pouvoir s'en tirer, éviter le filet et s'arrêter dans une zone de dégagement sécuritaire.

Mais l'espace entre la porte et le filet était trop mince. Et sa vitesse, trop élevée. Son ski gauche a accroché une maille, suivi du droit, dans un violent mouvement de torsion. La skieuse de 22 ans est à peu près certaine que ses os ont craqué à ce moment précis.

Projetée dans les airs, elle a virevolté «comme une marionnette», poursuivant ses culbutes après son atterrissage sur la piste. Elle a glissé longtemps. Assez longtemps pour ressentir une douleur horrible dans sa botte droite.

«J'avais tellement mal, je criais, je pleurais. Je pleurais parce que ça faisait mal, mais aussi parce que je sentais que c'était quelque chose de grave.»

Si Valérie Grenier peut faire une telle description de son accident, survenu mercredi dernier à la deuxième descente d'entraînement des Championnats du monde d'Åre, en Suède, elle le doit à une vidéo tournée par un de ses entraîneurs.

Sur son lit d'hôpital, avant l'opération, elle a demandé à la visionner. Sait-on jamais, elle pourrait apprendre quelque chose qui lui servirait un jour.

«J'avais une bonne idée de ce qui était arrivé, mais je voulais en être certaine à 100%, a-t-elle expliqué au téléphone, hier après-midi. C'était ma faute. Je n'étais pas du tout dans la bonne trajectoire. J'ai vraiment compressé mon ski de façon agressive, et il y avait une bosse. Ça m'a fait sauter dans les airs, vraiment pas dans une bonne position. J'étais complètement debout et je m'en allais directement dans les filets.»

Pendant qu'on la secourait, elle a eu une pensée pour Marie-Michèle Gagnon, qui, «pauvre elle», attendait son tour dans le portillon de départ. À la manière de Manuel Osborne-Paradis, qui s'en était fait pour Erik Guay après sa chute à Lake Louise en novembre, elle se doutait que sa coéquipière ne serait pas dans les meilleures dispositions avant de s'élancer.

«J'ai tendance à me planter souvent, a souligné Grenier. Heureusement, ce n'est rien de grave la plupart du temps. Juste des égratignures ou des bleus. Quand [Marie-Michèle] a vu que ça prenait du temps, elle s'est inquiétée un peu. Mais rendu là, on ne peut pas trop y penser.»

Immobilisée sur une civière, la Franco-Ontarienne est descendue dans un traîneau. En chemin, elle a croisé ses parents, qui assistaient à l'entraînement en skis, sur le côté du parcours.

«Mon père descendait à côté de moi. Il disait: "Val, es-tu correcte?" Moi, j'étais juste là en train de crier et de pleurer. Il faisait pitié... Il se sentait mal pour moi et il ne pouvait rien faire. Je pense que c'est encore plus dur pour les parents qui te regardent avec ta douleur.»

Conduite à la clinique au pied de la station, la Canadienne a reçu un sédatif pour une opération délicate dont elle n'a plus de souvenir: l'enlèvement de sa botte, attachée bien serrée et dont le froid avait durci la coque.

Encore étourdie, elle avait repris connaissance au moment de son transport en hélicoptère vers un hôpital d'Östersund, à une centaine de kilomètres à l'est d'Åre. Une dizaine de membres du personnel médical l'attendaient dans une salle. Pendant qu'une femme lui parlait, un médecin a tiré sans prévenir sur sa jambe droite pour replacer son péroné fracturé.

«La femme a regardé et elle a dit : "OK, c'est bon, vous avez un pouls maintenant." J'ai dit: "Que voulez-vous dire, je n'en avais pas un avant?" Elle a répondu: "Pendant un moment, non, mais là, c'est correct." J'étais vraiment traumatisée! Je me suis remise à pleurer un peu tellement ça m'a fait peur.»

Après des examens, Grenier est passée sur la table d'opération le soir même. L'intervention chirurgicale s'est bien déroulée, mais elle en est ressortie avec une longue tige et neuf vis pour maintenir en place ses quatre fractures: tibia, péroné et col du talus, un important os de la cheville qui soutient tout le poids corporel, brisé à deux endroits.

«Tout s'est passé assez vite, ils ont vraiment bien pris soin de moi», a souligné la représentante du club de Mont-Tremblant, qui pouvait compter sur le médecin de l'équipe canadienne, la Dre Katie MacGregor.

Valérie Grenier a passé trois jours à l'hôpital avant de rejoindre ses parents à leur condo à Åre. Elle était «folle de joie» de revoir ses coéquipières, qui l'ont aidée à boucler ses valises. Dimanche, elle a assisté à la descente au condo de l'équipe avec ses collègues avant son départ vers l'aéroport d'Östersund.

«Je ne voulais pas leur dire bye. Je suis tellement habituée d'être avec elles chaque jour. Je suis triste de savoir que je ne les verrai pas pendant vraiment longtemps.»

Elle est rentrée lundi soir avec ses parents à la résidence familiale de Saint-Isidore, dans l'est de l'Ontario. Elle ne pourra pas mettre de poids sur son pied pendant les six prochaines semaines.

«Je pense que c'est maintenant que ça me frappe un peu plus. Je marche avec des béquilles et je ne peux pas faire grand-chose par moi-même.»

Hier, elle a revu un médecin parce que son pied avait enflé durant le vol, mais tout semble rentrer dans l'ordre.

À 22 ans, Grenier connaissait la meilleure saison de sa carrière. Elle a frôlé le podium à deux reprises en Coupe du monde, terminant cinquième à Lake Louise et quatrième à Cortina d'Ampezzo le 20 janvier. Avant de se blesser, elle avait pris le 19e rang à Åre dans de mauvaises conditions de visibilité.

Ralentie pendant trois hivers par un syndrome du compartiment qui lui causait des douleurs aux tibias, l'ex-championne mondiale junior prenait enfin son élan. Une deuxième opération à la jambe gauche au printemps semblait avoir réglé le problème pour de bon.

«C'est vraiment dommage et je suis triste de ne pas pouvoir terminer la saison, surtout que c'était ma meilleure à date», a noté celle qui s'était classée sixième du combiné à ses premiers Jeux olympiques à PyeongChang.

«Mais j'essaie de rester positive. Je sais que les blessures font partie de notre sport. Ça arrive à peu près à tout le monde. J'ai un but et c'est de revenir à ce niveau-là et même plus. J'essaie juste de rester positive et de garder la tête haute. Je devrai être patiente, c'est certain, mais je sais que je suis capable.»

Grenier parle déjà de retourner dans le gymnase et d'entreprendre sa réadaptation à Calgary. Dans un monde idéal, elle skierait à la fin de l'été et reprendrait la compétition en même temps que les autres, en octobre. Avec quelques vis en plus.

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Photo tirée de Facebook

ValŽérie Grenier a ŽétéŽ opéŽrée àˆ la jambe droite ˆà la suite de sa triple fracture subie aux Championnats du monde de ski alpin.

Un au revoir à Vonn

En décembre 2014, Grenier avait reçu les félicitations de Lindsey Vonn après avoir terminé 32e du super-G de Lake Louise, première épreuve de Coupe du monde de sa carrière. Les deux skieuses se sont croisées à l'aéroport d'Östersund, dimanche. L'Américaine venait tout juste de remporter la médaille de bronze en descente pour la toute dernière course de sa carrière. Grenier lui a appris son accident et en a profité pour poser pour la première fois avec la désormais légende du ski alpin, qui en connaît un rayon au chapitre des blessures graves. «Elle se sentait mal pour moi. Elle m'a dit de guérir vite et de prendre soin de moi.»

Photo tirée de Facebook

ValŽérie Grenier et Lindsey Vonn