Une semaine après Broderick Thompson, blessé à Nakiska, un autre membre de l'équipe canadienne de ski alpin est tombé au combat. Cette fois, le vétéran Manuel Osborne-Paradis s'est fracturé une jambe lors de la première descente d'entraînement de la Coupe du monde de Lake Louise, hier. Tout ça pratiquement sous les yeux d'Erik Guay, fortement ébranlé.

Erik Guay pensait avoir mis l'accident de Broderick Thompson derrière lui. C'était avant qu'un hélicoptère ne s'élève dans le ciel ensoleillé de Lake Louise pour secourir son autre coéquipier Manuel Osborne-Paradis, qui venait de tomber au milieu de sa descente d'entraînement, hier.

Toute sa bonne volonté s'est envolée comme la poussière de neige soulevée par les pales de l'appareil. Même sans informations en haut de piste, Guay savait ce que signifiait le bruit du rotor. Parti trois coureurs avant lui, Osborne-Paradis, avec qui il avait partagé un podium aux derniers Mondiaux, s'était blessé sérieusement.

Durant les 25 minutes de l'évacuation, Guay a vainement combattu ses mauvaises pensées. Déjà diminué par un dos capricieux, le vice-champion mondial de descente n'était plus l'ombre de lui-même pour ce retour en Coupe du monde après une saison presque complète d'absence. Il a même songé à dévaler la Men's Olympic Downhill debout.

Au moment de s'élancer du portillon, il avait décroché. «Complètement.»

«En fait, ça m'a tout pris pour sortir et prendre mon départ, a avoué Guay à La Presse quelques minutes après avoir franchi le fil. J'ai déjà été nerveux comme ça, mais ce n'était pas pareil. On dirait qu'il y avait plus de peur cette fois-ci. Je n'ai pas été capable de passer à travers.»

Skiant «peut-être à 50%», le descendeur de Mont-Tremblant a mis presque quatre secondes de plus que l'Italien Christof Innerhofer pour rallier l'arrivée. Un monde. À la fin de la journée, il avait réalisé le 69e temps. La préparatrice physique de l'équipe canadienne, Agneta Platter, a senti le besoin de l'enlacer dans l'aire réservée aux athlètes.

«Quelque chose a changé»

À la traîne depuis son retour sur neige l'été dernier, Guay ne s'est jamais retrouvé dans une telle situation, même après ses convalescences précédentes. La blessure à un genou subie par le jeune Broderick Thompson, qui dominait tous ses compatriotes à l'entraînement, l'a profondément marqué.

«Honnêtement, quelque chose a changé. D'habitude, je gagne de la confiance durant l'été. Arrivé en Coupe du monde, il y a évidemment des risques. Je suis prêt à les prendre quand je suis dans le coup. Depuis que Broderick s'est fait mal [sa saison est finie], je suis parti ailleurs. Je me disais: est-ce que ça vaut la peine de risquer quand je ne suis pas dans le coup anyway? C'est cette question que je me pose souvent ces temps-ci.»

«Ce sont des moments durs, a poursuivi l'athlète de 37 ans. Ce n'est pas un sport sans risques. Je ne sais pas comment les autres se sentent quand ils jouent au curling, mettons. Tu dois avoir une pression, mais tu ne t'en vas pas te faire mal. Il y a des sports où tu peux vraiment te faire mal. Et si tu n'es pas dans le bon état d'esprit, tu ne peux pas envoyer [toute la gomme].»

En sous-vêtements après s'être délesté de sa veste protectrice gonflable, qui l'avait sauvé en 2017, Guay a demandé un moment pour enfiler un duvet chaud. Après avoir offert un rapport de parcours détaillé à son coéquipier Dustin Cook, toujours en attente de son départ, il a poussé un peu plus loin la réflexion.

Avec le recul, il estime avoir commis sa pire erreur en annonçant qu'il disputait sa dernière saison dès le mois d'octobre. «Je ne pensais pas en parler, a noté le père de quatre filles. La question m'a été posée et c'est sorti naturellement. Ça a ouvert la porte. J'ai comme un pied dans la retraite et un pied dans la compétition.»

Tristesse

Guay ressent «une certaine tristesse» à l'idée de disputer sa 15e et dernière étape de Coupe du monde à Lake Louise, où il a signé le premier de ses 25 podiums en 2003. Pour l'occasion, il tiendra exceptionnellement une conférence de presse au Château après l'entraînement de demain.

«Je sais que je ne reviendrai pas comme compétiteur. En même temps, je suis quand même excité de passer à autre chose. On dirait que de plus en plus, je me sens prêt. C'est sûr que j'ai vécu tellement de moments en ski. J'ai passé pratiquement 37 ans sur mes planches. Au moment de me retirer, ça va être difficile. En même temps, ça va être excitant de passer à autre chose. Fêter Noël avec mes enfants à la maison. Ça aussi, c'est assez spécial.»

L'entrevue terminée, Guay a descendu le reste de la pente à pied en jasant avec l'Américain Steven Nyman, un autre éclopé de 36 ans qui reprend l'action après deux saisons gâchées par des blessures à un genou.

Quand il a quitté le chalet de la station des Rocheuses, Osborne-Paradis entrait dans l'ambulance sur une civière, la jambe gauche enrubannée. Victime d'une double fracture tibia-péroné, le Britanno-Colombien sera opéré à Calgary. Sa saison est finie avant d'avoir commencé. Guay, lui, poursuit la sienne aujourd'hui. Il partira cinquième de la deuxième descente d'entraînement. En espérant que cette fois, l'hélico reste à station.

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Photo Sergei Belski, USA TODAY Sports

Le Canadien Manuel Osborne-Paradis a été héliporté après avoir subi une double fracture du tibia-péroné.

En vrille

Le premier entraînement n'étant pas filmé, personne n'a vu les images de la chute de Manuel Osborne-Paradis, survenue dans le virage «Fish Net». Selon les informations colligées par le directeur aux affaires sportives de Canada Alpin, Martin Rufener, le médaillé de bronze du super-G aux derniers Mondiaux a commis une faute d'intérieur avant de frapper les filets avec les skis en premier. Il a ensuite glissé dans de la neige molle. «Ça l'a arrêté abruptement sur une jambe et il est ensuite parti en vrille», a expliqué Rufener. «C'est vraiment malheureux.»

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Douleurs

L'évacuation par hélicoptère d'Osborne-Paradis a pris 25 minutes, «un peu plus qu'on aurait aimé», a indiqué le médecin-chef du comité organisateur. «Ça a été un peu difficile, avec beaucoup de douleur ressentie par l'athlète», a-t-il précisé. Stabilisé dans une clinique temporaire aménagée dans une bâtisse au bas de la pente, il a ensuite été transporté par ambulance à l'hôpital Banff Mineral Springs, à une soixantaine de kilomètres au sud-ouest de Lake Louise. Toujours le mot pour rire, Osborne-Paradis a déridé les gens qui portaient la civière. Après confirmation de la double fracture par radiographie, il a été jugé préférable de l'envoyer à l'hôpital Foothills de Calgary, où il sera opéré.

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Égratignures

«Désolé d'avoir détruit vos skis», s'est excusé le directeur des épreuves masculines, Markus Waldner, en ouverture de la réunion des chefs d'équipes, hier soir. Pour préserver le mur initial de la descente, il avait demandé aux entraîneurs et aux membres des médias d'emprunter une route alternative pour la reconnaissance du parcours. Le chemin était truffé de roches. Bref, il n'y a pas épais de neige dans les hauteurs de Lake Louise malgré 1,50 m tombé depuis le début de la saison. Les (vieux) skis du représentant de La Presse ont été proprement détruits. Les nombreuses égratignures dans la base s'agenceront avec celle, encore plus profonde, faite au même endroit il y a de cela quelques années.