Marie-Michèle Gagnon a reçu un drôle de message privé sur Instagram, hier matin. «Je viens de rêver que tu avais gagné un super-G !», lui a écrit l'Américaine Lindsey Vonn. Belle façon de commencer sa journée.

«Ça n'a pas rapport, c'était juste un rêve, mais c'est quand même cute qu'elle m'ait dit ça», a souligné Gagnon en racontant l'anecdote, quelques heures plus tard, en marge d'une activité de financement de Canada Alpin à Montréal.

Un simple rêve, peut-être, mais si la meilleure skieuse de l'histoire a senti le besoin de le raconter à sa collègue québécoise, ça ne relevait pas que du hasard.

Gagnon et ses coéquipières canadiennes ont pris part à un stage d'entraînement avec Vonn, la championne mondiale de descente Ilka Štuhec et des skieurs de la Coupe du monde masculine, le mois dernier, au Chili.

Sous le soleil de la station La Parva, où elle a même participé à une séance avec son copain américain Travis Ganong, l'athlète de Lac-Etchemin a retrouvé ses premières amours: la vitesse. «Je me demande parfois pourquoi j'ai fait du slalom pendant tant d'années», a-t-elle même exprimé sur Instagram, son réseau social de prédilection.

Pour une skieuse qui a fait de la course entre les piquets son pain et son beurre pendant si longtemps, l'affirmation avait de quoi surprendre. Mais Gagnon était bel et bien sérieuse.

Le slalom, ce n'est pas fini, mais elle y a accordé beaucoup moins d'importance durant la saison morte. «Ça a toujours été une discipline forcée», a justifié celle qui a terminé sixième au classement final du slalom en 2014 et est monté deux fois sur le podium en Coupe du monde.

Dur sur le corps

Son questionnement sur son investissement dans cette spécialité avait surtout à voir avec l'engagement physique qu'il commande. Tout y est axé sur l'explosivité. «Le slalom, c'est dur sur le corps, dur sur l'esprit. Ça brûle tellement plus les jambes, c'est tellement plus intense [que la vitesse].»

Gagnon a d'abord excellé en vitesse avec l'équipe du Québec et dans le circuit de développement Nor-Am. Mais elle a dû se rabattre sur les disciplines techniques après avoir subi une grave fracture à une jambe à son arrivée dans l'équipe canadienne, en 2007. Elle ne regrette pas ce passage obligé, mais elle s'est ennuyée du super-G et de la descente, pour lesquels elle a toujours eu une aisance naturelle.

Son nouvel entraîneur, l'Italien Manuel Gamper, un spécialiste de la vitesse, s'en est bien aperçu durant la dernière saison. Sans préparation et en dépit de numéros de dossard élevés, sa protégée a décroché quelques résultats surprenants en super-G, dont une 12e place sur le parcours olympique de PyeongChang.

Surtout, elle a enchaîné les bonnes manches de vitesse en super-combiné: 12e aux Mondiaux de Saint-Moritz (pour le sixième rang au final) et troisième et quatrième à deux épreuves de Coupe du monde à Crans-Montana, où elle a flirté avec le podium. L'idée a fait son chemin.

«Je vais être honnête, ma meilleure chance pour une médaille aux Olympiques, c'est le super-combiné, a ajouté Gagnon. Mon slalom a toujours été fort parce que j'y passais du temps. Mais en descente, je n'avais pas d'expérience, pas de millage. Je faisais de mon mieux, mais je n'avais aucune idée de comment aller plus vite.»

Hiver occupé

Au printemps, l'athlète de 28 ans a été confortée dans sa reconversion lors d'un camp de glisse en Autriche et en Italie. Franz Gamper, un entraîneur à la retraite réputé qui a longtemps dirigé les Norvégiens, a fait le même constat que son fils Manuel.

Le séjour au Chili, où Gagnon a pu se mesurer à Vonn et échanger avec elle, a fini de la convaincre. «La vitesse, ça ne me dérange pas», a souligné celle qui amorcera sa saison le 28 octobre avec un géant à Sölden. «Je suis aussi à l'aise dans les sauts. Dans le fond, tout ce qu'il me fallait, c'est un peu plus de millage.»

Hormis une pause avant ses troisièmes JO, Gagnon disputera pratiquement toutes les épreuves de Coupe du monde cet hiver, y compris les slaloms. Peut-être qu'avec un peu moins de pression sur cette spécialité, les résultats viendront. Mais son plan pour PyeongChang est clair: elle mise sur le super-combiné. «Au lieu d'essayer d'être bonne dans toutes les disciplines, je veux être préparée carrément pour une seule.»

Qui sait si elle ne se retrouvera pas avec Lindsey Vonn sur le podium? Au fait, que lui a-t-elle répondu sur Instagram? «Ça me surprendrait que je t'aie battue dans ton rêve.» L'Américaine aux 77 victoires a précisé qu'elle avait raté une porte...

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Gagnon d'accord pour que Vonn se mesure aux hommes

À propos de Lindsey Vonn, la fédération américaine a fait savoir que son projet d'affronter les hommes n'était pas mort. La Fédération internationale de ski aurait accepté de réétudier la question et de statuer à son congrès de mai 2018. Comme en 2012, où sa première tentative avait été refusée, Vonn souhaite se mesurer aux hommes sur sa piste fétiche de Lake Louise en 2018.

«Je suis totalement pour ça», a commenté Marie-Michèle Gagnon, qui pense que sa consoeur pourrait percer le top 30. «Ce serait intéressant. Si Lindsey est au sommet de sa forme et qu'elle se prépare en conséquence... Elle a gagné par deux secondes à Lake Louise dans le passé, c'est assez impressionnant. Elle pourrait être compétitive.»

Photo Marco Tacca, Archives Associated Press

Lindsey Vonn