Un entraîneur allemand a déjà confié à Jean-Philippe Roy qu'il ne courait jamais le risque de fermer les livres en première manche avant qu'il n'ait dévalé la pente. Avec le dossard 47, 55 ou même 66, le skieur canadien s'élançait sans concessions, persuadé de pouvoir se jouer des ornières et se glisser parmi les 30 premiers.

Ce style combatif, qui avait fait sa réputation, Roy l'avait un peu perdu cette saison. Après une carrière de 14 saisons en Coupe du monde, l'athlète de 34 ans a donc choisi de se retirer. Le 26 mars, il disputera sa dernière course, en forme d'au revoir, aux championnats canadiens de Whistler.

«La décision n'a pas été facile à prendre, mais j'étais prêt à passer à autre chose», a confié Roy au téléphone, hier après-midi.

L'un des meilleurs techniciens de sa génération, l'athlète originaire de Sainte-Flavie, dans le Bas-Saint-Laurent, a pris 138 départs en Coupe du monde, de 1999 à 2013. Il n'est jamais monté sur le podium, mais il est passé près à quelques reprises, dont cette cinquième place au slalom géant d'Alta Badia qui l'avait révélé en 2004.

Sextuple champion national, il s'est surtout distingué en championnat. Aux Mondiaux de Bormio, en 2005, il avait réussi le troisième temps de la première manche avant de se bousiller un genou à la reprise. Il a rebondi deux ans plus tard avec une septième place à Äre. Une deuxième blessure sérieuse à un genou l'a privé des Jeux olympiques de Vancouver.

Roy pensait être sur la bonne voie quand il a lancé sa saison 2012-13 avec une 17e position à Sölden. Il n'a pas atteint la deuxième manche lors des quatre Coupes du monde suivantes.

«Physiquement, c'est une de mes meilleures années, a noté le résidant de Gatineau. Peut-être qu'inconsciemment, ça a un peu joué. Avec tout le travail que j'ai fait pour revenir en santé, je ne voulais pas me reblesser. Je me retenais un peu. C'est drôle parce que durant toute ma carrière, je prenais les risques. D'un seul coup, ça devenait ma faiblesse...»

Il n'a donc pas été surpris quand l'entraîneur-chef Peter Bosinger lui a confirmé en janvier qu'il n'était pas retenu dans l'équipe pour les Mondiaux de Schladming. Les critères favorisaient des coureurs plus jeunes. «À ce point-ci de ma carrière, je l'ai accepté, a indiqué Roy. Je sens que j'ai tout donné. Je n'étais plus capable d'en donner autant, de donner ce qu'il fallait pour réussir.»

«Je me sens bien avec cette décision»

À son retour au pays, lors d'une correspondance à Londres, il est tombé sur une offre de cours en massothérapie qui commençait à la fin de février. Ça tombait dans ses cordes, lui qui est inscrit à un cours d'ostéopathie à l'automne. Ça a aussi scellé son choix de tirer sa révérence. Ses deux enfants, Jake, 5 ans, et Keegan, bientôt 3, étaient heureux d'apprendre qu'il ne quitterait plus la maison aussi souvent.

«Je me sens bien avec cette décision et je ne la regrette pas, a dit Roy. Ça va faire du bien de passer plus de temps avec mes enfants et ma femme. Je suis quand même content de ce que j'ai accompli dans ma carrière en ski. Je sens que j'ai tout donné et je sors de là fier de moi. En n'ayant jamais lâché, j'en ai peut-être motivé un ou deux à persévérer dans n'importe quel domaine de leur vie.»

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CINQ FAITS MARQUANTS DE LA CARRIÈRE DE JEAN-PHILIPPE ROY

Révélation à Alta Badia (19 décembre 2004)

Parti avec le dossard 47, il remonte jusqu'à la cinquième place, signant ainsi le meilleur résultat de sa carrière, en slalom géant sur la piste mythique d'Alta Badia. L'Albertain Thomas Grandi, natif d'Italie, avait remporté cette course, une première pour un technicien canadien. «Cette journée a pas mal changé le visage de l'équipe technique canadienne», rappelle Roy.

Cauchemar à Bormio (10 février 2005)

Sur la lancée d'Alta Badia, il enregistre le troisième temps de la manche initiale du géant aux Championnats du monde de Bormio. À la reprise, il chute et il se déchire le ligament croisé du genou gauche, sa première blessure sérieuse. «Le plus dur, ce n'est pas la blessure, mais les deux années qui suivent.»

Renaissance à Äre (14 février 2007)

Laissé pour compte par l'équipe canadienne après une saison gâchée par un accident à l'entraînement, qui lui a valu trois dents cassées et une commotion cérébrale non diagnostiquée, il rebondit avec une septième place aux Mondiaux d'Äre. «Ça a sauvé ma carrière et ça en a presque doublé la durée, souligne Roy. Je suis fier de ne pas avoir lâché et d'avoir réussi à revenir.»

Rédemption à Kranjska Gora (28 février 2009)

Son avenir dans le ski est en question quand il finit septième à Kranjska Gora. Ce résultat lui permet de finir 25e au classement du géant et éventuellement de réintégrer l'équipe canadienne. L'automne suivant, il prend le neuvième rang à Sölden et se qualifie pour les Jeux olympiques de Vancouver.

Cauchemar (bis) à Val-d'Isère (13 décembre 2009)

Son genou droit cède sur une chute à Val-d'Isère, une blessure qui l'empêche de participer à ses troisièmes JO. «Ça n'a pas été facile de regarder des Jeux pour lesquels j'étais qualifié, surtout de la façon dont je skiais en début de saison, mais au moins j'étais avec ma famille.»