La place centrale de Schladming était bondée, samedi soir. Les Autrichiens attendaient la cérémonie de médailles de la descente masculine... et le tour de chant de Kevin Costner. Erik Guay aurait préféré célébrer sur la scène plutôt que de se frayer un chemin entre les fans.

Bon prince, Guay s'est laissé prendre en photo avec ceux qui l'ont reconnu, certains plus éméchés que d'autres. «Je suis avec le champion du monde!», disait l'un d'eux avec enthousiasme. «Ex-champion du monde», a immédiatement rectifié le Québécois.

Avec quelques proches, Guay a passé la soirée au party Audi, principal commanditaire de ces Mondiaux. Il a pris le temps de relaxer après une semaine où il s'est constamment fait demander ce que représentait la défense de son titre. Le Français Jean-Luc Crétier a une bonne idée de ce qu'il a pu vivre. «Ce n'est jamais facile», soulignait hier matin le champion olympique de 1998, aujourd'hui consultant à la radio française

«Tu es toujours prêt, toujours à l'attaque, a acquiescé Guay. Pendant une semaine, ça devient drainant.»

Pendant que samedi soir, entre deux canapés et une coupe de champagne, le Norvégien Aksel Lund Svindal (or), l'Italien Dominik Paris (argent) et le Français David Poisson (bronze), l'invité-surprise, étaient présentés aux convives, Guay a eu le temps de repasser sa descente dans sa tête. Il s'est revu agressif, engagé en positon de recherche de vitesse, rapide, jusqu'à ce qu'un trou vienne tout faire basculer.

Le descendeur de 31 ans s'était promis une chose: «ne rien laisser sur la montagne». Quitte à partir à la faute, sortir de piste ou même visiter les filets à plus de 100 km/h. «C'est sûr que tu te poses la question: le risque vaut-il la récompense quand tu te rends en bas? Pour moi, qui fais du ski depuis 25 ans, absolument, oui, ça en vaut la peine.»

Heureusement, il ne s'est pas fait mal.

Quand sa hanche droite a touché la neige, peu avant le mi-parcours, il savait que ses chances de podium venaient de disparaître. Il s'est relevé en une fraction de seconde, mais le coeur et la tête n'y étaient plus. Il a mis deux ou trois virages avant de se remettre dedans.

Et encore, une faute d'inattention lui a fait rater l'avant-dernière porte dans le mur final.

«J'ai trouvé ça dur de continuer jusqu'en bas», a-t-il admis.

Ce «DNF» (n'a pas terminé) à côté de son nom le laisse indifférent. Il préférait ça à une quatrième ou une cinquième place, qu'il connaît trop bien: Turin en 2006, Äre en 2007, deux fois à Vancouver, même Wengen le mois dernier, et on en passe.

Guay avait cependant un grand regret. Celui d'avoir abdiqué. «Normalement, ce n'est pas moi, a-t-il dit avec une grimace. D'habitude, je me serais battu jusqu'en bas. J'aurais dû me battre jusqu'en bas.» À Sotchi, dans un an, il a promis de jouer encore son va-tout... jusqu'au bout.

Comme Mélanie

Premiers grands frissons de ces Mondiaux: la victoire in extremis de la Française Marion Rolland à la descente féminine, hier. Le temps de l'Italienne Nadia Fanchini, deuxième partante, avait résisté à 19 coureuses jusque-là, dont la double médaillée slovène Tina Maze. La chute de Rolland après trois secondes aux JO de Vancouver avait fait d'elle une risée en France. À 30 ans, elle signe sa première victoire et offre à son pays une troisième médaille à Schladming. Le hurlement de joie dans l'arrivée rappelait celui de Mélanie Turgeon lors de son triomphe à Saint-Moritz, en 2003. L'euphorie des journalistes français, qui ne se démarquent pas particulièrement par leur neutralité, contrastait avec la déception des Autrichiennes, reléguées loin derrière. Encore.

À la poursuite de Podborski

À pareille date l'an dernier, Guay avait poursuivi l'entraînement sur neige en revenant chez lui à Mont-Tremblant. Crevé à son retour en Europe, il avait fini la saison sur les genoux. Il a déjà convenu avec son préparateur physique, Scott Livinsgton, de ne pas répéter la même erreur. De retour au Québec aujourd'hui, il se concentrera donc sur la régénération et les soins médicaux, et passera du temps avec sa femme et ses deux filles. Malgré sa déception en Autriche, la motivation est à son comble, d'autant plus que les deux prochaines Coupes du monde seront présentées sur ses montagnes fétiches, Garmisch-Partenkirchen (Allemagne, 23-24 février) et Kvitfjell (Norvège, 2-3 mars). Sa prochaine cible: le record de 20 podiums de Steve Podborski. Il lui en manque un pour l'égaler.