Après son titre de champion mondial de la descente et son globe du super-G, Erik Guay a ajouté un gros morceau à son palmarès déjà riche, prenant le deuxième rang de la descente de la Coupe du monde de Kitzbühel, en Autriche, samedi.

Devant des dizaines de milliers de partisans bien réchauffés, Guay a mis 1:57.69 pour dévaler la Streif, piste mythique du ski alpin, qui teste autant les qualités techniques et athlétiques que le courage des skieurs qui osent s'y frotter.

«C'était assez incroyable !» a réagi le skieur de Mont-Tremblant au téléphone quelques minutes avant de passer en conférence de presse.

«C'est vraiment quelque chose de spécial», a enchaîné celui qui y rêve depuis sa tendre enfance. «Tout le monde sait que Kitzbühel, c'est le Super Bowl, la Coupe Stanley du ski alpin. Tu montes sur le podium ici en descente, ça veut dire que t'es vraiment un des meilleurs skieurs au monde.»

Après quelques secondes de réflexion, Guay a estimé que ce podium se rangeait dans la même catégorie que son titre aux Championnats du monde de Garmisch-Partenkirchen (2011) et son globe de cristal en super-G (2010). «Oui, quand même, vraiment, c'est au même niveau, a-t-il dit. C'est aussi spécial. L'année prochaine, je vais revenir ici avec encore plus de confiance, je pense. Je vais essayer de gagner ça.»

Vingtième à s'élancer, Guay a enregistré le meilleur temps à tous les passages intermédiaires sauf un, avant d'échapper la victoire dans les derniers mètres à l'Italien Dominik Paris, qui l'a devancé de 13 centièmes de seconde.

Le Québécois de 31 ans a laissé exploser sa joie en voyant son classement sur le tableau indicateur avant de brandir le poing droit à la caméra. Il savait qu'il venait de réaliser une descente grandiose.

«Comme compétiteur, tu es toujours un peu déçu quand tu finis deuxième à 13 centièmes, a-t-il analysé par la suite. Tu en veux toujours plus. C'est pour ça que j'essaie de garder ça en perspective. Tu m'aurais dit avant la course, tu finis deuxième, signe ici, j'aurais dit oui absolument, pas de trouble. Mais quand tu arrives en bas à 13 centièmes de la victoire, c'est sûr que tu te dis : j'en veux plus. Mais c'est ça avoir l'esprit compétitif.»

Courage

Après s'être installé dans l'aire des meneurs au côté du costaud Paris, Guay a regardé la descente de l'Autrichien Hannes Reichelt, le dernier des favoris qui pouvaient les menacer.

Leader au dernier chrono intermédiaire, le favori local a finalement franchi la ligne troisième, à 36 centièmes du futur gagnant. Paris et Guay ont poussé un soupir de soulagement synchronisé.

Guay a bâti son succès dans le haut du parcours, dans le délicat et crucial enchaînement de virages Carrousel-Steilhang, qui l'avait ennuyé toute la semaine à l'entraînement.

La veille, devant la vidéo, il a longuement discuté de deux trajectoires possibles avec son frère Stefan, son entraîneur et frère cadet. Il a été convenu d'emprunter la ligne plus haute pour générer un maximum de vitesse dans Steilhang (escarpement, littéralement). «Finalement, je suis arrivé là assez bas, mais j'ai quand même réussi une belle courbe», a-t-il jugé.

Guay a été impeccable en milieu de parcours avant de se lancer sur le saut Hausbergkante, qui surplombe l'aire d'arrivée, là où s'entasse la majorité des milliers de fans autrichiens, venus effectuer leur traditionnel pèlerinage hivernal.

Le long dévers qui suit, toujours bosselé à souhait, est l'ultime test de sang-froid. Guay l'a négocié avec aplomb, mais a reconnu la supériorité de Paris dans cet exercice : «Je pense que Dominik a juste eu un peu plus de courage dans le bas. Il a vraiment tiré une ligne intense. Ça s'est vraiment joué là.»

Comme d'habitude, la descente du Hahnenkamm a été le théâtre de nombreuses chutes, la plus spectaculaire étant subie par l'Italien Peter Fill. Projeté dans la clôture à la sortie de Steilhang, il a littéralement fait un saut périlleux arrière avant de tomber sur le dos. Heureusement, il s'est relevé sans blessure sérieuse.

Même chose pour le Français Johan Clarey, qui a traversé deux filets de sécurité après une chute à grande vitesse à l'atterrissage du Hausberg. La course a été interrompue pendant quelques minutes, le temps de le secourir. Le Norvégien Aksel Lund Svindal a dû attendre son tour dans la hutte de départ, où règne toujours un silence quasi religieux. Grand favori, Svindal n'a pu faire mieux que le neuvième temps.

Ayant vécu une situation semblable une semaine plus tôt à Wengen (4e), Guay, qui patientait derrière Svindal et Paris, a trouvé le moyen de garder son calme. «J'ai bien exécuté mon plan. Je me sentais confiant et relaxe avant le départ.»

Crazy Canucks

Guay a signé le 19e podium de sa carrière, s'approchant à un du record canadien de Steve Podborski, gagnant à Kitzbühel à deux reprises (1981 et 1982). En 1980, Ken Read avait amorcé une formidable séquence pour les Crazy Canucks en devenant le premier non-Européen à s'imposer à Kitzbühel. Todd Brooker l'avait poursuivie en l'emportant en 1983.

Rob Boyd était le dernier skieur canadien à monter sur le podium de descente, finissant troisième en 1991.

Jusque-là, Guay n'avait jamais fait mieux que cinquième en descente dans la station autrichienne, à son premier essai en 2006. Il a aussi fini deux fois cinquième en super-G, la dernière fois vendredi.

Les trois autres Canadiens inscrits se sont classés parmi les 20 premiers. Parti avec le dossard 40, Manuel Osborne-Paradis a pris le 10e échelon, tandis que Benjamin Thomsen et Jan Hudec se sont suivis aux 17e et 18e rangs.

Troisième à Val Gardena en décembre, Guay pointe dorénavant au quatrième rang du classement de la descente avec 253 points. Paris (317), Svindal (314) et l'Autrichien Klaus Kröll (261), sixième samedi, occupent les trois premières positions.

À deux semaines des Mondiaux, la confiance règne. «La ligne de forme progresse très bien et je commence déjà à penser à Schladming», a conclu Guay, qui se promettait de garder la tête froide durant les célébrations, qui font aussi partie de la légende de Ki