C'était à Lake Louise en novembre. Didier Cuche sortait de table après le dîner et avait 10 minutes à m'accorder. Bouille sympathique, physique intimidant. Il a dézippé sa veste. Son torse ressemblait à un tronc d'arbre.

L'aveu est venu en toute fin d'entrevue, en réponse à une question bien innocente sur la nouvelle réglementation pour les skis de slalom géant, qui entrera en vigueur l'hiver prochain: «Peut-être que ça ne me concernera pas si je m'arrête...»

Je n'y avais pas prêté attention. Depuis quelques années, le skieur suisse se faisait constamment questionner sur son avenir, refusant systématiquement de se prononcer. Il préférait discuter technique, équipement, parcours, qualité de la neige.

Hier, Cuche a pris tout le monde par surprise en annonçant qu'il se retirait à la fin de la saison. Il y songeait depuis le printemps et la question commençait à lui peser sérieusement. Il a choisi de faire l'annonce à Kitzbühel, là où il a gagné la mythique descente à quatre reprises, égalant le record de Franz Klammer.

Cuche n'a ni l'aura ni le palmarès d'un Hermann Maier ou d'un Bode Miller. Mais depuis la retraite de l'Autrichien (2009) et le ralentissement de l'Américain, l'auteur de 18 victoires en Coupe du monde est devenu le visage emblématique du ski alpin masculin. En Suisse, il est un héros national, dont la popularité n'est surpassée que par Roger Federer. Il est aimé autant des francophones que des Alémaniques, dont il maîtrise parfaitement la langue.

Trois courses l'ont marqué: son titre de champion du monde du super-G à Val d'Isère en 2009, sa victoire en géant à Adelboden en 2002, qui l'avait «soudé» à son public, et son premier triomphe à Kitzbühel en 1998. Il n'a jamais réussi à s'imposer sur la mythique Lauberhorn de Wengen et Erik Guay l'a privé d'un titre mondial de descente en 2011.

À 38 ans, Cuche est encore en forme et sait qu'il peut gagner, comme il l'a d'ailleurs fait à Lake Louise. «C'est vraiment une sensation intérieure, dans le ventre, qui me dit que c'est le bon moment [d'arrêter]», a-t-il expliqué à la télévision suisse romande. «Je suis maintenant persuadé que c'est le bon moment. J'étais tellement déchiré dans mes sentiments: est-ce que je veux, est-ce que je peux continuer? J'étais un peu dans le flou. J'avais un peu perdu le focus de skier. En ayant officialisé ça, ça va aider à me libérer.»

Premier du dernier entraînement mercredi à Kitzbühel, il faut donc faire de Cuche le favori pour la descente de demain. On l'imagine déjà faire tournoyer son ski une dernière fois au bas de la Streif.