Le skieur québécois François Bourque est peut-être celui qui a le mieux décrit la sensation de dévaler la fameuse Streif de Kitzbühel, en Autriche. «C'est comme si tu roulais dans un champ de patates la pédale au plancher!» avait-il dit au collègue Mario Brisebois il y a quelques années.

Erik Guay n'a pas l'imagination fertile de son collègue Bourque, absent des pentes depuis plus d'un an en raison d'une blessure. Une heure après avoir complété sa deuxième descente d'entraînement à la Coupe du monde de Kitzbühel, mercredi, le skieur de Mont-Tremblant brossait néanmoins un portrait très semblable.

«C'est sûr que la piste n'est pas facile, pas mal plus dure que l'an passé je dirais», a jugé Guay au téléphone après avoir enregistré le septième temps d'une manche dominée par le Suisse Didier Cuche, qui visera le record de cinq victoires à Kitzbühel, samedi. «Les sauts sont un peu plus gros, la neige est très dure, très bosselée, a poursuivi le Québécois. Ce n'est pas comme si c'était lisse sous le pied. Ça met de l'action dans le ski. Quand tu arrives en bas, tu as eu du fun au boutte et tu as envie de le refaire!»

Encore faut-il se rendre à l'arrivée en un seul morceau.

Les chutes spectaculaires et dramatiques ont contribué à façonner la légende de Kitzbühel, LE rendez-vous de l'année en ski alpin, tant sur le plan sportif que populaire.

Personne n'a oublié l'accident terrible du Canadien Todd Brooker dans les années 80. Il y a eu aussi celui de Brian Stemmle, qui a frôlé la mort après s'être empalé dans une clôture à la sortie du virage Steilhang. Guay a d'ailleurs vu la même clôture de très près, mercredi.

Plus récemment, le Suisse Daniel Albrecht et l'Américain Scott MaCartney se sont écrasés comme des pantins désarticulés dans l'aire d'arrivée, chutes dont ils ne se sont jamais vraiment remis.

L'an dernier, l'Autrichien Hans Grugger a failli laisser sa peau sur la Streif après s'être écrasé à la réception du saut Mausefalle, le premier qui attend les skieurs dans un coin sombre à la sortie du portillon. Même s'il est toujours aux prises avec des séquelles importantes - il a perdu des sensations dans un pied, entre autres - il espère revenir à la compétition l'an prochain.

Guay se souvient bien de la chute de Grugger. À l'occasion de ce premier entraînement, il s'était élancé avec le dossard 1, reprenant le collier un peu brutalement après une absence de trois semaines en raison de maux de dos. Il avait donc assisté au sauvetage de l'Autrichien depuis la zone d'arrivée, ce qui avait représenté un moindre mal.

Un an plus tard, il faut mettre ça derrière soi. «Honnêtement, l'ambiance est bonne ici, affirme le champion du monde de descente. Comme skieur, les grosses débarques, on oublie ça vite. C'est sûr que c'est intimidant à Kitzbühel. C'est un parcours un peu légendaire parce qu'il y a eu beaucoup de blessures, de fautes, de chutes. Mais on essaie de penser à autre chose quand on arrive ici...»

Guay en est à sa septième visite à Kitzbühel, sa sixième pour la fameuse descente du Hahnenkamm, programmé samedi après un super-G vendredi. «Je pense qu'on ne s'habitue jamais.»

En descente, le skieur de 30 ans n'a jamais fait mieux que cette cinquième place à son premier essai, en 2006. Il a aussi fini cinquième du super-G en 2010. L'an dernier, de retour de sa blessure, il s'était contenté d'une 11e place en super-G et d'une 16e place en descente.

Cet hiver, après un début de saison timide, Guay s'est replacé. Il s'est classé quatrième sur le parcours très technique de Bormio, à la fin décembre, et huitième sur l'exigeante Lauberhorn de Wengen, la semaine dernière, deux pistes où il n'avait jamais connu de succès.

«Mon corps va beaucoup mal mieux que l'an dernier à pareille date», a rappelé Guay, qui a récemment profité des soins de Scott Livingston, le préparateur physique de B2Dix. «Je suis pas mal plus confiant. Je peux pousser un peu plus. En général, le ski va bien.»

Sur la Streif, ce ne sera pas un luxe.