Dans l'aire d'arrivée presque déserte, un reporter de la radio suisse-romande faisait remarquer à Erik Guay qu'il avait «changé de statut» après sa conquête du titre mondial de la descente, l'hiver dernier. Le collègue helvète se demandait si le nouveau monarque avait croulé sous les sollicitations durant l'été et si sa victoire avait fait grand bruit au Québec et au Canada.

Guay a un peu éludé la question, hier après-midi, à Lake Louise, rappelant que la saison morte avait été plutôt consacrée à soigner ce dos qui l'ennuie depuis six ans.

En juillet, il a passé trois semaines sur le glacier de Zermatt, en Suisse, sans trop pouvoir s'exprimer sur la neige. Soucieux, il est revenu poursuivre son entraînement en gymnase à Calgary, où tous les skieurs canadiens sont regroupés depuis cette année. Devant l'abondance d'athlètes et les ressources limitées, il a compris qu'un suivi personnalisé n'était plus possible en Alberta.

Après mûres réflexions et discussions avec ses entraîneurs, Guay est rentré à Montréal pour rejoindre les spécialistes du groupe B2Dix, qui s'occupent entre autres du skieur acrobatique Alexandre Bilodeau. Un geste inédit auquel ne s'est pas opposé Matt Price, préparateur physique de l'équipe masculine à Calgary. «J'ai appuyé sa décision sans réserve», disait-il plus tôt cette semaine à Lake Louise.

Jugeant critique la condition de son dos, Guay a aussi choisi de remiser ses skis pour le reste de l'été, annulant sa participation à un camp de vitesse au Chili. Paul Kristofic, entraîneur-chef de l'équipe masculine, admet que ce ne fut pas facile à accepter.

«Il y avait du pour et du contre, a-t-il souligné. À court terme, on savait que ce serait un grand défi pour cette saison. Mais d'une perspective physique et thérapeutique à long terme, on est tous venus à la conclusion que c'était la chose à faire.»

Oublier la force brute

Sous la supervision de Scott Livingston, ancien responsable du conditionnement physique chez le Canadien, Guay a laissé tomber le développement de sa force brute pour se concentrer sur le mouvement, l'agilité, le transfert de poids et sa forme physique générale.

L'athlète de 30 ans a travaillé très fort. Les traits prononcés de son visage émacié en sont la manifestation tangible. Il a quand même été un peu surpris de perdre près de huit kilogrammes. Dans un monde où les costauds représentent la norme - le nouveau retraité Michael Walchhofer pesait plus de 100 kg - Guay admet qu'il pourrait en subir les conséquences. C'est pourquoi il aimerait ajouter deux kilos de muscle à sa charpente pour remonter à 84 kg.

«C'est vrai que le poids te permet d'avoir du momentum, mais il faut que tu sois aussi capable de bouger ton poids, a souligné le descendeur de Mont-Tremblant. Si tu es lourd, tu as tendance à appuyer plus sur les skis et les carres. Daron Rahlves pesait 84 kilos et il a gagné Kitzbühel.»

Ce qu'il a perdu en poids, Guay devra aller le chercher en finesse.

À ce sujet, l'entraîneur Kristofic a vu un skieur transformé lors d'une période d'entraînement au Colorado plus tôt ce mois-ci. «Ça faisait quelques années que je n'avais pas vu Erik bouger sur ses skis comme ça, a-t-il affirmé. Avant, sa position était assez rigide, plutôt défensive, pour chercher à se protéger d'une blessure au dos. Maintenant, il donne l'impression d'être beaucoup plus libéré physiquement. Sa position est plus confortable.»

De quoi pouvoir assumer son nouveau statut.