Contrairement à la descente, le slalom n'est pas que l'affaire des Suisses et des Autrichiens. Ça se voyait au bas de la piste dimanche après-midi à Wengen. Encore des milliers de partisans helvètes, mais beaucoup moins nombreux que pour la traditionnelle descente du Lauberhorn la veille.

Des centaines de Croates, la plupart émigrés en Suisse durant la guerre en ex-Yougoslavie, s'étaient plantés autour de la piste, où ça sentait le four à bois. Ils ont frénétiquement agité leurs drapeaux à damier rouge et blanc pour leur héros Ivica Kostelic. Le natif de Zagreb le leur a bien rendu, remportant ce slalom haut la main, sa deuxième victoire à la Coupe du monde de Wengen après celle de vendredi au super combiné.

«Ils étaient bruyants comme toujours, a dit Kostelic en conférence de presse. Je suis si content de partager mon succès avec eux aujourd'hui. La majorité d'entre eux vivent ici. Ils comprennent donc très bien le ski alpin. Maintenant que j'ai gagné le slalom, je pense qu'ils pourront taquiner leurs collègues suisses quand ils rentreront au travail demain matin.»

Très à l'aise dans ces conditions printanières, Kostelic a devancé de près d'une seconde l'Autrichien Marcel Hirscher pour consolider son avance en tête du classement général.

Le Français Jean-Bapiste Grange a fini troisième, privant le Canadien Michael Janyk d'un premier podium en plus de quatre ans.

Quatrième, l'athlète de Whistler a raté l'exploit par 13 centièmes. «Oh mon Dieu! C'était si proche!» a-t-il lancé à La Presse dans l'aire d'arrivée.

Dix-septième de la manche initiale, Janyk n'avait qu'une idée en tête à la reprise: foncer. «Je savais que le parcours se détériorerait et que les gars allaient se commettre en deuxième manche», a souligné le médaillé de bronze des derniers Mondiaux de Val d'Isère.

Le pari a fonctionné. Le slalomeur de 28 ans a pris une avance qui tenait toujours au moment où il ne restait que le trio de tête en haut de la piste. Dans le stand du leader, le frère aîné de Britt Janyk, elle aussi membre de l'équipe canadienne, avait un mantra: «Il faut que ça arrive, il faut que ça arrive...»

Or Grange, Kostelic et Hirscher l'ont tour à tour devancé. Janyk devra donc patienter avant de signer son deuxième podium de Coupe du monde après une deuxième place à Beaver Creek en 2006.

Grand sourire aux lèvres, Janyk était plus heureux que déçu. Il venait de vivre de grandes émotions à regarder 12 skieurs échouer en tentant de le déloger. Et le début de saison a été difficile, avec deux sorties de piste. Puis il y a eu ce 33e temps un peu gênant à Zagreb, qui a «servi de coup de pied au derrière». Trois jours plus tard, il a fini cinquième à Adelboden. Cela lui a valu une belle grosse cloche à vache, une récompense traditionnelle dont il rêvait secrètement depuis plusieurs années.

«Je reviens de loin, a rappelé Janyk. Je veux toujours être sur le podium, mais j'avance. Cinquième la semaine dernière, quatrième aujourd'hui... il me reste trois marches à franchir.»

«Go Cousi Go!»

Il y avait des fans croates, donc, mais aussi suédois, italiens et canadiens.

Le Québécois Julien Cousineau avait même son propre fan club, composé de sa mère, son père, sa marraine, son parrain et quelques amis. Alain, le paternel, a couru sur la même piste en 1973 et 1974. Des parents dévoués qui, il y a 15 ans, ont vendu leur maison à Lachute pour permettre à leurs enfants de continuer le ski (Émilie, fille aînée, était aussi dans l'équipe canadienne).

Tout en haut de la tribune, ils avaient accroché une immense banderole sur laquelle était inscrit «Go Cousi Go!». Les grands coureurs européens reçoivent ce genre d'appui quand ils évoluent à la maison. Dixième à l'issue de la première manche, ça s'annonçait bien pour Cousineau. Or le vent a tourné lors de la manche ultime. Pas très à l'aise dans ce gros sel, il a été embêté par la façon dont le parcours avait été piqueté en bas de pente: très large plutôt que serré. «Je n'étais pas capable de générer de la vitesse, d'allonger mes appuis», a-t-il expliqué, dépité.

Cousineau a dû se contenter du 17e rang, à 1,83 seconde du gagnant. «Au moins, j'ai fait des points, c'est la seule chose positive aujourd'hui», a dit celui qui était sorti à Zagreb et Adelboden.

Huitième à Levi et cinquième à Val d'Isère pour lancer la saison, Cousineau visait évidemment plus haut à Wengen, où il a déjà atteint trois fois le top 10. Les membres de son fan club fêteront ses 30 ans avec lui aujourd'hui en Autriche. Ils dérouleront de nouveau la banderole dimanche prochain à Kitzbühel.

Avec la conviction que le vent tournera.