Frappée par les blessures et les retraites, l'équipe canadienne féminine de ski alpin est en reconstruction. Si la saison s'annonce longue dans les disciplines de vitesse, la relève est très prometteuse en technique. Un groupe tissé serré de coureuses âgées de 20 à 25 ans, composé de plusieurs Québécoises, cogne à la porte. À la veille de la Coupe du monde de St-Moritz, entretien avec l'une des plus talentueuses d'entre elles, Marie-Michèle Gagnon.

Marie-Michèle Gagnon est atterrie comme un météorite sur le circuit de la Coupe du monde en 2009. Elle n'avait pas 20 ans quand elle a signé deux tops 10 en slalom et en slalom géant. «Tu es la prochaine star», entendait-elle un peu partout. Difficile de ne pas y croire.

Or, l'été suivant, quelque chose clochait à l'entraînement. Les sorties de parcours étaient plus fréquentes que les manches complètes. Pas grave, se disait-elle, mon esprit de compétitrice fera la différence la saison venue. Elle visait le top 30 à chacune de ses courses, voire le top 10. Ça ne s'est pas passé comme ça. En 16 départs de Coupe du monde, elle s'est classée deux fois parmi les 30 premières. Jamais parmi les 10. Le plus souvent, elle ne finissait pas.

Éprouvée mentalement à la veille des Jeux olympiques de Vancouver, Gagnon est rentrée chez elle, à Lac-Etchemin, dans la région de Bellechasse. Les membres de sa famille lui ont remonté le moral. Et elle s'est laissé gagner par leur enthousiasme vis-à-vis sa participation aux JO. Ses résultats n'ont pas été à la hauteur de ses attentes - 21e en slalom, 31e en géant - mais elle s'est amusée et a savouré l'expérience.

Après cette saison éprouvante, Gagnon a retenu une leçon: rien ne sert de placer la barre trop haut. L'été dernier, elle s'est fait un «plan réaliste». Et ça marche. En cinq courses jusqu'ici, elle a marqué des points quatre fois, dont une 13e place lors du slalom géant d'ouverture de Sölden.

Le week-end dernier, à Lake Louise, elle a fini 27e du super-G. Encourageant, d'autant qu'elle en est à ses premières armes dans les disciplines de vitesse et qu'elle n'avait pas pris part aux descentes d'entraînement contrairement à la majorité des compétitrices.

Gagnon a donc bien hâte de replonger avec le super-G de la Coupe du monde de St-Moritz, aujourd'hui en Suisse, suivi par un slalom géant demain.

«L'an passé, j'essayais un peu trop fort, pense la skieuse de 21 ans, jointe à sa chambre d'hôtel hier soir. Là, je suis plus réaliste. Je ne veux pas sauter d'étape. Cet été, j'ai vraiment travaillé fort pour développer la constance de mon ski. À partir de la constance, on peut construire et aller de plus en plus vite. C'est ce qui se passe en ce moment.»

Ce plus grand réalisme se traduit aussi par une analyse plus sereine de ses prestations, comme au slalom géant d'Aspen, où elle ne s'est pas qualifiée pour la deuxième manche. «J'ai bien skié, mais je n'ai pas attaqué comme j'aurais dû. J'étais déçue, mais je sais ce que j'ai fait de pas correct. Je suis capable de retirer de nouvelles notions chaque jour. Je trouve que je suis une athlète plus mature. Je sais plus ce que je fais.»

Mais dans le portillon de départ, attention, le feu se rallume. Gagnon, qui a chaussé les skis pour la première fois à l'âge de 2 ans au Mont-Orignal, dit qu'elle a toujours été compétitive.

«Je l'étais encore plus quand j'étais jeune! s'exclame la championne du circuit Nor-Am en 2009. Ça m'a menée loin en ski, jusqu'à l'équipe nationale. Là, je suis encore compétitive, mais plus saine peut-être. Quand c'est le temps de sortir la vitesse, je suis «race tiger» un peu. Mes yeux sont vraiment concentrés. Je prends une autre attitude. Ça me vient naturellement.»

Une saison chargée

La saison s'annonce chargée pour Gagnon. Spécialiste des épreuves techniques, elle s'attaque graduellement à la vitesse, à l'instar de sa coéquipière Marie-Pier Préfontaine, 22 ans. Les deux devraient disputer tous les super-G et prendre part à quelques descentes d'entraînement. Avec la retraite d'Emily Brydon et les blessures à Kelly VanderBeek et Larissa Yurkiw, l'équipe féminine de vitesse est en reconstruction. Seule l'expérimentée Britt Janyk accompagne les Québécoises pour le moment.

D'ici quelques années, Gagnon se voit rayonner dans les cinq types d'épreuves. Un peu comme Lindsey Vonn et Maria Riesch, dominantes depuis le début de la saison.

«Beaucoup de bonnes skieuses ont commencé en technique, note Gagnon. Quant on maîtrise bien la technique, on s'en va en vitesse. Si on a le courage, si on sais comment faire, on peut réussir dans toutes les disciplines. J'ai toujours voulu continuer à faire de la vitesse. J'aime vraiment ça. On a tellement d'adrénaline quand on arrive en bas du parcours. Il y en a qui ne sont pas confortables avec ça, mais moi, j'aimerais faire toutes les disciplines éventuellement.»

Étape par étape, sans se presser, sait-elle maintenant.