C'était dans un café de Mont-Tremblant, en janvier 2009. Peut-être pour tempérer les attentes, Erik Guay répétait pour la nième fois qu'un globe de cristal avait plus de valeur à ses yeux qu'une médaille olympique. Le couronnement du travail de toute une année plutôt que l'exploit d'une seule journée.

Hier, il ne savait plus trop. Malgré la friture sur la ligne, avec une trentaine de journalistes à l'écoute, le ton de sa voix trahissait une émotion intense.

Quelques heures plus tôt, il avait versé quelques larmes en tombant dans les bras de son inestimable technicien, l'Autrichien Erich Schnepfleitner.

Contre toute attente, Guay venait de remporter le globe de cristal du super-G à la faveur d'une spectaculaire victoire aux finales de la Coupe du monde de Garmisch-Partenkirchen, en Allemagne, combinée à la déconfiture de l'Autrichien Michael Walchhofer, 15e, qui n'avait pourtant qu'à assurer pour rafler le titre.

Sous les flocons, Guay a testé les limites à quelques reprises pour écraser la concurrence et signer la troisième victoire de sa carrière, la deuxième en cinq jours. Après deux épreuves serrées au possible, il a devancé le Croate Ivica Kostelic par 39 centièmes et le Norvégien Aksel Lund Svindal, champion l'hiver dernier, par 63 centièmes.

Le petit globe - par opposition au grand du classement général - récompense le meilleur skieur sur une saison dans une discipline donnée.

Un seul autre skieur canadien avait déjà réussi l'exploit, le légendaire Steve Podborski, en descente, il y a 28 ans, soit l'âge d'Erik Guay.

Mélanie Turgeon est la seule autre Québécoise à s'en être approchée, terminant deuxième au classement du super-G en 2000.

«C'est complètement fou! J'en rêve depuis que je suis petit gars», a déclaré Guay, euphorique, à la première journaliste qui lui a planté un micro sous le nez au bas de la pente.

Plus tard, en conférence téléphonique avec les médias canadiens, la question est constamment revenue: échangerait-il son globe contre une médaille olympique?

Guay a été incapable d'y répondre clairement.

«C'est une question difficile, a répondu celui qui a fini deux fois cinquième sur la piste olympique de Whistler. J'aurais adoré gagner une médaille d'or olympique à la maison, alors que tout le monde regardait au Canada. D'un autre côté, le globe signifie que j'ai été constant sur une longue période, du début novembre à la fin mars. Je ne sais pas si c'est plus spécial, mais c'est au moins équivalent. Je ne pourrais être plus heureux.»

«Presque fâché, frustré», Guay s'est servi de sa déception olympique comme d'un carburant pour la fin de saison de Coupe du monde en Europe. Sa réponse: trois podiums en cinq jours, dont deux victoires à Kvitfjell et Garmisch, ses premières après un long hiatus de plus de trois ans.

À la résidence familiale des Guay, à Mont-Tremblant, quelques bouchons de bouteilles de champagne ont sauté. «Ça coûte cher ces temps-ci», a glissé, pince-sans-rire, Conrad Guay, le père d'Erik.

Fin connaisseur et premier entraîneur de son fils, M. Guay est bien placé pour mesurer le chemin parcouru. La saison 2008-09 et l'entraînement de l'été dernier, où ses maux de dos sont réapparus, ont parfois été très pénibles. M. Guay a même craint pour la sécurité d'Erik. Il se souvient particulièrement d'une chute sur l'exigeante piste de Bormio, en Italie.

«En ski, quand ça marche plus ou moins, ça devient dangereux, surtout en vitesse, a rappelé Conrad Guay. Ça m'inquiétait beaucoup. Je suis vraiment content qu'il se soit retrouvé.»

Pour y arriver, Erik a choisi la bonne option, «retrouver ses sensations et non pas essayer d'attaquer davantage, ce qui représente une belle recette pour les blessures», a souligné M. Guay.

La reconstruction a été longue, sa quatrième place en super-G à Lake Louise, fin novembre, représentant presque un accident de parcours. En ce sens, sa cinquième position sur l'exigeante Streif de Kitzbühel, mi-janvier, était beaucoup plus significative.

Erik Guay espérait bien que ce résultat le mette en orbite à Whistler, mais il a raté la consécration par trois petits centièmes. «Ça a été dur sur l'ego», admettait-il plus tôt cette semaine.

Hier soir, tout ça était bien loin. «On va célébrer un peu, il y a longtemps qu'on travaille pour ça», a dit Erik Guay en pensant à ses entraîneurs, assis à ses côtés. La conférence téléphonique s'est terminée, mais la ligne n'était pas raccrochée. On a pu entendre une immense clameur en provenance d'une chambre d'hôtel de Garmisch-Partenkirchen.