Depuis 18 mois, Erik Guay était comme une auto avec le frein à main tout juste enclenché. Ça avançait, mais jamais assez pour atteindre la vitesse maximale. Il voyait bien le voyant rouge sur le tableau de bord, sans pour autant être en mesure de l'éteindre. Le pépin technique semble bel et bien solutionné.

Moins de 72 heures après sa victoire en super-G en Norvège, Guay a remis ça à Garmisch-Partenkirchen, où il a pris le troisième rang de la descente des finales de la Coupe du monde, tôt hier matin.

«L'horaire a été assez fou depuis la Norvège, mais ç'a peut-être joué en ma faveur parce que ma victoire était encore fraîche et que je me sens très bien en ce moment, a déclaré Guay en conférence téléphonique. Je suis très content d'ajouter un podium à mon sac, surtout que ça faisait longtemps que je ne l'avais pas réussi en descente. Je ne peux pas être plus heureux.»

Guay a bouclé les 3,3 km de la Kandahar 2 en 1:58,52, soit exactement le même chrono que le Suisse Patrick Kueng, à égalité au troisième rang. Pour le Québécois, il s'agissait d'un premier podium dans la discipline reine du ski alpin depuis décembre 2008.

Le Suisse Carlo Janka, sensation de l'hiver 2010, s'est imposé avec une mince avance de deux centièmes sur l'Autrichien Mario Scheiber. Avec trois épreuves à faire, Janka, dit le Iceman, s'est installé en tête du classement général, 54 points devant l'Autrichien Benjamin Raich.

Guay et Kueng ont suivi à sept centièmes. La course fut exceptionnellement serrée, moins de deux dixièmes séparant les huit premiers. Le Canadien Manuel Osborne-Paradis semblait se diriger vers la victoire quand il a raté le dernier virage. Il a dû se contenter du septième rang... à 15 centièmes de la tête.

Guay compte maintenant 12 podiums en Coupe du monde. Trois de ces succès ont été obtenus à Garmisch, station allemande qui accueillera les championnats du monde l'an prochain. «J'aime l'ambiance ici. Je me sens à l'aise», a souligné le descendeur de 28 ans.

Comme dimanche en Norvège, Guay attribue son excellent résultat en Allemagne à sa capacité à frôler les limites, ce qu'il parvenait difficilement à faire jusqu'à sa cinquième place à Kitzbühel, à la mi-janvier. «Comme mon technicien le dit toujours: si on ne fait pas de fautes, c'est parce qu'on ne pousse pas assez. Il a vraiment raison», a noté Guay avant d'ajouter: «J'ai adopté exactement la même approche qu'en Norvège. J'ai pris plus de risques et je suis sorti de ma zone de confort.»

Un ski de grande qualité

Depuis des semaines, même avant les Jeux de Vancouver, l'entraîneur Lionel Finance répétait que son poulain s'apprêtait à émerger de nouveau. Guay est passé proche avec deux cinquièmes places sur les pentes de Whistler. Il a confirmé les prétentions de son entraîneur à son retour en Europe.

Aux yeux de Finance, Guay est même l'égal des Didier Cuche, Aksel Lund Svindal et Janka depuis la mi-janvier. «Erik a retrouvé son ski, l'envie, le goût et son esprit de combattant, a noté l'entraîneur-chef de l'équipe de vitesse. C'est magnifique de le voir actuellement. Il produit un ski de grande qualité.»

En 2007, Guay a connu une séquence heureuse de quatre podiums en moins d'un mois, dont une victoire à Garmisch. Selon Finance, cette période n'a rien à voir avec ce qu'il est en train de réaliser: «Ouais, il a eu une victoire et des podiums en 2007, mais c'était plus sur le coup de la frustration de ne pas avoir réussi à monter sur le podium aux Mondiaux. Il avait lâché un peu tout. Là, c'est plus construit. Ça vient de loin, d'un travail énorme qu'il a fait. Il sait comment y arriver. Ce n'est pas un coup comme ça. Maintenant, la situation est pérenne.»

Finance en est d'autant plus convaincu que Guay affiche une maturité qu'il n'avait pas il y a trois ans. «Il n'a jamais atteint ce niveau, a dit l'entraîneur français. C'est surtout son approche mentale qui est impeccable. Il est bien. Il prend chaque fois les choses avec beaucoup de recul, d'altitude. Ça le fera continuer à avancer dans les années à venir.»

Pour l'heure, il reste une course importante à l'agenda de Guay en cet hiver 2010: le dernier super-G d'aujourd'hui à Garmisch. Troisième au classement de la spécialité avec 231 points, il lui sera très difficile de rattraper le leader, l'Autrichien Michael Walchhofer (300). «J'ai une mince chance, a évalué Guay. Je veux prendre plusieurs risques... en espérant commettre le moins d'erreurs possible.»