Erik Guay s'est pointé le nez hors du portillon de départ. Son visage, illuminé par le soleil, est apparu sur l'écran géant. Mais ce qu'il voyait de là-haut ne l'enchantait guère. De l'autre côté de la vallée, un gros nuage se préparait à masquer le soleil.

En aval, une porte cassée a obligé les organisateurs à retarder son départ de quatre longues minutes. Pendant que la tension montait et que les cloches à vaches carillonnaient dans l'aire d'arrivée, le doute est venu assombrir l'enthousiasme du skieur de Mont-Tremblant.

Dérangé par la faible visibilité sur la Men's Olympic Downhill, Guay n'a pu faire mieux que le 10e temps de la Coupe du monde de Lake Louise, hier après-midi.

Les conditions météo ont mêlé les cartes du début à la fin de cette première descente de la saison, remportée par l'Italien Peter Fill.

Mais Guay refusait de blâmer le ciel pour ce résultat en demi-teintes, le meilleur d'un Canadien. Il aurait dû se préparer à ce genre d'éventualité plutôt que de se laisser affecter. «Une erreur de recrue», a convenu le vétéran de six saisons sur le circuit de la Coupe du monde.

«Je me suis trop laissé déranger, a enchaîné Guay. J'aurais dû me dire: soleil ou pas, j'attaque comme un malade et je n'y pense pas. J'ai quand même attaqué, mais ça a joué dans ma tête.»

Alors que les 10 premiers partants ont profité d'une bonne visibilité, Guay, dossard 12, et les quelque 50 partants suivants ont dû se débrouiller avec une lumière mate. À 100 kilomètres à l'heure, ça joue des tours.

«Tu ne peux pas voir les petits trous, tu ne peux pas anticiper les virages à venir, tout devient plus lent, tu deviens un peu plus passif, a détaillé Guay. Mais ça reste de ta propre faute. Tu devrais skier plus agressivement et davantage vers l'avant.»

En dépit d'une bonne fin de course, Guay a cédé 55 centièmes de seconde à Fill, qui a habilement tiré profit de son dossard numéro 8. Très heureux de sa première victoire en Coupe du monde, l'Italien de 26 ans n'avait cependant pas envie de crâner. «C'est une grosse surprise, j'ai été chanceux», a reconnu celui qui avait quand même fini troisième il y a deux ans à Lake Louise.

Ironiquement, Fill aurait facilement pu devenir le plus malchanceux des skieurs.

Les gros canons comme Bode Miller, Didier Cuche et Michael Walchhofer avaient tous pâti dans la pénombre et le temps de l'Italien tenait toujours après les 35 premiers.

Fill a donc amorcé la traditionnelle ronde d'entrevues du gagnant pendant que les coureurs moins bien classés continuaient à s'élancer. Au numéro 55, spectateurs et journalistes ont commencé à remballer et à converger vers le chalet. Personne n'a pensé à Yogi Berra.

Prudent, Fill a quand même refusé les fleurs remises au gagnant. Puis, comme par magie, le soleil est sorti. Parti 65e, le Suisse Carlo Janka a alors fait naître une rumeur parmi les rares spectateurs qui avaient eu la bonne idée de rester. Le skieur de 22 ans enfilait les chronos intermédiaires canons, prenant même la tête à mi-parcours. «Oh non, impossible», s'est dit Fill.

Ce dernier a pu recommencer à respirer seulement quand il a vu Janko franchir la ligne au deuxième rang... à huit centièmes d'une victoire historique. Seul Markus Foser était parvenu à gagner une épreuve de Coupe du monde avec un numéro de dossard plus élevé. Le skieur du Liechtenstein s'était imposé avec le 66 lors de la descente de Val Gardena en 1993.

Robbie Dixon, de Whistler, a lui aussi bénéficié d'une belle fenêtre de visibilité pour finir 24e avec le dossard 60. Manuel Osborne-Paradis fut le seul autre skieur canadien à s'insérer parmi les 30 premiers. À son premier départ en Coupe du monde, Louis-Pierre Hélie, la fierté de Berthierville, s'est classé 51e.

Erik Guay et ses coéquipiers auront l'occasion de se reprendre dès aujourd'hui avec la présentation du super-G.