Les voyages en Europe, les cimes enneigées des plus belles montagnes et parfois la gloire. La vie de skieur professionnel peut être enivrante. Mais elle impose aussi des sacrifices. Erik Guay en sait quelque chose: il ne sait pas s'il pourra assister à la naissance de son premier enfant.

Wengen, Kitzbühel, Garmisch, Val d'Isère... Avec les classiques et les Mondiaux qui s'enchaîneront, janvier et février seront des mois cruciaux dans la carrière d'Erik Guay. Dans sa vie aussi. Au début de 2009, sa fiancée Karen donnera naissance au premier enfant du couple.

Guay sera au Québec du 29 décembre au 7 janvier. La date prévue de l'accouchement est le 10 janvier. Le futur papa se croise les doigts.

«Je suis excité, mais je suis un peu nerveux par rapport à ça. Je ne serai peut-être pas là durant les trois premiers mois», a confié Guay, hier après-midi, après l'avant-dernier entraînement chronométré avant la descente de la Coupe du monde de Lake Louise, prévue demain.

Car le couple a déjà fait ses plans. Quel que ce soit le scénario, Guay s'envolera pour la Suisse le 7 janvier. «C'est sûr que j'aimerais être là, surtout pour un premier accouchement, a dit le skieur de Mont-Tremblant. Oui, c'est déchirant. Mais on en parlé dès le début. Il fallait faire un choix. C'est mon métier, je dois être en course. Si j'arrivais plus tard, je ne serais pas dans le beat du ski.»

L'athlète de 27 ans s'encourage en se disant que son enfant ne sera pas conscient de l'absence de son papa durant les premiers mois de sa vie. Sa fiancée Karen, originaire de l'Alberta, accouchera à l'hôpital de Sainte-Agathe. Elle pourra compter sur l'aide de ses beaux-parents.

Jean-Philippe Roy, un coéquipier dans l'équipe canadienne, avait vécu pareille situation l'hiver dernier. Le skieur de Sainte-Flavie était en compétition au Colorado pendant que sa femme accouchait au Québec. Roy avait été le premier à voir le visage du bébé... par l'entremise d'une webcam.

Guay n'écarte pas cette option, mais seulement s'il n'est pas en course le lendemain. «JP avait passé la nuit debout, a rappelé Erik. Il n'avait plus de force, il était quasiment mort.»

Guay se promet de rattraper le temps perdu. L'été prochain, famille et entraînement combleront son emploi du temps. «Je ne veux pas de distractions, surtout avant les Jeux olympiques», a dit Guay, qui a déjà fait une croix sur ses loisirs, comme la course automobile.

De lourdes valises

Tiens, les Jeux olympiques. Il y songe donc. Mercredi, les collègues anglophones ont trouvé le Québécois un peu sec quand ils ont voulu le lancer sur le sujet. Guay refuse obstinément de se projeter ne serait-ce que la semaine prochaine, a fortiori à Whistler en février 2010. Au diable l'olympiquement correct, il fait dans l'ici et maintenant.

L'entraîneur Lionel Finance sourit quand on lui rapporte les humeurs du descendeur de 27 ans. Après cinq podiums en 2007, Guay a fait chou blanc l'hiver dernier. Des attentes élevées se sont transformées en lourdes valises qu'il a traînées l'hiver durant. Il en a discuté avec son entraîneur durant la saison morte.

«Il était souvent vite à l'entraînement, mais il manquait le petit truc en course, a relevé Finance. Cette année, les entraînements m'intéressent peu. Ce que je veux voir, c'est un engagement total le jour de la course. Je veux vraiment qu'il s'abandonne, sans aucune retenue.»

Pour y arriver, Finance ne s'empêchera pas de brasser son poulain quand la situation le commandera. «Parfois, il faut un peu lui rentrer dedans, a souligné l'entraîneur français. Il faut lui mettre un peu d'excitation, le monter un peu. Il réagit très bien. Mais il faut le faire à bon escient, avec les bons mots. Parce que c'est toujours important de garder le respect.»

Ancien descendeur de Coupe du monde, Finance n'est pas surpris de voir Guay traverser ces phases d'apprentissage. Il cite l'exemple de Didier Cuche, le Suisse de 34 ans qui a remporté le globe de la descente la saison dernière.

«Il a bien mis six ou sept ans avant de trouver le bon réglage, la bonne intensité, a noté Finance. Puis il a mis la détermination nécessaire pour que ses résultats soient pérennes. Erik a besoin d'apprendre tout ça. À l'image d'un Cuche, je veux qu'il soit régulier, qu'il soit mentalement fort pour supporter toute cette pression le jour J, aux Championnats du monde, aux Jeux olympiques, surtout à la maison.»

Un bébé dans les bras sur le podium, ça ferait une belle photo.