En remportant l'épreuve des bosses en parallèle de Tazawako fin février, Mikaël Kingsbury signait la 28e victoire de sa carrière, égalant le Français Edgar Grospiron au premier rang de l'histoire de la Coupe du monde.

Dimanche, à Megève, en France, Kingsbury pourrait devenir à 22 ans seulement le plus grand bosseur de l'histoire de la Coupe du monde. Le Québécois réalise de plus en plus toute l'ampleur de l'exploit qu'il pourrait accomplir.

«C'est quelque chose d'assez gros. Juste (vendredi), j'ai vu Edgar Grospiron, j'ai pu lui parler un peu. C'est quelque chose d'extraordinaire, a-t-il déclaré en entrevue à La Presse Canadienne. Je ne veux pas que me concentrer sur la victoire. Si je fais les choses que j'ai à faire, je sais que j'en suis capable. Ce ne sera pas facile: c'est une piste où plusieurs sont très rapides.

«Je réalise que je peux le faire, mais je sais que d'ici la fin de ma carrière, ça va arriver. Alors je ne veux pas me mettre trop de pression. Je veux juste pouvoir avoir du plaisir et donner tout ce que j'ai.»

La marque de Grospiron tient depuis le 8 février 1995, soit plus de 20 ans. Il avait eu besoin de 80 départs en Coupe du monde pour inscrire ses 28 victoires tandis que Kingsbury a atteint ce plateau en 60 courses.

Grospiron, champion des Jeux d'Albertville et médaillé de bronze à Calgary et Lillehammer, a pris le temps de féliciter Kingsbury dans une très drôle vidéo, mise en ligne plus tôt cette semaine.

«C'est un fort celui-là, lance d'entrée de jeu le Français qui aura 46 ans la semaine prochaine. Quand on commence notre carrière et qu'on regarde la marque de victoires en Coupe du monde, on peut se dire que c'est impossible. Mais ce Kingsbury rend les choses impossibles possibles. Je lui dis bravo. Je suis impressionné.

«Je me demande, est-ce que c'est le champion qui fait le record ou le record qui fait le champion? Je pense que c'est le champion qui fait le record, ajoute Grospiron. Pour faire des records, tu dois être champion au départ. Pour les autres, ce sont les records qui font le champion, mais les autres ne savent pas ce que nous avons au fond de nous.»

«Que Mik soit capable d'égaler cette marque à un si jeune âge est incroyable, parce qu'il est extrêmement difficile d'être constant dans notre sport, a déclaré l'entraîneur de l'équipe canadienne de bosses, Rob Kober. Il y a tant de variables qui entrent en jeu que la plupart des bosseurs, même les plus grands, ont du mal à lutter pour un podium sur toutes les pistes ou dans toutes les conditions. Mik a atteint ce niveau de constance que personne d'autre n'a été en mesure d'établir.»

Avant même de descendre la piste de Haute-Savoie, Kingsbury est déjà assuré d'un quatrième globe de cristal consécutif au classement général du ski acrobatique et d'un quatrième consécutif en bosses. À cela, il faut ajouter ses deux titres mondiaux (bosses en 2013 et bosses en parallèle cette saison), ses trois deuxièmes places en Championnats du monde, ainsi que sa médaille d'argent des Jeux olympiques de Sotchi.

«J'ai déjà entendu que Mik est le Wayne Gretzky des bosses. C'est une comparaison juste, estime Kober. Il a amorcé sa carrière en Coupe du monde à un très jeune âge et il a immédiatement atteint des niveaux de performance et de constance que nous n'avions pas vu auparavant.»

Pour Kober, Kingsbury fait déjà partie des grands skieurs acrobatiques de l'histoire, même s'il n'a pas encore remporté de titre olympique.

«Il fait déjà partie de cette discussion, comme Edgar, Jean-Luc Brassard, (le Finlandais) Janne Lahtela ou Alexandre Bilodeau. Ce serait décevant qu'il ne gagne pas un titre olympique au cours de sa carrière, mais s'il ne le fait pas, de l'écarter de cette conversation serait équivalent à dire que Ted Williams n'est pas le plus grand frappeur du baseball parce qu'il n'a pas mené les Red Sox de Boston à la conquête de la Série mondiale.

«Quand Mik battra la marque de Grospiron, celui-ci ne disparaîtra pas de l'histoire. Il sera toujours un grand champion et sa légende ne s'en trouvera pas diminuée le moins du monde.»

Que son rendez-vous avec l'histoire se passe dans la cour arrière de Grospiron n'est pas sans attirer l'attention des médias français. Mais Kingsbury, avec son flegme habituel, ne compte pas se laisser déranger par tout cet engouement.

«Je veux seulement m'amuser et profiter de cette dernière Coupe du monde, dit-il. (...) C'est certain que lorsque je me retrouverai dans le portillon de départ, je vais vouloir tout gagner. Mais je vais quand même tenter de prendre plus de plaisir et de me mettre moins de pression.»

La finale du duel de Megève sera disputée à compter de 7h, heure avancée de l'Est, dimanche.