Quand Laurence St-Germain s'est fait montrer la porte de l'équipe nationale de développement, en 2014, elle ambitionnait toujours de skier en Coupe du monde. À 20 ans, elle savait cependant que la côte serait très dure à remonter.

La skieuse de Saint-Ferréol-les-Neiges est retournée dans l'équipe du Québec et s'est inscrite à l'Université du Vermont (UVM).

«C'était encore un rêve, mais il fallait que je sois réaliste : ça se pouvait que ça n'arrive pas. Si ça ne marchait pas, je voulais m'assurer d'avoir une belle fin de carrière à l'Université du Vermont. Je me suis un peu laissée aller là-dedans et j'ai eu beaucoup de plaisir à l'école.»

Les standards pour réintégrer l'équipe canadienne lui paraissaient presque inatteignables. À la fin de cet hiver-là, elle a fini deuxième aux deux dernières épreuves de la Coupe Nor-Am, le circuit de développement. Non seulement elle remplissait les critères pour l'équipe C, mais elle atteignait ceux pour l'équipe B, soit un passeport pour la Coupe du monde. «Je ne m'attendais pas à ça. Ça a tout chamboulé.»

Sa réintégration n'a pourtant pas été si simple. Au printemps 2015, elle a reçu un courriel du directeur athlétique de Canada Alpin (ACA), Paul Kristofic, l'avisant qu'il voulait lui parler. «Tout excitée» à la perspective d'entendre l'heureuse nouvelle, elle a plutôt appris que ça ne fonctionnerait pas. Elle avait 21 ans, son cheminement était atypique, son retour n'était pas prévu...

«Ça a été vraiment une claque dans la face, se souvient St-Germain. Je sais que la situation financière [de l'équipe] était difficile, mais je ne comprenais pas du tout. Le fait que j'allais à l'école pesait beaucoup dans la balance. Si j'avais été dans l'équipe de développement et que j'avais eu ces résultats, je suis pas mal certaine qu'ils ne m'auraient pas dit: "Non, on n'a pas d'argent, on ne peut pas te garder." C'est ça que je trouvais un peu bizarre.»

Épaulée par sa famille, dont son frère William, lui aussi victime de la purge de 2014, et par Ski Québec alpin, la jeune skieuse a contesté la décision d'ACA. Elle a eu de gain de cause. Aujourd'hui, personne ne s'en plaindra.

Quatre ans plus tard, Laurence St-Germain vient de connaître la meilleure saison de sa carrière. Révélation de l'équipe canadienne, la slalomeuse a terminé sixième aux Championnats du monde d'Åre, en février. Après une sortie de parcours au premier slalom de Levi, elle a fini dans les points à ses 10 autres départs en Coupe du monde, dont une 10e place à Semmering (Autriche) en décembre, un sommet personnel.

Au classement cumulatif de la spécialité, elle pointe au 13e rang, tout juste derrière sa compatriote Erin Mielzynski et 20 places de mieux que l'hiver précédent. Elle est également 10e dans la liste de départ de la Coupe du monde, qui tient compte de tous les résultats de la dernière année. Ce positionnement l'assure de s'élancer parmi les 15 premières au début de la prochaine saison, un facteur clé dans les épreuves techniques.

«Après deux top 20 au début de l'année passée, j'ai trop essayé. Cette année, je voulais comme me calmer! Je visais à être constamment parmi les 15 premières. Je pense que c'est la première fois de ma carrière que je remplis autant un objectif. Je n'aurais pas pu demander mieux.»

Malgré sa sixième place aux Mondiaux, deuxième résultat canadien après le cinquième rang de Roni Remme au combiné, St-Germain a vécu son plus beau moment aux Championnats de la NCAA de Stowe, au Vermont, au début du mois.

Pour son chant du cygne universitaire sur sa montagne locale, la représentante des Catamounts de la UVM a d'abord enlevé le slalom géant à la surprise générale. Deux jours plus tard, elle a confirmé son statut de favorite avec une autre victoire au slalom. Elle permettait ainsi à la UVM de terminer deuxième derrière Utah et devenait la septième femme à réussir le doublé.

Portée en triomphe par ses coéquipiers, elle décrit ce moment comme le «plus beau souvenir de toute [sa] vie».

> Voyez un résumé de l'événement (en anglais)

Des gens lui ont demandé en quoi sa participation aux Jeux olympiques de PyeongChang (15e du slalom) et aux Mondiaux l'avait préparée à un tel moment. L'athlète de 24 ans croit plutôt que la tension qui a marqué cette journée mémorable lui servira plus tard.

«Si je me retrouve dans cette position en Coupe du monde, le stress, je l'aurai vécu. Ce sera plus familier pour moi et non pas l'inverse.»

St-Germain a conclu sa saison mercredi au mont Édouard, au Saguenay, avec un premier titre national. Elle compte aborder la prochaine saison avec la même recette. Avant de penser à monter sur le podium, elle veut terminer régulièrement parmi les 10 premières.

En mai, elle recevra son diplôme en sciences informatiques avant de reprendre l'entraînement en salle à Calgary.

Elle ne tient pas rigueur à l'équipe canadienne, sinon celui d'avoir écarté son frère et quelques jeunes coéquipiers, il y a cinq ans1.

N'empêche, elle ne cache pas sa satisfaction de faire mentir les gens qui n'avaient pas cru en elle. «J'ose espérer que je leur ai fait réaliser qu'il n'y avait pas de parcours typique. Tu peux te rendre dans l'équipe nationale de n'importe quelle façon. Je souhaite qu'ils ne refassent pas la même erreur.»

Une battante, Laurence St-Germain? «Je n'ai jamais vraiment senti que je m'étais battue, a-t-elle précisé. Oui, j'ai dû faire changer leur décision. J'ai reçu beaucoup d'aide de mes parents, de mon frère, de l'équipe du Québec. C'était comme normal. Je n'ai jamais hésité: "Je le fais-tu? Ça me tente-tu vraiment?" Ça avait juste du sens pour moi. Je n'avais pas fini.»

Et ça s'annonce pour n'être qu'un début.

1. Frappée par une crise budgétaire au lendemain des Jeux olympiques de Sotchi, Canada Alpin avait pratiquement éliminé ses équipes de développement. Plusieurs athlètes québécois avaient été laissés en plan, dont Laurence et William St-Germain, Chris Steinke, Vincent Lajoie et William Schuessler-Bédard.

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La reconnaissance de Shiffrin

Laurence St-Germain a été un témoin privilégié de la domination historique de l'Américaine Mikaela Shiffrin, auteure d'un record de 17 victoires la saison dernière. La Québécoise a goûté à la médecine du prodige de Vail, qui l'a éliminée sèchement dès la première ronde du slalom parallèle de Saint-Moritz, en décembre. «Non seulement elle est bonne, mais c'est aussi une bonne ambassadrice pour le sport, a souligné St-Germain. Si je l'affronte encore, j'aimerais être plus proche!» Invitée à la cérémonie du podium après sa sixième place aux Mondiaux d'Åre, St-Germain a reçu l'accolade de Shiffrin, médaillée d'or pour la quatrième fois de suite, qui l'a félicitée pour ses résultats depuis le début de l'hiver.

PHOTO CHRISTIAN HARTMANN, REUTERS

Mikaela Shiffrin