Championne olympique et coqueluche des Jeux de Sotchi avec ses soeurs Chloé et Maxime, Justine Dufour-Lapointe a été plongée dans un véritable tourbillon l'été dernier, d'autant plus que sa famille préparait la construction de quatre unités d'habitation voisines, pour les parents et les trois filles.

Quand la poussière est (un peu) retombée, que le moment est venu de préparer la nouvelle saison, Justine a connu une période de doute. Ski Acrobatique Canada a profité de la fin du cycle olympique pour réorganiser l'équipe nationale. Les entraîneurs des Dufour-Lapointe, Marc-André Moreau et J.P. Richard, ayant obtenu des promotions - le premier à titre de directeur haute performance pour les bosses et les sauts, le second au Comité olympique canadien -, c'est Michel Hamelin qui a pris en charge l'équipe féminine de bosses.

Jusque-là dans sa carrière, celui qui venait de passer quatre années aux côtés d'Alexandre Bilodeau avait surtout travaillé avec les skieurs de l'équipe. Comment la transition se ferait-elle du très cérébral double champion olympique à l'exubérante Justine Dufour-Lapointe?

«Dans nos premières discussions, je voyais qu'elle se posait des questions, rappelait Hamelin récemment, en entrevue. Justine est une fille très organisée dans sa routine de compétition. Elle a besoin de repères solides et se demandait comment les choses se passeraient, à la barrière de départ notamment...»

Quatre mois plus tard, championne du monde et meneuse de la Coupe du monde, Justine se pose moins de questions! «La chimie s'est installée entre nous, confiait la skieuse de 20 ans, après sa victoire à Lake Placid. Nos anciens entraîneurs, Marc-André et Jean-Paul, nous ont donné nos bases. Ils m'ont aussi permis d'exploiter mon enthousiasme, mon côté fonceur.

«Mike m'apporte autre chose. Avec lui, j'ai l'impression de découvrir tous les petits détails qui permettent de progresser encore davantage. J'ai acquis plus de maturité aussi et cela me permet de travailler différemment, d'une manière plus rigoureuse peut-être.»

Formule 1

Hamelin ne pourrait être plus heureux de sa nouvelle protégée, qui n'est pas sans lui rappeler Jennifer Heil, une autre championne olympique canadienne, qu'il a côtoyée plus tôt dans sa carrière quand il travaillait avec Dominick Gauthier.

«À l'époque, on entraînait Jennifer et Alex [Bilodeau]. Dominick me disait souvent qu'Alex était comme une voiture de rallye. Il pouvait s'adapter facilement à toutes les situations et, avec lui, il n'y avait pas beaucoup de réglages, juste des gros boulons. Au contraire, Jenn était une Formule 1, qu'il fallait préparer avec minutie en portant attention à tous les détails.

«C'est ce genre de coaching que j'ai retrouvé avec l'équipe féminine, et avec Justine en particulier. J'ai recommencé à travailler sur les détails et je dois avouer que cela convient mieux à ma personnalité. J'aime aussi les routines. En haut des pistes, juste avant le départ, je suis là pour surveiller Justine et je sais que ma présence est importante pour elle.»

Hamelin est maintenant appuyé par Vincent Sigouin, un ancien skieur qu'il a invité à faire la transition vers l'entraînement. «Il s'est lui aussi très vite adapté et fait un excellent boulot, comme en témoignent les résultats de toutes les filles depuis le début de la saison», explique Hamelin.

«Je travaille plus spécifiquement avec Justine et Chloé, tandis que Vincent s'occupe davantage de Maxime et d'Audrey Robichaud. On se partage le travail avec les autres skieuses. Tout le groupe a progressé depuis la saison dernière et nos rivales le savent.»

Combler l'écart

Après plusieurs années passées aux côtés d'un compétiteur hors pair, Alex Bilodeau, Hamelin est particulièrement fier de voir que Justine a su combler l'écart qui la séparait de l'Américaine Hannah Kearney, quintuple championne de la Coupe du monde.

«La saison dernière, on pensait que si tout le monde faisait une descente parfaite, Justine et Chloé finiraient deuxième et troisième derrière l'Américaine. Cela a commencé à changer à la fin de la saison et ce n'est plus vrai. Désormais, Justine et Chloé savent qu'elles peuvent battre Kearney à la régulière.»

C'est justement ce que vient de faire Justine trois fois en quatre compétitions et ce qu'elle espère répéter aujourd'hui à Val Saint-Côme. «Hannah a été une grande championne, l'une des plus grandes de notre discipline, et je l'ai toujours respectée, a souligné Justine. Je crois toutefois que mes victoires ont fait plaisir aux autres en montrant qu'elle n'était pas imbattable.»

Reste à voir ce que diront les autres skieuses si Justine remporte 16 épreuves d'affilée, comme l'avait fait Kearney en 2011-2012...

De toute façon, Justine n'en est encore qu'au début de sa carrière et elle pense sans doute plus à inventer de nouvelles célébrations après ses victoires qu'à imaginer combien elle gagnera de médailles.

Enjouée, photogénique, la benjamine des Dufour-Lapointe fait la joie des photographes et de cameramans dans l'aire d'arrivée en empoignant ses skis comme une guitare et en grimaçant de façon espiègle.

«Je pense qu'elle pratique devant un miroir! raconte Michel Hamelin, en rigolant. Elle ne se prend pas toujours au sérieux et, ça aussi, c'est une des qualités que j'apprécie beaucoup.»