L'Éthiopien Feyisa Lilesa, médaillé d'argent du marathon des Jeux olympiques, ne rentrera pas en Éthiopie en dépit des assurances des autorités qu'il ne serait pas puni après ses critiques à l'encontre de la politique menée par le gouvernement, a estimé son agent mardi.

«Je ne pense pas qu'il reviendra en Éthiopie. Il y a beaucoup de gens qui disent que ce ne serait pas bon pour lui», a confié à l'AFP son agent Federico Rosa.

À l'arrivée à Addis Abeba de la délégation des athlètes éthiopiens, lundi soir, un journaliste de l'AFP, présent à l'aéroport a constaté que Lilesa n'était pas dans l'avion.

Les responsables sportifs éthiopiens ont félicité les membres de l'équipe olympique, sans citer la médaille d'argent de Lilesa, une des huit remportées par l'Éthiopie. Ils ont par ailleurs refusé de répondre aux questions concernant l'athlète.

Son agent qui vit en Italie et s'occupe de Lilesa depuis trois ans ne sait pas ce que prévoit le sportif dans l'immédiat, après un séjour à Rio à l'issue des Jeux olympiques.

«Je ne peux rien dire de certain, car je ne lui ai pas parlé depuis une conversation très courte que nous avons eue juste après sa course», a-t-il expliqué alors que plusieurs médias évoquent une demande d'asile aux États-Unis.

Dimanche, le marathonien avait franchi la ligne d'arrivée en deuxième position avec les bras croisés au-dessus de sa tête, comme s'ils étaient ligotés, un geste utilisé lors de récentes et importantes manifestations antigouvernementales violemment réprimées en Éthiopie.

Il avait ensuite récidivé lors de la cérémonie de remise des médailles et déclaré en conférence de presse craindre un retour au pays après sa protestation «contre l'attitude du gouvernement à l'égard des Oromo», une des deux principales ethnies du pays dont il est issu.

Lundi, le gouvernement avait assuré que Feyisa Lilesa ne serait pas inquiété pour ses prises de position.

L'Éthiopie est actuellement en proie à un mouvement de contestation antigouvernementale sans précédent depuis une décennie, qui a commencé en région oromo (centre et ouest) au mois de novembre et qui s'est étendu depuis quelques semaines à la région amhara (nord).

Ces deux ethnies représentent environ 60% de la population éthiopienne et contestent de plus en plus ouvertement ce qu'ils perçoivent comme une domination sans partage de la minorité des Tigréens, issus du nord du pays, qui occupent les postes-clés au sein du gouvernement et des forces de sécurité.

La répression violente de ces manifestations, qui viennent dès lors remettre en cause le fonctionnement du fédéralisme ethnique, a déjà fait plusieurs centaines de morts depuis fin 2015, estiment des organisations de défense des droits de l'homme.

À Rio, Feyisa Lilesa avait affirmé avoir «des proches en prison au pays».

«Si vous parlez de démocratie, ils vous tuent. Si je retourne en Éthiopie, peut-être qu'ils vont me tuer, ou me mettre en prison», avait-il ajouté. «C'est très dangereux dans mon pays. Peut-être que je devrais aller dans un autre. Je manifestais pour tous les gens qui ne sont pas libres».