Hilary Caldwell a fait la moue en voyant son temps affiché au tableau. Une médaille de bronze ne satisfait même plus les nageuses canadiennes.

« Je voulais l'or ! », a expliqué en riant la Britanno-Colombienne de 25 ans quelques minutes plus tard. Une médaille olympique, la sixième de l'équipe avec une journée à faire, on ne crache pas là-dessus.

Mais en l'absence de l'Américaine Missy Franklin et de l'Australienne Emily Seebohm, les tenantes des titres olympique et mondial éliminées en demi-finale, Caldwell pensait pouvoir causer la surprise dans ce 200 mètres dos. Mais l'opposition était forte : Katinka Hosszú et Maya Dirado, qui visaient chacune un quatrième podium aux JO. L'Américaine a eu le dessus de justesse, privant la Hongroise d'une quatrième médaille d'or historique.

À égalité au troisième rang au dernier virage, Caldwell n'a pas flanché. En bordure de la piscine, l'entraîneur Ryan Mallette a assisté nerveusement à la fin de course de sa protégée.

« Je suis le genre de gars qui pense toujours à ce qui peut mal se passer, a expliqué le Montréalais. Mais ce n'est pas elle qui me rend comme ça. J'ai entièrement confiance en elle. Hilary est une femme extrêmement déterminée, confiante, forte. Accomplir ses rêves comme ça... je suis tellement fier d'elle. »

DE BONS MOTS POUR SES ENTRAÎNEURS

Caldwell était tout aussi fière de son entraîneur au Centre de haute performance de Victoria. Au printemps 2015, Mallette est venu en relève de Randy Bennett, l'ancien entraîneur-chef national mort subitement d'un cancer à l'âge de 51 ans.

« J'ai tout de suite pensé à lui, a confié Mallette, qui a été l'assistant de Bennett pendant trois ans avant de lui succéder. Il a tellement travaillé. C'est toujours comme ça quand ses anciens nageurs font bien. Je pense toujours à lui en premier. »

Bien sûr, Caldwell a aussi pensé à son ancien mentor. Que lui aurait-il dit s'il avait été là ? « Je suis certaine qu'il serait revenu sur plusieurs erreurs qui ont été commises durant la course, mais qu'il aurait aussi été totalement ravi pour moi. J'espère qu'il regardait et que je l'ai rendu fier. »

La médaillée de bronze des Mondiaux 2013 a rendu un hommage senti à son nouvel entraîneur, qui a dirigé les clubs de Pointe-Claire, Dollard-des-Ormeaux et Beaconsfield avant de s'expatrier dans l'ouest du pays.

« Ryan Mallette a fait tellement un bon travail pour poursuivre l'oeuvre de Randy [Bennett]. Et je suis fière d'avoir gagné une médaille olympique et de l'avoir fait pour lui aussi. Parce qu'il a fait en sorte que la dernière année soit OK alors que ce ne l'était vraiment pas. »

- Hilary Caldwell

Caldwell, une francophile qui étudie la langue à l'Université de Victoria, est la première Canadienne à monter sur le podium au 200 m dos depuis Nancy Garapick, qui a remporté le bronze à Montréal en 1976. Cette année-là, l'équipe avait gagné huit médailles, un sommet à des JO non boycottés par une puissance de la natation.

« C'est tellement fantastique de voir à quel point on nage bien, s'est exclamée Caldwell. On doit bien être rendues au même nombre de médailles que l'Australie, ce qui est scandaleux ! On est une des meilleures équipes féminines ici, je ne peux pas le croire, c'est fou. »

Le Canada aura une chance d'égaler le total de Montréal lors de la dernière soirée aujourd'hui. Mené par la sensation Penny Oleksiak, le relais féminin 4 X 100 m quatre nages part parmi les favoris avec les États-Unis. Ryan Cochrane, lui aussi un ancien protégé de Bennett maintenant coaché par Mallette, tentera pour sa part de monter sur le podium du 1500 m pour une troisième fois consécutive aux JO. Quelqu'un veut parier contre eux ?

100 m papillon: le petit Joseph a grandi

Avant les Jeux olympiques de Pékin 2008, l'équipe américaine de natation avait tenu un camp d'acclimatation à Singapour. Michael Phelps se souvient que des singes venaient voler des barres énergétiques sur le bord de la piscine.

Un matin, un petit nageur singapourien lui a demandé de se faire prendre en photo avec lui. Il s'appelait Joseph Schooling, il avait 13 ans et il était en admiration devant celui qui s'apprêtait à gagner huit médailles d'or dans la capitale chinoise.

« J'étais en état de choc. Je ne pouvais pas vraiment sourire. J'ai juste ouvert la bouche. C'est tout ce dont je me souviens... »

Huit ans plus tard, après être parti s'entraîner en Floride et au Texas, cet adolescent est devenu l'un des meilleurs nageurs de papillon du monde.

Vendredi soir, à Rio de Janeiro, il a provoqué la stupeur dans la foule en remportant le 100 m papillon des Jeux olympiques. Phelps, qui en était à la dernière épreuve individuelle de sa carrière, a dû se contenter de l'argent.

Mais comme il n'y a jamais rien d'ordinaire avec le plus grand olympien de l'histoire, l'Américain de 31 ans a terminé à égalité avec non pas un mais deux de ses rivaux de longue date, le Sud-Africain Chad le Clos et le Hongrois Laszlo Cseh. À la cérémonie de remise des médailles, les trois hommes se sont donné la main avant de monter à l'unisson sur la deuxième marche du podium, comme s'ils venaient de disputer un relais.

En faisant le tour d'honneur, Schooling, 21 ans, a échangé des blagues avec son idole de jeunesse, lui demandant si ça ne lui tentait pas de continuer un autre quatre ans.

« J'étais comme : c'est fou, je ne sais pas comment me sentir en ce moment, c'est surréaliste », a raconté le premier médaillé d'or olympique singapourien.

Phelps s'est tourné et lui a dit : « Je sais. » Après tout, il s'est prêté à l'exercice à 27 reprises durant sa carrière, dont 23 fois comme champion. Cette médaille d'argent n'était que sa troisième, après celles du 200 m papillon, où Le Clos l'avait surpris, et du relais 4 x 100 m libre à Londres.

Le 100 m papillon a toujours été l'épreuve la plus serrée, Phelps remportant ses trois titres par une marge totale de 28 centièmes. Qui ne se souvient pas de cette touche magique du bout des doigts devant Cavic à Pékin ?

À Rio, il n'y a pas eu photo : Schooling est parti comme une flèche et est revenu le plus vite, laissant Phelps, le Clos et Cseh trois quarts de seconde derrière.

« Je ne suis pas le gars le plus heureux du monde d'avoir perdu, personne n'aime perdre, mais je suis fier de Jo, a dit Phelps. Il a nagé la meilleure course. Je le connais depuis longtemps et l'ai vu se développer. Je suis excité de voir ce qu'il a de plus à offrir. »

Phelps plongera une dernière fois ce soir pour la section de papillon du relais quatre nages. Malgré les appels en ce sens, il a promis qu'il ne reviendra pas à Rio en 2020. Il a aussi promis à Schooling qu'il ne dormirait pas de la nuit.