Avant de prendre position au départ, skis perpendiculaires à la piste, Olivier Rochon a sûrement touché sa clé porte-bonheur. Il la porte toujours sur lui en compétition. Il a regardé loin devant, visualisant son saut à venir : le périlleux tendu triple vrille vrille.

L'ancien sauteur canadien Warren Shouldice a déjà gagné le Championnat du monde, en 2011, grâce à ce saut. Mais à part Rochon, aucun sauteur actuel ne le fait sur neige. Lui-même en était à sa première tentative, risquée, lors d'une compétition. S'il le réussissait, comme il l'a déjà fait à l'entraînement, il repartirait de PyeongChang avec une médaille au cou. Un petit accroc à l'atterrissage lui a plutôt valu la cinquième place.

« C'était la première fois que je faisais ce saut en compétition, a dit l'athlète de 28 ans. Ça fait quasiment quatre ans que je le pratique sur l'eau. C'est un saut qui est extrêmement difficile. Comme on peut voir, ça ne marche pas tout le temps, mais c'était exactement ce que je voulais faire. C'est sûr que je ne l'ai pas atterri, mais c'est un saut qui est nouveau pour moi sur la neige. Il y a encore des choses à travailler, mais j'ai vraiment tout donné. »

Une fois dans les airs, la rotation a été légèrement trop prononcée. « Dans la triple vrille, on y va au feeling, on ne voit pas beaucoup. J'avais une décision à prendre : rester dans ma vrille ou ouvrir les bras. » Il y est resté une fraction de seconde de trop. « Il était trop tard. »

Son entraîneur et lui avaient évalué la possibilité d'opter pour un saut plus simple. « Mais avec les résultats ce soir [heure locale], on n'avait pas le choix. Je suis fier de l'avoir essayé, d'avoir montré à tout le monde que le Canada, on est encore une force dans le ski acrobatique. Et ce n'est pas fini. » Le seul autre Canadien inscrit à l'épreuve, Lewis Irving, de Québec, n'a pu franchir l'étape des qualifications.

Tout au long de la soirée, Rochon, de Gatineau, a assuré sa place parmi les meilleurs. Il a d'abord terminé quatrième de la première finale à 12. Il a ensuite fini deuxième de la finale à neuf et, pour clore la compétition, il a pris le cinquième rang de la grande finale à six. « C'était toute une montée de confiance jusqu'au dernier saut. Mon entraînement avant la compétition a été moyen, ça m'a joué un peu dans la tête, mais j'ai réussi à me reprendre et à continuer. Le travail mental qu'on fait, c'est pour des moments comme ça. »

L'Ukrainien Oleksandr Abramenko a remporté le titre olympique (128,51 points), devant le Chinois Jia Zongyang (128,05 points) et l'athlète olympique de Russie Ilia Burov (122,17 points).

Le Québécois accepte sa cinquième place (98,11 points) avec humilité, avec aussi le sentiment du devoir accompli. « Je me sens bien, j'ai vraiment tout fait ce qu'on voulait faire. Tout le travail qu'on a fait en quatre ans, c'était pour se rendre à ce moment. C'est sûr que le podium, c'est ce qu'on vise tout le temps. Aux Olympiques, ça aurait été l'fun. Mais une cinquième place à mes premiers Jeux, ça se prend très bien. »

« Je suis particulièrement fier de ma progression et de tout le travail que j'ai fait pour me rendre ici. C'est une médaille d'or pour moi », a-t-il ajouté. Rochon attendait sa chance de participer aux Jeux olympiques depuis 2006. Il a connu une carrière irrégulière, faite de hauts et de bas.

Nommé recrue de l'année par la Fédération internationale de ski en 2009, il a raté par un seul point la sélection nationale pour les Jeux de Vancouver. Après, il a décroché. En raison d'écarts de conduite et d'un manque d'implication, il a été suspendu pendant un an.

À son retour en 2012, il a décroché cinq médailles en Coupe du monde, mettant la main sur le globe de cristal de la discipline. Il était sur la bonne voie pour participer aux Jeux de Sotchi, mais une grave blessure à un genou survenue quelques mois avant l'évènement l'a contraint à déclarer forfait.

Les Jeux de 2018 étaient bien entendu dans sa ligne de mire. Jusqu'à la fin janvier, il parlait néanmoins de sa présence à PyeongChang au conditionnel. Rien n'était assuré. Puis, il est monté sur la troisième marche du podium à la Coupe du monde de Lake Placid, un résultat bon pour un laissez-passer olympique.

Olivier Rochon quittera la Corée du Sud avec le sourire aux lèvres et cette envie de poursuivre le travail. « Je veux faire un autre cycle olympique, ce sera probablement mon dernier. Je deviens un peu plus vieux, l'entraînement changera. Ce sera tout à voir. »

Mais d'abord, il prendra des vacances. Il aura alors tout le loisir de dessiner des plans d'avenir faits de triples vrilles, faits d'un rêve olympique à achever.

Photo Martin Bureau, Agence France-Presse

Oleksandr Abramenko

Classement

1. Oleksandr Abramenko (UKR) 128,51 pts

2. Jia Zongyang (CHN) 128,05

3. Ilia Burov (OAR) 122,17

4. Pavel Krotov (OAR) 103,17

5. Olivier Rochon (CAN) 98,11

6. Stanislau Hladchenko (BLR) 92,61