Après avoir subi blessure après blessure, Alex Beaulieu-Marchand, 23 ans, croyait peu en ses chances de médaille hier. Il y a quelques jours à peine, il peinait à se tenir debout, à marcher. Un nerf du dos coincé après un long vol d'avion, a-t-il précisé. En raison de la douleur, il a peu skié cette semaine. Même tôt hier matin, il s'est ménagé. À peine a-t-il fait quelques descentes d'entraînement. «J'ai fait du vélo à la place.»

Le corps amoché, bourré d'antidouleurs, il s'est néanmoins élancé sur le parcours, prêt à tout donner. «C'est ma force mentale qui a fait la différence aujourd'hui», a-t-il dit. Il a skié avec sa tête, avec ses tripes. «Je n'ai jamais mieux skié dans ma vie.» Il a ainsi décroché la médaille de bronze, paraissant lui-même étonné de ce dénouement. 

«C'est incroyable, j'ai atterri ma descente les trois fois. Avec tout ce qui m'est arrivé, les blessures, je n'y croyais pas. On aurait dit que je ne pensais pas que c'était possible. Et j'ai réussi ça dans la compétition la plus intense, la plus "wow!" que j'ai jamais vue de ma vie, je n'en reviens juste pas.» Parmi les nombreux spectateurs présents, ses amis Mikaël Kingsbury, Philippe Marquis et Marc-Antoine Gagnon, de l'équipe de bosses, étaient là, bien visibles, pour l'encourager. Sur leur torse nu, chacun avait collé une lettre géante: A, B, M. C'est son surnom, tous l'appellent ainsi.

Dans un sport extrême où les chutes peuvent être brutales, Alex Beaulieu-Marchand a écopé plus souvent qu'à son tour dans les dernières années. En janvier 2015, il a eu une déchirure du ligament croisé antérieur. L'été dernier, il a subi une blessure au genou gauche, en Nouvelle-Zélande. «J'ai le genou "scrap", j'ai un oedème osseux. Chaque fois que j'atterris, j'ai mal.» En décembre, il a également été victime d'une sévère commotion cérébrale qui l'a tenu hors circuit pendant plus d'un mois. À son retour en piste, en janvier, il a tout de même réussi à se hisser 5e des X-Games.

«Les derniers quatre ans n'ont pas été faciles. J'ai hâte de mettre cette médaille dans le cou de toutes les personnes qui m'ont aidé: mon entraîneur, mes parents, tous les gens qui ont pris soin de moi quand j'étais au plus bas. J'ai vraiment grandi en tant qu'athlète. Aujourd'hui, c'était la preuve de ma force mentale. Je n'ai pas de mots, je ne croyais même pas passer les qualifications. Le niveau était tellement intense, je ne savais même pas si ma descente était à la hauteur.»

Compétition relevée

Sur un parcours exigeant, la crème des skieurs, en quête d'un podium olympique, a repoussé les limites du sport. À l'issue d'une compétition relevée, le Norvégien Oystein Braaten a remporté l'or avec un score de 95 points, devant l'Américain Nick Goepper (93,60 points). Beaulieu-Marchand a cumulé 92,40 points lors de son deuxième essai sur trois. «C'était un plaisir d'être dans la compétition de slopestyle la plus forte de l'histoire, a dit Nick Goepper, en conférence de presse. Les qualifications ont été époustouflantes et la finale deux fois plus.» 

Le skieur de Saint-Augustin-de-Desmaures a réussi à tirer son épingle du jeu parmi les douze finalistes grâce à ses grabs (saisies de ski), a-t-il avancé. Il les a tous réussis. «Je pense que les juges ont porté beaucoup d'attention là-dessus. Sur les rails, j'ai opté pour les plus gros trucs que je pouvais. J'ai fait mon grab signature - le breebie grab - sur l'aigle.» Il a aussi fait un triple saut en bas qui s'est avéré payant, pense-t-il.

Médaillé de bronze aux X-Games 2017 et au Dew Tour 2016, il avait terminé 12e aux JO de Sotchi 2014. Il est devenu hier le premier Canadien à obtenir une médaille olympique en ski slopestyle. En 2014, Dara Howell et Kim Lamarre avaient décroché l'or et le bronze, chez les femmes. Elles n'ont pu répéter l'exploit.

«C'est génial pour ABM, sa persévérance des derniers mois a payé, son expérience a ressorti, a dit David Mirota, directeur Sports à Ski acrobatique Canada. Ça témoigne aussi de tous les efforts de l'équipe médicale ces derniers mois jusqu'à aujourd'hui. C'est un athlète qui sait où il s'en va, ce dont il a besoin, il est très mature. Il est très intelligent, c'est un plaisir de l'avoir dans notre équipe.»

Cette équipe masculine a montré qu'elle a le vent dans les voiles, selon Mirota. Trois Canadiens étaient de la finale hier. Teal Harle a fini 5e et Evan McEachran 6e. Seul Alex Bellemare, de Saint-Boniface, n'a pas franchi le cap des qualifications. «Je suis super content. Douze finalistes pouvaient monter sur le podium aujourd'hui. Nos trois gars ont réussi au moins une grosse descente an finale. L'équipe est sur une lancée, les jeunes montent. Ça augure bien pour les prochains Jeux.»

Photo Associated Press

Alex Beaulieu-Marchand