Quelque chose clochait dès la première montée en sortant du stade, mardi soir (heure locale). Alex Harvey a cessé la double poussée pour adopter le pas alternatif quelques dizaines de mètres avant ses principaux rivaux. Ce n'est pas dans les habitudes de cet athlète généralement puissant en classique. Posté à cet endroit, l'entraîneur Louis Bouchard s'est tout de suite inquiété.

Quand Harvey est réapparu dans la côte suivante, Federico Pellegrino, parti 15 secondes après lui, avait déjà réduit du tiers cet écart. Le champion mondial italien lui a repris cinq autres secondes jusqu'à l'arrivée.

Harvey était 15e sur 15 quand il a franchi le fil sous le vent et les flocons, à près de 10 secondes du meneur, le Finlandais Ristomatti Hakola. Seuls les 30 premiers accédaient aux rondes éliminatoires de ce sprint individuel de 1,5 kilomètre disputé au centre de ski de fond d'Alpensia. Ça allait être chaud, mais les partants suivants étaient moins bien classés.

Puis, ça s'est mis à débouler: 17e, 20e, 24e... Derrière l'estrade des photographes, Harvey discutait ferme avec son technicien et alter ego Lee Churchill. Il était manifestement énervé. Il n'a fait ni une ni deux et a pris la direction des vestiaires sous les gradins.

Le fondeur de Saint-Ferréol-les-Neiges n'était pourtant pas encore éliminé. Son coéquipier Len Valjas, qui n'a rien fait de l'hiver, a inscrit le 24e temps (26e au final), poussant Harvey au bord du précipice. Le modeste Slovaque Peter Mlynár, dossard 51, a porté le coup fatal.

Ratant la coupe de 26 centièmes, Harvey a fini 32e, son pire résultat depuis sa 46e place au sprint libre de la Coupe du monde de Falun, il y a un an. Une claque au visage.

«Aujourd'hui, c'est une contre-performance, comme malheureusement ça arrive parfois», a résumé Bouchard, venu à la rencontre des journalistes après s'être entretenu avec son protégé.

«[Il a eu] la réaction d'un athlète compétitif, a-t-il rapporté. Il est déçu et c'est correct. Il faut qu'il soit déçu. Tu ne peux pas être content d'une performance comme ça. En même temps, il va devoir se rappeler rapidement qu'il y a deux jours, il était huitième [au skiathlon] et il était dans le coup jusqu'à la fin.»

«Il manquait d'énergie»

Justement, le coach s'est demandé si l'énergie dépensée dans le final du skiathlon de dimanche n'avait pas plombé Harvey deux jours plus tard. Le sprint n'est pas sa spécialité, encore moins la phase de qualification, mais il y a remporté deux médailles aux Mondiaux, dont l'argent en classique à Falun en 2015, à cinq centièmes du Norvégien Petter Northug.

«Dans ce qui n'est pas son épreuve naturelle, tu dois avoir tout en main pour être capable de rivaliser, a fait valoir Bouchard. Aujourd'hui, l'équipement était là, ça, il n'y avait pas de problème. On voyait qu'il manquait un peu d'énergie. »

Harvey n'a pas chaussé les skis au lendemain du skiathlon, une pause stratégique qui a pu avoir un impact sur le sprint. «Peut-être que le repos l'a endormi pour le sprint, a mentionné l'entraîneur. Un athlète comme ça a besoin d'être réveillé. En même temps, c'est peut-être très bon pour la suite, parce qu'il n'y a pas beaucoup de place dans un championnat comme ça où tu peux prendre un repos.»

Fait rarissime, Harvey ne s'est pas adressé aux journalistes après sa performance. Bouchard souhaite qu'il se concentre sur ses prochaines épreuves, à commencer par le 15 km individuel style libre de vendredi. «Une des stratégies importantes après une épreuve comme ça, c'est d'essayer d'avoir un focus un peu plus fermé aussi. C'est bien qu'il se retrouve un peu et qu'il se prépare pour la prochaine épreuve, qu'on se concentre un peu plus.»

Après un zéro pointé à ses deux premières épreuves, Harvey se retrouve dans la même position qu'aux derniers Mondiaux de Lahti, qu'il avait conclus avec l'or au 50 km libre. La tâche s'annonce toutefois très complexe à PyeongChang.

En théorie, le 15 km de vendredi devrait lui convenir. Il en a gagné un l'an dernier en Suède et a terminé quatrième en décembre en Italie. Mais la démonstration des Norvégiens, des Russes et, dans une moindre mesure, des Français dans la deuxième portion du skiathlon présage une opposition de taille. Le 50 km à l'avant-dernière journée des Jeux sera disputé en classique, style où le Canadien s'est moins illustré ces dernières années.

Valjas, le revenant

Rare bonne nouvelle dans cette «journée à oublier», dixit Bouchard, Valjas est sorti des limbes. Le grand Torontois a atteint les demi-finales et pris le huitième rang. Sur un parcours où il a terminé quatrième l'hiver dernier, il semble avoir retrouvé ses ailes. Selon toute vraisemblance, il obtiendra le départ avec Harvey pour le sprint par équipes du 21 février, qui sera toutefois disputé en style libre.

À en juger par l'écrasante domination de Johannes Høsflot Klaebo au sprint individuel, il faudra encore compter sur les Norvégiens en équipe. Le prodige a lâché le Russe Alexander Bolshunov (bronze) et Pellegrino (argent), en route vers l'or. À 21 ans et 4 mois, il est devenu le plus jeune champion olympique de l'histoire en ski de fond masculin. Il mériterait aussi la médaille du courage pour avoir disputé la finale tête nue. Northug a son successeur.

---

Nilsson en maîtrise

Chez les femmes, la Suédoise Stina Nilsson a maîtrisé la finale de bout en bout pour s'imposer devant la Norvégienne Maiken Caspersen Falla, tenante du titre, et la Russe Yulia Belorukova. Aucune Canadienne n'a accédé aux rondes éliminatoires. Emily Nishikawa a réalisé le 34e temps des qualifications. La Québécoise Cendrine Browne, qui était surtout là en prévision de son 10 km de jeudi, a pris le 51e rang.