L'une des plus belles voix du Québec s'est tue. Richard Garneau est mort à l'hôpital Royal Victoria, ce matin vers 5 h 30, quelques semaines après avoir subi une chirurgie cardiaque. Il était âgé de 82 ans.

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Né à Québec le 15 juillet 1930, Garneau a fait ses débuts à la radio de CHRC en novembre 1953, puis, une entrée fracassante à CFCM, devenu TVA-Québec, en 1954. Dans le cadre de l'émission Prévisions et voyages, il devait présenter un court métrage sur la Thaïlande. «Le film a commencé à sauter, a-t-il rappelé au Soleil, 50 ans plus tard. Extrêmement nerveux, j'ai alors dit: "Mesdames, messieurs, excusez-nous de ce..." et je ne trouvais pas le mot. Quand je me suis retourné pour m'asseoir, le fauteuil a basculé et je me suis retrouvé par terre. Le perchiste a baissé le micro à ma hauteur et au moment où je me suis relevé, j'ai reçu le micro sur la tête. Le choc m'a fait retrouver le mot que je cherchais: "Excusez-nous de ce contretemps".»

Ses patrons ont gardé la foi en lui et il est demeuré à l'emploi de CFCM pendant deux ans et demi. «Durant les six premiers mois, je faisais tout: les nouvelles, le sport, la présentation d'émissions, sans télésouffleur. Il fallait tout apprendre par coeur.»

Il s'est amené à Montréal en 1957 et a découvert un monde étrange à Radio-Canada. «C'était une fourmilière de grands personnages, a-t-il dit à Jean Beaunoyer, dans La Presse, en 2002. On pouvait retrouver René Lévesque, le peintre (Jean-Paul) Riopelle, Jacques Brel en grande conversation. À cette époque, il n'y avait pas de commentateurs sportifs. Les journalistes étaient des généralistes. J'ai animé des émissions de cinéma, de voyage et de bien d'autres domaines. Nous avions une formation générale; c'est probablement ce qui nous a démarqués dans le monde du sport.»

«On peut dire que j'ai animé les premiers Jeux olympiques à Radio-Canada, à Rome en 1960, puisque nous avions tourné un film sur les préparatifs des Jeux en Italie. Dans le film, je me promenais en scooter et visitais la ville en expliquant aux téléspectateurs l'histoire des Jeux, des monuments et des personnages de l'Italie. Très rapidement, les Jeux olympiques sont devenus ma grande passion.»

Garneau a couvert 23 Jeux olympiques, dont ceux de Londres en 2012, en plus des Jeux du Commonwealth, des Jeux panaméricains, des Championnats du monde d'athlétisme et de patinage artistique ainsi que plusieurs Tours de France. Il a aussi travaillé aux reportages des matchs du Canadien pendant 27 ans, avec humilité, sans partisannerie, en laissant la vedette aux vedettes.

Il a été admis au Temple de la renommée du hockey en 1999, en même temps que Wayne Gretzky, et y a rejoint son maître à penser René Lecavalier.

«J'ai été très surpris quand on m'a annoncé ma nomination, a déclaré Garneau à Jean-Paul Soulié, dans La Presse. J'ai d'abord cru à une blague. Il y a quand même cinq ans que je ne m'occupe plus de hockey.»

Il a assisté aux quatre rencontres de la Série du Siècle disputées à Moscou en 1972 à la suite des quatre premiers matchs au Canada, pendant lesquels il se trouvait aux Jeux olympiques de Munich. «J'avais vu jouer les Russes et je savais qu'il allaient livrer une forte opposition aux Canadiens. Je me souviens que pendant le voyage en Russie, j'avais proposé à un joueur canadien d'aller visiter la statue de Lénine. Il m'avait demandé qui était Lénine...»

Garneau a aussi touché à l'écriture et au cinéma. Il a rédigé quelques bouquins au milieu de ses différents reportages.

Au début de sa carrière, il a été employé à titre de figurant dans le film I Confess (La loi du silence), l'un des meilleurs d'Alfred Hitchock, tourné à Québec en 1951. Nourri et payé 8 $ par jour pendant trois semaines, il devait personnifier un cadavre. Hitchcock a rayé la scène et on n'a jamais vu Garneau dans le film, mort ou vivant.

Garneau a été marié deux fois et a eu cinq enfants, dont l'aîné, Jean, est mort d'un cancer à la fin de 2012.

Le plus bel homme

Au nombre des différents honneurs, Garneau a été jugé le «Plus bel homme du Canada» en 1967, un concours organisé par Lise Payette. «Je n'ai jamais pris ça au sérieux, mais il fallait faire très attention. À cette époque-là, pour beaucoup de femmes, ça l'était.»

Garneau a toujours gardé la forme. Il a participé à quelques marathons et, à 76 ans, il disait marcher 40 kilomètres par semaine. Même s'il a longtemps fumé.

Il a d'ailleurs fait la promotion de du Maurier pendant 12 ans avant de passer dans le camp des «fascistes antifumée».

«Richard a arrêté de vieillir à 25 ans, a affirmé son ami Serge Arsenault à Jean Beaunoyer. De tous les collaborateurs que je connais, c'est lui qui veut le plus apprendre. Cet homme d'une grande culture se remet continuellement en question.

«Je l'ai embauché comme commentateur quand j'ai produit une émission sur le Tour de France. S'il était connu dans le milieu de l'olympisme et du hockey, ce n'était pas le cas en cyclisme. On le faisait poireauter pour les entrevues. Au début, il n'obtenait d'ailleurs pas beaucoup de matière de la part des coureurs. Je croyais avoir fait une erreur en l'engageant. Il était dans la soixantaine et je pensais qu'il était peut-être trop vieux. Cette histoire aurait pu briser notre amitié. Surtout quand je lui ai fait part de mes inquiétudes. Mais il s'est battu comme un diable et, finalement, il était en première ligne et décrochait les meilleures entrevues.»

Octogénaire, Garneau est demeuré au micro en gardant la faculté de s'émerveiller, un conseil que lui avait donné René Lecavalier. «Si j'ai fait ce métier-là, c'est grâce à lui, a-t-il avoué à Jean-Paul Soulié. Je suis resté en contact permanent avec lui (Lecavalier est mort le 6 septembre 1999).»

À quand le prochain René Lecavalier, le prochain Richard Garneau?