Les Flames de Calgary ont retiré le chandail numéro 12 de leur ancienne gloire Jarome Iginla, samedi.

Revoyez la cérémonie en l'honneur de Jarome Iginla

Iginla a été impliqué dans l'une des transactions les plus fascinantes de l'histoire du hockey.

Le 19 décembre 1995, les Stars de Dallas échangeaient Iginla, 18 ans, fraîchement repêché au 11e rang, pour obtenir le vétéran Joe Nieuwendyk, 29 ans, en dispute contractuelle avec les Flames de Calgary.

Un peu moins de 24 ans plus tard, cet échange est encore évoqué chaque année ou presque, autant pour avaliser autant les décisions des «vendeurs» que celles des «acheteurs».

Les Flames entamaient un cycle de réinitialisation en 1995. Ils venaient à peine de remplacer leur DG Doug Risebrough par Al Coates quelques semaines plus tôt.

Dans le contexte, il devenait plus facile d'échanger leur capitaine et premier centre à Dallas, d'autant plus que celui-ci attendait le dénouement de l'impasse chez lui depuis le début de la saison.

Coates a néanmoins pris un gros risque en échangeant son meilleur joueur en retour d'un jeune qui n'avait encore jamais disputé le moindre match dans la Ligue.

Bob Gainey, alors DG des Stars, jugeait qu'il pouvait se permettre de sacrifier un espoir de premier plan pour renforcer son club à court terme malgré la saison difficile de l'équipe l'année précédente.

Derrière Mike Modano, les Stars n'avaient pas beaucoup de profondeur pour rivaliser avec l'Avalanche du Colorado et ses centres Joe Sakic et Peter Forsberg, et aussi les Red Wings de Detroit avec Steve Yzerman et Sergei Fedorov.

Iginla avait un gros potentiel même s'il était encore d'âge junior et il l'a exploité. Il est devenu le plus grand joueur de l'histoire des Flames avec 525 buts et 1095 points en 1219 matchs à Calgary. Il aura obtenu 1300 points au total dans la LNH au cours d'une carrière de vingt ans.

Il vient au 16e rang de l'histoire de la Ligue au chapitre des buts devant d'illustres joueurs comme Joe Sakic, Bobby Hull, Guy Lafleur, Jarri Kurri et Maurice Richard. Ce superbe athlète a donné au fil des années des arguments de taille aux ardents défendeurs du camp des «vendeurs». 

Les Stars de Dallas ont raté les séries l'année où ils ont acquis Nieuwendyk. Ils ont été éliminés en première ronde l'année suivante et en 1998, Nieuwendyk a été limité à un seul match éliminatoire en raison d'une blessure lors de la belle percée des Stars dans le carré d'as.

Finalement, l'année suivante, Nieuwendyk, s'il n'était plus le même joueur offensif à 32 ans, a gardé ses meilleurs moments pour les séries. Il a obtenu 21 points en 23 matchs, remporté le trophée Conn-Smythe remis au joueur par excellence en séries et les Stars ont remporté la Coupe Stanley pour la première fois de leur histoire.

Dallas a gagné le sixième et dernier match de la finale contre Buffalo sur un but controversé de Brett Hull lors de la troisième période de prolongation alors qu'il avait un patin dans l'enclave, ce qui était interdit selon les règlements de l'époque.

Les Stars ont atteint la finale l'année suivante, mais perdu aux mains des Devils du New Jersey. Cette fois, Nieuwendyk avait nettement ralenti et obtenu seulement dix points en 23 matchs.

Pour les adeptes du camp des «acheteurs», les Stars n'auraient jamais remporté la Coupe sans Nieuwendyk. Il est permis de le croire, mais comment le savoir avec certitude?

Iginla avait déjà atteint la LNH en 1998-1999 et marqué 28 buts. Mais il ne possédait pas l'expérience de Nieuwendyk et n'occupait pas un poste névralgique comme celui-ci puisqu'il jouait à l'aile droite et non au centre.

Nieuwendyk a disputé sept saisons avec les Stars avant d'être échangé en 2002 avec le jeune ailier Jamie Langenbrunner contre Jason Arnott, Randy McKay et un choix de première ronde.

Arnott a donné trois bonnes saisons aux Stars. Gainey a donc eu sa Coupe et bénéficié de stabilité au centre pour une dizaine d'années.

Mais l'ancien DG des Stars et du Canadien a aussi l'odieux d'avoir échangé l'un des plus grands joueurs de l'histoire. Heureusement, les succès de 1999 permettent d'effacer cette tache noire à son dossier.

On peut donc parler d'un bon coup, autant du côté des Flames que des Stars.

Il s'agissait néanmoins d'une rare fois où un «acheteur» prenait un risque de cette envergure et en tirait profit.

Il est beaucoup plus facile de trouver des exemples négatifs puisque seulement deux clubs par année atteignent la finale. George McPhee, alors directeur général des Capitals de Washington, regrette encore d'avoir bêtement échangé son espoir Filip Forsberg pour Martin Erat à la date limite des échanges il y a quelques années. Il s'agit sans doute de l'exemple le plus récent et spectaculaire.

Relisez la grande entrevue de Mathias Brunet avec George McPhee réalisée en janvier 2018

McPhee a répété la même chose cette année avec Vegas, mais heureusement pas pour des joueurs de location. Il a sacrifié deux de ses meilleurs espoirs, Nick Suzuki et Erik Brannstrom, dans deux échanges pour obtenir Max Pacioretty et Mark Stone, tout de suite mis sous contrat à long terme.

Voyons s'il atteindra le Graal comme Gainey l'a fait en 1999.

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Fascinante lecture de Guillaume Lefrançois ce matin sur le faible taux de succès du Canadien sur le marché des joueurs autonomes au fil des années. Je me demande si Marc Bergevin sera plus prudent cet été malgré beaucoup d'argent à sa disposition.

Photo Kevin Frayer, archives La Presse canadienne

Joe Nieuwendyk a remporté le trophée Conn-Smythe lors de la conquête de la Coupe Stanley des Stars de Dallas en 1999.