Plusieurs croient encore, à tort, qu'un club « s'améliore » s'il cède des espoirs ou des choix au repêchage pour obtenir des joueurs établis à la date limite des échanges.

L'acheteur acquiert des joueurs convoités, certes, mais « s'améliore-t-il » pour autant ?

À pareille date l'an dernier, les Golden Knights de Vegas ont cédé aux Red Wings de Detroit des choix de première ronde en 2018, deuxième ronde en 2019 et troisième ronde en 2021 pour obtenir Tomas Tatar.

Celui-ci avait marqué 16 buts en 62 matchs jusque là et tout le monde ou presque a applaudi. Mais George McPhee a-t-il amélioré son équipe ?

Incapable de s'adapter à sa nouvelle équipe, Tatar a été rayé de la formation dans 12 des 20 matchs de Vegas en séries. Il a joué deux matchs en finale, dans un rôle très limité, et quelques mois plus tard, McPhee a presque supplié le Canadien de l'accepter dans l'échange pour Max Pacioretty.

Les Bruins, eux, ont cédé un choix de première ronde et Ryan Spooner, entre autres, pour mettre la main sur Rick Nash. Il a obtenu cinq points en 12 matchs de séries et il ne joue plus au hockey.

Les Maple Leafs, eux, ont payé un choix de deuxième ronde pour obtenir Tomas Plekanec et ainsi « améliorer » leur club. Ils ont néanmoins subi l'élimination en première ronde.

Parlant de « s'améliorer », les Capitals de Washington ont été chiches à la date limite des échanges. Ils ont cédé uniquement un choix de troisième ronde pour obtenir le défenseur Michal Kempny. Ils ont remporté la Coupe Stanley.

En 2017, les Penguins de Pittsburgh ont été sages. Ils ont dépensé des choix de deuxième et quatrième ronde seulement pour du renfort en défense avec Ron Hainsey et Mark Streit. Ils ont remporté la Coupe.

Les finalistes, les Predators de Nashville, n'ont pas volé le spectacle eux non plus à la date limite des échanges. Ils se sont départis uniquement de choix de quatrième et sixième ronde pour Pierre-Alexandre Parenteau et Vernon Fiddler.

Le Canadien a-t-il des trous partout ? Oui. Mark Stone aurait-il aidé ? Oui. Mais comme l'a répété Marc Bergevin à plusieurs reprises hier, le prix à payer demeurait exorbitant.

Non seulement le DG a-t-il jugé que de tels coups de poker ont un taux de succès trop faible, mais qu'ils affectent la croissance d'une organisation à moyen et long terme, surtout pour une équipe comme la sienne en pleine phase de réinitialisation.

Imaginez un peu si le Canadien avait cédé à la tentation en 2017 et offert son choix de première ronde pour Kevin Shattenkirk ou Martin Hanzal, deux joueurs très convoités à l'aube de la date limite des échanges.

Aurait-il battu les Rangers de New York pour autant en première ronde ? Aurait-il eu les éléments pour éliminer les Penguins de Pittsburgh en finale d'Association ?

Ils ont conservé ce choix et repêché quelques mois plus tard Ryan Poehling au 25e rang, un jeune joueur considéré comme un intouchable par Marc Bergevin aujourd'hui.

Les Rangers de New York ont connu plusieurs belles saisons entre 2011 et 2015, et même atteint la finale en 2014. Mais ils ne seraient peut-être pas dans une telle phase de reconstruction s'ils n'avaient pas sacrifié leurs choix de première ronde en 2013, 2014, 2015 et 2016 pour des solutions à plus court terme.

Le meilleur exemple pour illustrer ce propos demeure l'échange entre les Blackhawks et le Canadien en février 2016. Chicago a cédé Philip Danault et un choix de deuxième ronde, qui est devenu Alexander Romanov, pour les joueurs de location Dale Weise et Tomas Fleischmann. Ceux-ci ont connu une fin de saison désastreuse et ils ont même été rayés de la formation à quelques reprises en séries.

Stan Bowman avait aussi payé un choix de première ronde pour Andrew Ladd, qui n'a fait que passer lui aussi.

Les Hawks ont été éliminés en première ronde en six matchs par St. Louis.

Voilà le type d'échange inutile qui a nui à la croissance à moyen et long terme de Chicago.

Les Blue Jackets ont pris un risque énorme cette année. Ils pourraient avoir dépensé un choix de première ronde, deux choix de deuxième ronde et deux espoirs, tout en perdant Sergei Bobrovsky, Artemi Panarin, Matt Duchene et Ryan Dzingel le 1er juillet sans rien obtenir en retour.

Ils viennent de remporter deux victoires spectaculaires depuis l'arrivée de Matt Duchene, mais leur position demeure fragile au classement : ils ont un seul point d'avance sur les Penguins de Pittsburgh, premier club exclu des séries. On n'ose pas imaginer une exclusion des séries pour Columbus.

Dans l'Ouest, Vegas a sacrifié son meilleur espoir, Erik Brannstrom, mais a réussi au moins à retenir Mark Stone pour huit saisons supplémentaires. Stone est un formidable joueur, mais il aura 27 ans dans quelques mois et il touchera en moyenne 9,5 millions par année jusqu'à 35 ans. Sera-t-il en mesure d'offrir le même rendement à compter de 30 ans ?

Vegas doit gagner cette année, mais n'est même pas encore assuré de participer aux séries. L'équipe a seulement trois points d'avance sur l'Avalanche, dernier club exclu des séries.

Les Stars de Dallas n'ont pas payé un prix exorbitant pour le joueur de location Mats Zuccarello, mais tout de même : des choix de deuxième et troisième rondes. Dès son premier match avec les Stars, il y a quelques jours, Zuccarello s'est fracturé le bras après avoir bloqué un tir. Il pourrait rater le reste de la saison régulière. Les organisations savent que ce type de risque existe, mais le DG des Stars Jim Nill doit rager.

« Je suis critiqué si je bouge et je suis critiqué si je ne bouge pas », a expliqué Bergevin hier lors de son point de presse.

Le DG du Canadien a opté pour la sagesse au détriment de l'impulsivité. On le félicitera sans doute dans quelques années. Ou aura-t-on déjà oublié, comme on avait oublié sa sagesse à la date limite des échanges en 2017 ?

À LIRE !

Guillaume Lefrançois était au point de presse de Marc Bergevin. Il a bien résumé l'état d'esprit du DG du Canadien.