Marc Bergevin, Trevor Timmins et tous les recruteurs du Canadien ont sans doute passé un beau week-end.

Jamais avant cette année une équipe de la LNH n'avait vu ses espoirs gagner à la fois le titre d'attaquant par excellence et défenseur par excellence au Championnat mondial junior.

Non seulement Ryan Poehling, le premier choix de l'équipe en 2017, a-t-il été choisi l'attaquant par excellence, mais il a aussi été nommé le joueur du tournoi. Alexander Romanov a réussi l'exploit d'être nommé le défenseur par excellence à l'aube de ses 19 ans. Il pourra récidiver l'an prochain.

Les Sabres de Buffalo comptent dans leur formation deux joueurs au parcours semblable. Casey Mittelstadt, choix de première ronde, huitième au total, en 2017, a été nommé le meilleur joueur du tournoi l'an dernier. Le premier choix au total en 2018, Rasmus Dahlin, a reçu le titre de défenseur par excellence, mais il n'avait pas encore été repêché par Buffalo.

Non seulement Romanov et Poehling ont-ils volé la vedette à Vancouver, mais Cayden Primeau, choix de septième ronde du CH, était le gardien titulaire des Américains, finalistes du tournoi.

Le jeune homme de 19 ans aurait pu permettre au Canadien d'effectuer un balayage au chapitre des trophées individuels en vertu de sa fiche de 4-1, de sa moyenne de 1,61 et de son taux d'arrêts de ,936.

Jesse Ylonen, lui, a obtenu six points en sept matchs, au troisième rang des compteurs de la Finlande. Ce choix de deuxième ronde en 2018, trois rangs devant Romanov, a marqué un but en demi-finale et un autre en finale, chaque fois le premier but de son club.

Comme si ça ne suffisait pas pour emballer les partisans du Canadien, Nick Suzuki et Josh Brook, malgré le tournoi décevant du Canada, ont montré de belles promesses. Malgré un rôle plus défensif, Brook, un défenseur droitier employé à gauche, a amassé deux passes en cinq matchs.

Choix de deuxième ronde en 2017, Brook a amassé trois aides à son retour à Moose Jaw, dans la Ligue junior de l'Ouest, pour porter son total à 36 points en 27 matchs. À titre de comparaison, Noah Juulsen a obtenu 34 points en 49 matchs à sa dernière année chez les juniors à Everett. Les statistiques ne disent pas tout, évidemment, mais Brook possède aussi de belles qualités défensives et il est le capitaine des Warriors, comme l'était Juulsen à Everett.

Suzuki, obtenu dans l'échange de Max Pacioretty, en a laissé plusieurs sur leur appétit avec ses trois aides en cinq matchs. Il aurait néanmoins terminé parmi les meilleurs compteurs du Canada s'il avait profité de la victoire de 14-0 contre le Danemark pour gonfler ses statistiques personnelles.

Suzuki a marqué dans chacun de ses deux matchs à Owen Sound depuis son retour. Le capitaine de l'Attack a désormais 22 buts et 45 points en seulement 30 matchs.

Une seule déception parmi les espoirs du CH au Mondial junior, Jacob Olofsson, choix de deuxième ronde en 2018, très effacé avec la Suède alors qu'il avait entamé le tournoi au sein du deuxième trio.

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Grant McCagg, toujours très pertinent sur Twitter, a ses antennes dans le monde du recrutement amateur de la LNH. Il a fondé le magazine spécialisé en repêchage McKeen's et travaillé comme recruteur à temps partiel pour le Canadien pendant quelques années sous l'ère Bob Gainey.

McCagg est le premier à avoir attiré l'attention du public montréalais sur Jesperi Kotkaniemi, plusieurs mois avant le repêchage de juin.

La communauté des recruteurs de la LNH est «assommée» par la performance de Romanov, affirme-t-il. Un de ses confrères l'aurait même comparé à Drew Doughty.

Au cours d'une conversation ce matin, McCagg me confiait que Romanov lui rappelait davantage Duncan Keith, mais que le jeune homme devrait évidemment atteindre son plein potentiel pour espérer se rapprocher d'une telle élite.

McCagg est plus circonspect dans le cas de Poehling, huit points à ses trois premiers matchs, mais blanchi à ses quatre derniers, dont les trois matchs éliminatoires.

D'autres collègues journalistes, plus enthousiastes, voient ces sept participants au Championnat mondial junior avec le Canadien d'ici trois ans.

Il serait très étonnant que cela se produise. Et voilà où il faut modérer ses attentes.

Parmi les gagnants du titre de défenseur par excellence depuis dix ans, des noms prestigieux: Erik Karlsson, Drew Doughty, Alex Pietrangelo, Ryan Ellis, Jacob Trouba, Rasmus Ristolainen, Zack Werenski, Thomas Chabot.

Ils sont tous devenus des défenseurs dominants. Mais parmi le lot depuis 2008, il y a aussi eu des Brandon Gormley et Vladislav Gavrikov. Ils constituent l'exception, mais un tel titre ne garantit pas une grande carrière dans la LNH.

Parmi les joueurs par excellence du tournoi au cours de la même période, John Tavares, Jordan Eberle, Evgeni Kuznetsov, Ryan Nugent-Hopkins, Filip Forsberg, Max Domi ont tous une belle carrière.

Comme chez les défenseurs, il y a eu des déceptions par la suite: Viktor Tikhonov (2008) et Jesse Puljujarvi, encore jeune à 20 ans, bientôt 21, mais incapable de se faire justice à Edmonton. Le gagnant de 2017, Kiril Kaprisov, un espoir du Wild, est sous contrat dans la KHL jusqu'en 2020.

Romanov pourrait devenir l'éventuel partenaire de Shea Weber lorsqu'il se joindra au Canadien à la fin de son contrat avec le CSKA Moscou, en 2020, s'il n'y a pas de lockout évidemment.

Mais il ne faut jamais perdre de vue non plus les espoirs suscités à l'époque par Alexei Emelin, sept points en six matchs au Championnat mondial junior en 2006 (quoique âgé de presque 20 ans à l'époque).

Poehling pourrait devenir un autre Ryan Getzlaf, mais n'oublions pas les attentes placées en Kyle Chipchura, ancien capitaine de l'équipe junior canadienne.

Au volume de joueurs prometteurs à ce tournoi, Claude Julien, s'il est encore en poste dans quelques années, héritera de quelques bons éléments. Il faut s'attendre à en voir au moins deux ou trois devenir des joueurs de premier plan.

Grâce aux performances de l'équipe, et à l'éclosion rapide de Jesperi Kotkaniemi, ces jeunes pourront se développer sans pression.

Le Canadien a déjà trois centres établis avec Domi, Danault et Kotkaniemi. Poehling, s'il se joint à l'organisation à la fin de sa saison dans la NCAA, et Suzuki, peuvent se permettre de passer un hiver dans la Ligue américaine avec Joël Bouchard l'an prochain.

En défense, Josh Brook pourra aussi y faire ses classes. Il y a déjà Shea Weber et Jeff Petry à droite, tandis que Juulsen aura un an de plus l'an prochain. Sans oublier Cale Fleury, très prometteur à Laval à sa première saison chez les pros.

Du côté gauche de la défense, Victor Mete, après quelques semaines à rebâtir sa confiance avec Bouchard, et Mike Reilly, sont en train de consolider leur place au sein du top 4.

Idem pour Cayden Primeau, avec la présence de Carey Price pour encore plusieurs années.

Le Canadien n'attend donc aucun de ces jeunes en sauveur. Il s'agit d'un contexte idéal pour développer ses espoirs.

Et qui sait si un autre jeune autre que ceux-ci n'émergera pas ces prochaines années, comme c'est souvent le cas au sein des organisations de la LNH.

Quelques noms parmi la flopée de choix en 2018: Jordan Harris, un défenseur gaucher, choix de troisième ronde, toujours âgé de 18 ans, sept points en 17 matchs à Northeastern dans la NCAA; Allan McShane, quatrième ronde, 12 points, dont six buts, à ses sept derniers matchs après un départ timide; Cole Fonstad, cinquième ronde, 25 points à ses 16 derniers matchs à Prince Albert après un départ difficile lui aussi.

En bref, la suite s'annonce intéressante.

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A LIRE

Le bilan en six points de Jean-François Tremblay est non seulement original, mais il cerne bien la première moitié de saison du Canadien. Ma surprise? J'ai toujours apprécié le talent de Max Domi, et j'ai louangé l'échange sur le champ, mais je ne m'attendais pas à ce qu'il devienne si rapidement le centre numéro un de l'équipe et que son impact soit tel.

Photo Darryl Dyck, La Presse canadienne

L'espoir du Canadien Alexander Romanov (à droite) a été nommé le défenseur par excellence au Championnat mondial junior.