Les plans de «réinitialisation», le nouveau terme à la mode pour camoufler l'expression «reconstruction», ne réussissent pas à tous.

Prenez les Sabres de Buffalo. Ils ont choisi de repartir à neuf lors de l'entrée en poste de Tim Murray en 2014. Quatre ans, un nouveau DG et un nouvel entraîneur plus tard, on revient à la case départ.

À leurs quatre derniers matchs, les jeunes Sabres ont subi trois défaites, 6-1 contre l'Avalanche, 4-1 contre les Golden Knights et 5-1 face aux Sharks de San Jose, hier.

On espérait certainement un meilleur départ à Buffalo, surtout après l'arrivée du jeune surdoué Rasmus Dahlin en défense. Les Sabres ont repêché dans le top 10 lors des six derniers repêchages, dont trois fois parmi les deux premiers depuis 2014.

Le début de saison des Sabres n'est pas catastrophique pour autant puisqu'ils ont trois victoires à leur fiche. Mais deux de ces victoires ont été acquises contre les Rangers de New York et les Coyotes de l'Arizona, deux clubs en pleine restructuration comme eux.

Quand on repart à zéro, il faut l'assumer. On ne peut se permettre de gaspiller de choix au repêchage et il faut faire les bons choix d'espoirs. Il faut aussi dessiner un plan et bien le mettre en application, trouver une identité à l'équipe.

Les Sabres, comme les Oilers d'Edmonton d'ailleurs, ont perdu de précieuses années parce que leurs raccourcis n'ont pas fonctionné.

Tim Murray a sacrifié un choix de première ronde en 2015 pour obtenir Robin Lehner, mais celui-ci a failli à la tâche et le nouveau DG Jason Botterill ne lui a même pas soumis d'offre qualificative cet été. Lehner joue désormais pour les Islanders.

Avec ce choix, que les Sabres avaient obtenu des Islanders de New York dans l'échange de Thomas Vanek, les Sénateurs ont repêché Colin White. Un certain Brock Boeser était aussi disponible à ce rang, tout comme Noah Juulsen, Travis Konecny, Anthony Beauvillier, Sebastian Aho et Brandon Carlo, entre autres.

Evander Kane a lui aussi coûté un choix de première ronde, en plus de Tyler Myers, Brendan Lemieux et Joel Armia en 2015. Trois ans plus tard, sous la nouvelle administration, Kane était parti pour San Jose. Les Jets ont repêché Jack Roslovic avec ce choix. Les Juulsen, Konecny, Aho et Carlo étaient toujours disponibles.

Au moins, Buffalo a récupéré un choix de première en 2019 (ou 2020 si San Jose rate les séries) pour Kane, mais ils ont perdu quelques années.

Tim Murray ne semblait pas avoir fait une vilaine transaction en apparence en échangeant trois espoirs, Nikita Zadorov, Mikhail Grigorenko et J.T. Compher, en plus d'un choix de deuxième ronde pour Ryan O'Reilly en 2015.

La première erreur aura été de repêcher Grigorenko au 12e rang en 2012, devant Tomas Hertl, Teuvo Teravainen, Andrei Vasilevskiy et Brady Skjei, entre autres. Grigorenko avait vu sa cote dégringoler à son année de repêchage, mais les Sabres se sont laissés aveugler par sa réputation.

Nikita Zadorov, 23 ans, tarde à devenir le défenseur espéré, mais J.T. Compher connaissait un départ intéressant à Denver avant de se blesser il y a quelques jours.

O'Reilly a néanmoins été identifié l'été dernier comme un élément indésirable et Botterill a obtenu beaucoup des Blues pour lui: l'espoir Tage Thompson et des choix de première et deuxième rondes.

Tim Murray n'hésitait pas à échanger ses choix de première ronde, Botterill, au contraire, les accumule, même s'il a sacrifié un choix de deuxième pour Skinner.

Botterill et la nouvelle administration doivent refaire le travail bâclé de Murray en raison d'un manque de flair au repêchage, ou parfois d'un manque de pot, depuis six ans.

Les Sabres disposaient de deux choix de première ronde et de trois choix de deuxième ronde en 2013 (le dernier repêchage avant l'arrivée de Murray). Il ne s'agissait pas de la plus grande cuvée pour renflouer une banque d'espoirs.

Rasmus Ristolainen a constitué un choix avisé au 8e rang. Il est désormais le défenseur numéro un de l'équipe. Nikita Zadorov, 16e, et J.T. Compher, 35e, sont au Colorado. Les deux autres choix de deuxième ronde cette année-là, Connor Hurley et Justin Bailey, sont toujours dans les mineures.

Parmi tous les joueurs repêchés en deuxième ronde en 2013, Jacob de la Rose et Artturi Lehkonen demeurent pour l'instant ceux qui ont disputé le plus de matchs dans la Ligue nationale.

Les Sabres détenaient le deuxième choix en 2014. Ils ont opté pour Sam Reinhart. Ce n'est pas un vilain joueur. Il a marqué 25 buts l'an dernier, à sa troisième saison dans la LNH. Mais il joue désormais à l'aile. On regrette sans doute de ne pas avoir choisi Leon Draisaitl, repêché au troisième rang.

L'année 2015 a fait mal puisque les Sabres ont terminé au dernier rang, mais sans pour autant gagner la loterie McDavid. Jack Eichel a constitué le prix de consolation. Eichel possède un gros potentiel offensif. Il faisait consensus. Mais ressemble-t-il davantage à Phil Kessel qu'à Nathan MacKinnon?

Toronto, avec Mitch Marner au quatrième rang, Philadelphie, avec Ivan Provorov, septième, Columbus et Zack Werenski, huitième, sans oublier Long Island avec Mathew Barzal et Ottawa avec Thomas Chabot, ne s'en sont pas trop mal tirés...

Le premier choix des Sabres en 2016, au huitième rang, Alex Nylander, connaît un départ explosif dans la Ligue américaine après un bon camp d'entrainement. Mais les défenseurs Mikhail Sergachev et Charlie McAvoy ont déjà un gros impact avec leurs équipes respectives.

Cela dit, Buffalo semble être en bien meilleures mains avec Botterill. Les Sabres ont conservé leurs choix de première et deuxième rondes depuis deux ans et ils détiennent trois choix de première ronde en 2019.

Mais il devra éviter de s'emballer si les Sabres connaissent une période de succès et rester fidèle à son plan.

À cet égard, le DG du Canadien, Marc Bergevin, évite les raccourcis depuis un an. Lors d'une interview avec le site The Athletic il y a une semaine, il a admis avoir refusé de céder son troisième choix au total à... Botterill (qui a servi à repêcher Jesperi Kotkaniemi) pour obtenir Ryan O'Reilly.

Botterill serait revenu à la charge en s'enquérant de la disponibilité de Ryan Poehling, ce jeune centre repêché en première ronde en 2017. Nouveau refus de Bergevin. Sage décision.

En protégeant ses jeunes actifs et ses choix, Bergevin a pu repêcher cinq fois dans la deuxième ronde ces deux dernières années, sans oublier ses deux choix de première. Il en détient deux dans la deuxième ronde l'an prochain (dont un obtenu pour Max Pacioretty), tout en ayant mis la main sur Nick Suzuki, un choix de première ronde.

Reconstruction, réinitialisation, restructuration, rajeunissement, peu importe l'expression, il faut éviter les raccourcis et la vision à court terme.