Gary Bettman triomphe enfin.

Un peu moins de 25 ans après son pari un peu fou de garnir le sud des États-Unis d'équipes de la LNH, les succès des Golden Knights de Vegas viennent couronner son oeuvre.

En seulement un an, Vegas est devenu un modèle de gestion pour les 30 autres clubs, autant sur le plan du marketing que du hockey. Et que dire de l'engouement des fans de la ville pour leur nouveau club !

Non seulement la réussite des Golden Knights légitimise-t-elle la naissance d'une nouvelle équipe à Seattle, elle l'encourage.

Les Ducks d'Anaheim ont procuré à la Californie sa première Coupe Stanley en 2007. Les Kings de Los Angeles ont répété l'exploit en 2012 et 2014. Les Predators de Nashville ont atteint la finale l'an dernier. La saison précédente, un autre club de la Californie, les Sharks de San Jose, les imitaient.

Il aura fallu du temps. Même l'arrivée de Wayne Gretzky chez les Kings de Los Angeles, en 1988, n'a pas eu l'effet escompté, quoiqu'il a contribué à solidifier le marché de la côte Ouest de façon à y établir des équipes à San Jose et Anaheim.

La hausse de popularité du hockey dans des marchés moins traditionnels n'aurait pas été possible sans le développement de joueurs locaux.

La LNH l'a compris et a investi massivement dans les programmes de Hockey USA pour développer de jeunes hockeyeurs américains de façon à mousser la popularité du hockey aux États-Unis.

En 2016, la Ligue nationale a annoncé (discrètement) qu'elle verserait une somme annuelle de 8 millions au programme USA Hockey. Il s'agissait d'une hausse gigantesque puisqu'elle octroyait seulement 400 000 $ à cet organisme jusqu'en 2005, et 1,2 million l'an dernier.

Les résultats n'ont pas tardé. En 2003, huit Américains, dont quatre provenant du programme de développement USNTDP sont repêchés en première ronde, un record. Ils seront dix en 2005, et autant en 2006. En 2010, 21 Américains sont repêchés dans les deux premières rondes.

Le hockey mineur américain se développe désormais partout. Le premier choix en 2016, Auston Matthews, provient de l'Arizona. Seth Jones, le quatrième choix au total en 2013, est né au Texas et a grandi à Denver. Le Minnesota, le Michigan et l'État de New York demeurent forts, mais il y a désormais dans la LNH huit joueurs de la Californie, cinq du Missouri et quatre du Colorado dans la Ligue nationale de hockey.

J'avais interviewé à cet effet Bob Nicholson, alors patron de Hockey Canada, en juin 2016. Il n'avait pas caché son inquiétude et semblait heureux qu'un journaliste aborde la question avec lui. 

«Ça donne aux États-Unis une structure et un avantage certain, avait-il confié Nicholson. Je peux comprendre qu'ils veuillent renforcer le hockey aux États-Unis. Ils ont un nombre important d'équipes de la Ligue nationale là-bas. Mais j'espère que la Ligue nationale continuera à se souvenir que le Canada lui fournit 58 % des joueurs. Nous avons besoin qu'elle en fasse plus pour nos programmes de hockey mineur. Et je ne parle pas seulement d'argent ici, mais de diverses ententes semblables à celles qu'ils ont avec USA Hockey. Nous avons plusieurs immigrants au Canada et nous devons faire la promotion de notre sport différemment. C'est notre responsabilité, mais nous avons besoin de l'aide de la LNH en raison de sa visibilité.»

La LNH a aussi compris que le hockey resterait un sport marginal aux États-Unis en tolérant la violence gratuite et les bagarres. Le nombre de bagarres a chuté de 47 % entre 2008 et 2016. Et la tendance est en voie de se poursuivre.

Gary Bettman pouvait donc afficher un sourire triomphant hier. Vegas constitue le parachèvement de son oeuvre. Et cette fois, personne ne pourra l'accuser de prêcher dans le désert...